Du côté de Laurence Mayor...
(Notes brutes - non retravaillée comme Laurence voulait et fera peut-être - que je lui ai néanmoins arrachées en l'état)
Le 14 juin – des notes des notes des notes !
Une sensation du temps tactile
De plus en plus le temps apparaît comme une réalité formidable (=comme une montagne est formidable= colossal soulèvement de vide et de roc tordu, plié, empilé, arraché)
cette sensation du temps tactile dans l’improvisation où Laetitia était nue : cinq femmes jeunes, avec des robes qui font irradier leur jeunesse leur féminine jeunesse… la nudité, une femme nue, les courbes en mouvement du corps presque immobile, avalanche de souvenirs de tableaux et de ces choses qu’ils disent sur le corps féminin… et le voilà en vrai, et il parle tout différemment : cette maladresse, cette fragilité, cette durée vivante où il se tient, ce suspens de sa peau qui se déplie…
la présence des autres femme accentuait comme une audace ambiguë : innocence/affectation, affirmation/évanouissement, ce qui la rendait légère, et comique, comique et grave…
la présence des autres femmes, Sandrah par exemple qui on ne sait comment ni pourquoi, je crois à la suite de l’injonction de faire un animal, s’est dénudé le buste, puis s’est trouvée proche de Laetitia, liée à elle comme par des paroles silencieuses, et les autres femmes : moments disparates, fragments d’une seule femme qui se déploie :
une sensation du temps tactile
mon étonnement dans ces moments-là c’est ce mot qui me vient : vérité et ce qui m’est permis d’en comprendre : une participation de tout mon être est nécessaire à cette chose pour qu’elle advienne, et c’est ça la grande émotion au théâtre : ce réveil de forces enfouies, cette circulation du sang dans des zones abandonnées, ce fantastique agrandissement de ma participation !
il semble bien qu’il n’y a pas de vérité sans cette puissante participation. Chacun a sa vérité mais le phénomène vérité est universel, comme le temps : on peut remplir le temps d’une infinité de choses mais c’est toujours le temps.
intuition,
jeunesse- création du monde
l’expérience dans le moment même
pour que ça vienne faut que ça soit prêt tout de suite –on est toujours à l’endroit juste
Le rire de Léa
Tandis que les autres derrière la table parlaient animaux avec sérennité, Léa s’est assise sur la table près du public, comme en gros plan se détachant de l’intense activité des sept convives, et portée, soutenue par eux. S’ils n’avaient pas été là qu’est-ce qui aurait changé ? Le corps se serait refermé sur lui-même : les autres, derrière, ouvrent une sorte d’hémorragie : le sang du personnage-Léa en s’échappant vers eux, laisse entrer une chose inconnue, une vie inconsciente qui bouleverse le texte : lui fait dire quelque chose de neuf, de surgi à l’instant, de poussé par une nécessité secrète… Léa : reliée au réseau des conversations dont soudain on cesse de démêler le sens, est-ce qu’on les écoute encore ? oui mais plus avec les oreilles : on écoute Léa : le silence de Léa qui s’assoit sur la table, tout ce qui de Léa est visible, et invisible, et nous tressaillons parce que soudain elle rit et que dans son rire une petite note aigüe nous a étonnés et plongés dans l’enfance, nous qui étions captivé par sa féminité soudain nous sommes arrachés au confort de cette contemplation et jetés tout vif dans quelque chose d’inconfortable, d’irrésistible : une nostalgie d’enfance ! qui jaillit et échappe ! bondit, renverse tout l’espace, danse et nous chasse, qui fait des signes et nous attrape, on ne sait plus qui danse, on ne sait plus qui rit… Et puis soudain elle ne rit plus, nous revenons à la contemplation du visage, comme un pays beaucoup plus sauvage qu’avant, beaucoup plus abondant et inquiétant, nous vacillons sur les arrêtes du visage… nous croyons connaître maintenant ce rire et qu’il ne pourra plus nous surprendre… jusqu’à ce qu’il nous surprenne de nouveau et nous culbute cul par-dessus tête dans l’enfance.
14 juin soir
Au bar, comme dans un chalet de montagnes, dehors les sapins en débandades, c’est la débâcle comme après une bataille ( : je me souviens quand ils ont abattu ce coin de forêt nous étions en train de travailler sur Antigone de Hölderlin, on entendait la scie, dans le vide d’abord puis dans le plein, mordre, on s’arrêtait, on n’arrivait plus à ce concentrer, on savait on redoutait ce qui allait venir : un craquement : dans nos oreille un cri, une agonie, une stupéfaction, suivi de froissements et enfin le choc : la masse, il était impossible de ne pas me souvenir des fresques où des chevaliers se faisaient embrocher par des harpons, pour aller s’écraser au sol raides comme des tours.) Des petits drapeaux loqueteux pissent des gouttes grises, tout est gris dehors, et dedans nous écoutons des poètes, des bribes, en buvant du thé. Rebecca, un pays nouveau, une langue à entendre sans comprendre (bien sûr tout le monde comprend l’anglais sauf ceux qui adorent ne pas le comprendre) : T.S. Eliott, ( … « pousser le moment jusqu’à un état de crise » tâtonnent nos traducteurs… oh écouter des paroles sans en être les héros… ! nous les buveurs de thé ! - mais le moment de crise alors , c’est quoi ? – oh no !.. - on ne verra pas le moment de crise ?... – no ! on ne va pas vers le PANG ! - ah ? on va vers quoi alors ? – on va vers le « wimper » !... et Rebecca se pince le haut du bras,… - wimper ? – wimper yess… ! – elle se pince un peu plus le bras - ah wimper… : le gémissement ?... ! ?... » ) puis Shakespeare, elle a le roi en face d’elle, son fils à sa droite, (oh sorry my son ! dit-elle à cause d’une main posée sur la cuisse de son voisin ) des paroles définitives qui sonnent terribles et ses lèvres n’arrêtent pas de sourire et ses yeux rient, il semble que là-bas d’où elle vient on sait que le rire entre dans la mixture de la colère, de tous les défis et des choses les plus noires. Je suis fascinée par ce rire qui tient jusqu’au point final. Je pense à une danseuse finlandaise, solaire et resplendissante, que j’ai vue incapable de reculer. « …te mener vers une question bouleversante, oh ne me demande pas laquelle… » La richesse des sons anglais : « quand j’entends la traduction en français, je ne comprends plus le poème… ! » dit quelqu’un qui ne comprend pas l’anglais… nous parlons de la matière sonore, la force brute, concrète du son qui touche l’imagination, comme les odeurs et les couleurs, sans passer par l’intellect. « ça parle de tout, on comprend pas mais ça nous parle ! ça parle de la création même » dit Y-N qui raconte les propos d’un écrivain « je suis sur mon cheval et je ne pense à rien, puis ce rien je l’écris et je l’envoie à quelqu’un, qui lui entend quelque chose dans ce que j’ai écrit et en trouve les contre-clés » …cela me fait penser au film de Dreyer Ordet où on voit que pour ressusciter une morte, le passage par la folie est nécessaire, (mais il ne faut pas y rester : seulement traverser ) l’homme raisonnable incarné par le pasteur est impuissant. Il faut avaler une dimension inconnue, inconcevable, pour soulever le réel…
Puis Pascal s’entend dire « je voudrais que tu choisisses un texte qui soit comme un livre ouvert sur ton visage », ce qui le rend pensif jusqu’à ce qu’il déclare abruptement qu’il a le projet d’être comédien, et cela semble tout à fait lui convenir, son visage s’ouvre à cette évidence et ses paroles glissent sur le silence, car nous sommes très silencieux soudain et intéressés par quelque chose qui danse dangereusement au bord du gouffre… C’est Robert Walser, « le funambule » disait Marthe Keller en traduisant « L’Institut Benjamenta » ce roman admirable qui ne dit rien, ne va nulle part, car tous les personnages ont l’ambition démesurée de devenir des zéros invisibles.
15 juin
matin
le feu fait des explosions dans la grande cheminée du réfectoire, si fortes que Léa interrompt sa lecture de Bataille, légèrement agacée ou même accablée par cet obstacle à l’écoute d’un texte déjà assez ardu… « le feu nous attire plus que ta lecture… » s’entend-elle dire : alors le feu est entré dans le cercle des buveurs de thé et nous l’écoutons nous écouter… ; puis les lectures reprennent : « les commentaires ou les arguments ne nous touchent pas,… on tourne autour…il faut de la beauté… » Un texte de Camus : « pourquoi je veux faire du théâtre » se dissout de lui-même sous le coup de quelques questions d’Y-N du genre : « il veut faire du théâtre pour n’avoir plus à perdre son temps à refuser des invitations ?... » Nouveau silence, le feu crépite, nous l’écoutons nous jaugeons l’adversaire qui est là comme un animal lâché sur le plateau (j’avais un jour assisté à une représentation où un dromadaire se tenait dans le fond du plateau, soudain alors que deux comédiens s’avançaient à la face le dromadaire a lâché un pet énorme, interminable, lourdement humide et suggestif. Les deux comédiens , lorsque enfin le public s’est calmé, ont semblé souffrir beaucoup, ils restaient devant et se tortillaient sans dire un mot, jusqu’à ce que l’un deux attaque la suite du texte « entends-tu ce bruit au loin ? » J’étais au premier rang, et un tel fou rire m’a pris que je gémissais comme si je sanglotais, le visage à 50 cm des pieds des deux acteurs qui semblaient flotter dans un bouillonnement de sens incontrôlables qui s’échappaient à chaque mot qu’ils continuaient à articuler comme dans un cauchemar…)
Soudain Claudel « …riante, roulante, déracinée…comme une bête qui n’est pas poussée par la raison… » cette fois les mots, les mots, les mots ! on sent qu’ils commencent à libérer des sensations : « au théâtre il faut que le mot « chien » aboie ! Le mot tonnerre (en allemand « Donner » ou en d’autres langues), manifeste la sensation du bruit, de l’éclair, de Dieu…. » . Jean-Baptiste chante « Le Roi des Aulnes » en allemand, a capella (un jour un ami se présentait à une audition, on lui demanda : savez-vous chanter a capella, il répondit: non je ne l’ai pas appris...) le feu est sorti de la pièce, Jessica, enfoncée dans un fauteuil, fait entendre « à boulets rouges » un jet d’italien vivant, haletant, nerveux, inventif : L’enfer de Dante… oui c’est cela « il faut que les sapins aussi soient convoqués… il faut créer l’écoute ! » les sapins tressaillent dehors : les grands gisants suspendent leur plainte, nous lisons, « n’ajoutez pas des textes aux textes : chaque fois que vous en apportez un nouveau, que ce soit comme si vous en enleviez ! …choisissez la scène la plus connue d’une grande pièce, n’allez pas chercher les petits textes dans les marges des auteurs en marge ! » Soudain Sémiramis élève la voix « Ma gloire est de moi seule et vous n’en pouvez rien concevoir ! Allez, fuyez ! … Le plaisir m’abandonne et le dédain me soulève… ! » Puis Claudel « C’est ainsi que la chandelle s’est éteinte et qu’on est resté dans le trou !... » Là-dessus tout le monde a ri ! pourquoi ? une âme inquiète de gisant passait par là qui a pris tout ça pour lui ? c’est ça la magie de cette réunion de buveurs de thé, les mots parfois rencontrent une urgence qui galope le mors aux dents, et nous traverse muette et fracassante … ! (cela me fait penser à ce théâtre tout en bois en plein champ, à Mézière en Suisse, où enfant j’ai vu Aliénor d’Aquitaine en longue robe blanche, ficelée sur un cheval au grand galop, qui avait surgi des champs par la porte à cours et allait sortir par la porte à jardin dans d’autres champs de blé, et la salle pétrifiée soupirait « ….ooooooh….. » )
Après il a été question d’une femme à la bûche qui disait des choses incompréhensibles et que ce serait pile moi, le soir en regardant Twin Peaks, il m’a été permis de voir l’original de la femme à la bûche : une vieille grimaçante aux yeux de chouette (et je me suis souvenue combien de fois mon reflet dans un miroir, ou dans une vitre m’a sidérée : « c’est moi ça ?… » et à chaque fois je réalise alors …oh que je le savais que c’était moi ça, mais que je l’avais systématiquement oublié, pour toujours retrouver en moi cette indéracinable femme de 17 ans… !)
Et soudain un ange passa, aussitôt saisi et enc… heureusement c’était un simulacre d’ange et il s’ensuivit un éparpillement de petites conversations à vois basse, j’en profitai pour dire (donner un coup de canif dans mon contrat…) un bout des Paravents « Les vaches ! Les salopes ! Les garces ! toutes les collines ont mis les voiles, et avec elles ont appareillé les femelles qui nous épiaient. Dans l’odeur du jasmin et du serpolet, parties ! où, parties ? En bande, derrière les murs pour épaissir le mystère ? Et la nuit en reste toute plate. Sous le ciel. Plate. Je suis toute seule et la nuit est plate… mais non, la nuit s’est soulevée, elle s’est gonflée comme les mamelles d’une truie… de cent mille collines… les assassins descendent… Le ciel, pas con, le ciel les camouffle… » Et tandis que je parlais, en face de moi je voyais une figure se dilater, se déployer, s’épater, s’exalter, se fendre d’un sourire aérien, flotter avec une longue chevelure blonde devant l’armée massacrée des grands troncs abattus dehors, et j’ai vu enfin ! si nettement oh comment avais-je pu ne pas le voir avant ! Don Quichotte… ! rempli d’une vision généreuse irrésistiblement généreuse… ! Et je me suis vue tourner mille bras comme un moulin à vent, pour le plaisir ! pour le plaisir que ça duuuuuure !!! « Ne fuyez pas couardes et viles créatures car c’est un seul chevalier qui vous attaque ! » Puis bien couvert de sa rondache et la lance en arrêt, il accourut, au grand galop de Rossinante, donner dans le premier moulin qui était devant, et lui porta un coup en l’aile : le vent la fit tourner avec une telle violence qu’elle mit la lance en pièces, emmenant avec soi le cheval et le chevalier qui s’en furent rouler en bon espace parmi la plaine… »
Et se relevant il dit à notre assemblée de moulins à vent buveurs de thé : « il faut nous faire sentir, croire, que le texte qu’on dit, est le plus beau texte à faire passer… il y a une urgence, une nécessité,… on invente ce qu’on entend – on écoute ce qu’on invente – l’énergie de ça – l’énergie d’écrire ce qu’on veut entendre…. Jean de La Croix… la plus haute expérience humaine… l’union avec Dieu… ! » puis il baisse la voix et une épaule levée : « le titre du stage : jouer Dieu… »
On entend alors Pascal parler des pensées suicidaires : « elles ont des petites têtes plates, blanchâtres et triangulaires… » qui prolifèrent dans une boîte enfermée dans le tiroir d’une commode couverte d’une plaque de marbre.
Puis nous écoutons un Hypérion belge, qui arrache les « rr » de sa gorge comme des teignes, et affirme être grec. C’est Jessica qui dit ça avec des yeux vifs qui pétillent de quelque chose d’incontrôlablement intelligent. Elle dira aussi à un moment un texte qu’elle a écrit et qui sort avec la verve d’un éclair. Je pense à ce phénomène de l’accent, sa force de mâchoires qui broient les morceaux les plus denses et y introduit quelque chose de brute, une présence brute, une raideur qui parle haut et dru… comme le feu dans la cheminée…
Il y eut cette phrase aussi qui sonna chez les buveurs de thé : « rien n’aura eu lieu que le lieu »
16 juin
Ecrire pendant 2 heures qu’il pleut : il pleut, il pleut des gouttes mouillées, il grisaille, il pleut gris, il goutte, il pleut, il pleut, il n’arrête pas de pleuvoir, la pluie coule, la pluie pénètre, ça pleut, les arbres dégoulinent, des flaques grandissent sur le sentier des caravanes, mes habits ne sèchent pas, il y a un trou dans le plafond de l’algéco, un chapeau de feutre noir à large bord est apparu sur la tête d’Yves-Noël, il pleut sur les capuchons, les bonnets sont trempés, toutes les couleurs ont foutu le camp…
Deuxième semaine.
Depuis hier le travail a radicalement changé. Un virage violent.
Il me semble qu’il est bon d’enraciner les jours à venir dans les notes prises la semaine passée (sans penser à rien car je ne comptais pas du tout écrire quoi que ce soit) : étirer creuser pour faire de la place – c’est en passant qu’on a quelques indices –il y a ne urgence… et à l’intérieur de cette urgence, il faut avoir du temps pour une urgence encore plus grande, et dans cette urgence plus grande, trouver du temps pour une autre plus grande encore… sans abandonner la première urgence ---des traces de guerre, de crimes, de suicides mais vous maintenir dans une espèce de neutralité --- ce que vous pouvez introduire en douce ---ne mime pas : intéresse-toi à une chose profonde --- écoulement, vous en bénéficiez, quoi qu’il arrive ça coulerait quand même puisque c’est le vivant, tu n’es pas perdu : cette puissance-là est toujours là --- cette vitesse profonde : très précis ouvert à tous les possibles ---- ne pas se rendre compte comment c’est fait : on ne décèle pas l’artifice de la beauté, l’artifice est tellement fin ----ne pas se rendre compte que vous voulez dire quelque chose ----vous avez tellement confiance qu’il suffirait que vous y pensiez et ce serait fait : on ne vous voit pas l’activer ----ce qu’on fait c’est des métaphores --- des publicités de vous-mêmes --- c’est le montage qui fait les films : jouez le minimum ---- si t’as rien à dire, tu ne parles pas ---- flottement comme sur une vague : nous inclure dedans --- tout d’un coup c’est rattrapé : dans ce chaos quelques mots clés… quelques grâces --- en volume et en complexité : pas frontal ---- des agglomérats, des formes, quand ça marche on sent une communauté très émouvante et on ne sait pas pourquoi ----l’humanité par métonymie ---- ça ne se stabilise jamais, comme un rêve… la forme chaotique… le jeu c’est de continuer à vivre quelque chose : une forme chaotique, avec des moyens pauvres… jeu de glissade…il est là on ne sait pas comment, il se fait engueuler on ne sait pas pourquoi : un jeu d’équilibre sur du chaos ! ----une beauté pas effrayée --- sensation comme spectateur d’être là au milieu –--- que tout soit proposé généreusement… pas de névrose, pas de femme abandonnée ! ---- sans les clichés, voir les choses sans les représenter, c’est pas un cabaret, c’est pas des putes, c’est plus réel ….ouverture, du coup il y a de plus en plus de place pour beaucoup de monde, de choses… la courbe, le plein, l’apparence, le léger …. Rester dans la « visualité », des choses plus énergiquesmais s’empêcher de jouer parce que ça enlève de la présence ---- la poésie est aussi réelle que le temps, on ne le voit pas mais on le sent ---- les phrases finissent par dire tout à fait autre chose que ce qu’on croyait --- une qualité de plein pied, de rien, il ne s’agit pas de fair peur : cette ambiguïté –la mort, la folie … ça reste du showbusiness : une ambiguïté : ne pas tirer seulement sur la corde tragique : ouverture ---L’inachèvement : seuls les grands acteurs sont capables d’être toujours dans l’inachevé ---- fragilité sur le texte : le rapport avec la création, le langage, la poésie, oublier le par cœur, création par l’imaginaire qu’on cherche à faire sentir concrètement --- ce qu’on veut ouvrir : ce truc du théâtre que jouer fait être ! ---- entre la vie et la mort parler de la chose elle-même ---- il sort nimporte quoi, il prend ce qu’il peut… l’acteur ramasse des choses, on ne sait pas pourquoi ni comment --- tu joues Richard III mais tu joues tous les autres ---« avec tes défauts pas de hâte, qu’irais-tu mettre à la place ? » (H.Micahux) --- la parole vient de l’écoute --- si on est mal dans sa peau la libellule ne serait pas venue, le grillon non plus ----la parole ordinaire et la parole poétique sont liées --- il faut croire ! avoir confiance ! --- tu peux ressentir que la porte est ouverte et qu’ en esprit tu peux aller te baigner dans la rivière… tu es sur la chaise mais on te voit te balader ---un texte brut qui ne ressemble plus à ce qu’on connaît de Claudel… ça embrasse tellement que ça ne peut pas être lourd --- cette intensité n’a pas de sens --- en Inde tout est au même niveau : contemporain, car ce qui nous intéresse n’est pas le déroulement historique, c’est le mystère de l’univers ---- le récit se ferait tout seul sans que tu l’agisses…. Avant de jouer et de précipiter les choses tu as beaucoup de temps pour être… c’est tout simple, c’est jouer Dieu ---- c’est beau parce qu’on entend la mouche voler : c’est bon signe --- transforme le vide en plein, appuie-toi sur nous ----pas de mise en scène ça se fait chez nous pas extérieurement ---- continuer à la désenclore du personnage, à la libérer de sa coquille ---- nous inclure dans le cercle de votre histoire --- et toi qu’est-ce que tu vas nous raconter de ta névrose ? le crime est une bonne solution…. La damnation ça existe… tu as un histoire que tu vas raconter pour l’éternité…. Quelle horreur quand même de passer son temps à ça…. Reste dans l’incertitude, ne cherche pas d’appui chez lui---- tu roules pour ta course à l’oscar puisque ce sont des lâches ---- voilà qu’elle parle vraiment : une urgence : c’est neuf, inventé : là il y a quelqu’un qui parle : on voit la charrette, avant c’était comme une chose abstraite dont on n’avait pas la sensation --- des personnages comme enfermés dans leur truc et qui ont la possibilité d’être sauvés, mais il faut y aller --- le rapport du langage au monde… ni la chose ni le mot mais quelque chosed’autre… pas peur d’aller là où c’est vraiment la réalité --- c’est le fait que tu vas nous l’adresser qui va t’éclairer, mais tu ne comprends pas le sens… tu ne sais pas au moment où tu vis ce que tu vis --- en lève le texte et raconte-le
La semaine passée c’est comme si on sentait, touchait le temps qui passe, comme si on collait son œil sur le fleuve profond qui coule vite, et percevait les filaments, les énergies, les fibres sauvages qu’il charrie et qui « sauvent »… ! On créait du rien, de l’inexistant pour mieux sentir le chaos profond, et dans ce chaos trouver un équilibre fugace : des bouffée « d’être », des irruptions soudain de nécessité, d’urgence, de choses à dire… on touchait tout d’un coup le réel et quand il disparaissait on sentait la frontière nette : radicale… (un matin je me suis réveillée avec cette sensation que la vérité comme le temps peut se remplir de tout ce qu’on veut : on ne la voit pas mais on la sent : elle est là et elle nous concerne tous, elle est universelle, elle est incontournable, c’est comme une texture : on peut y mettre tous les dessins qu’on veut, cette texture est là…) un chaos fait de rien, avec l’ennui qui menace… et parfois ! brusquement : follement vivant. Et ouvert. D’autant plus frappant que ça surgissait dans le dépouillement, avec des actions pauvres. Comme chez Giacometti : une étendue grise, désolée, on croirait indifférente et puis soudain dans le visage autour des yeux et du nez, cet assaut de lignes…
Hier il était question d’ego, de théâtres, films, stars, pressions, enjeux, coach, agents, ego surdimensionnés, d’écraser, de « ravir la vedette », d’utiliser chez l’autre tout ce qui peut alimenter notre éclat, de le faire servir à nos fins, tout est bon qui alimente l’énergie exacerbée qui tient le monde captivé par notre personne, tenir le public, ne pas lâcher, pied à pied passer devant l’autre, lui marcher dessus ou se réconcilier, le tuer ou le caresser, tout est bon qui nous sert ! harceler le public, obnubiler tout « l’espace libre » de son cerveau… était un manière de faire jaillir l’intensité, la violence du « fleuve du vivant ». Jessica bondissait comme un peintre contre sa toile, dépouillait les comédiens de leurs apparences du quotidien, leur mettait des couleurs, des perles, des chapeaux, des cheveux, faisait apparaître la peau, les seins, peignaient sur les corps, et les faisait passer dans une autre réalité, clinquante, vibrante, exacerbée. L’espace était transformé, il vibrait d’énergies aveugles, qui se jettent dans tous les sens, qui ne savent rien, qui se laissent porter, emporter par quoi ? Par un désir d’ « être » …par un instinct que c’est là, là que ça se passe, que ça se trouve cette fantastique qualité d’être … une intuition qui ne sait pas mais se jette et cogne et tant qu’elle cogne et se jette : elle y est ! une énergie en pure perte, qui ne va nulle part mais qui « est », qui aspire à « être »… ! prête à tout traverser, morts, vies, meurtres, caresses, larmes, chants : rien ne compte en soi, c’est traverser qui compte , … traverser, passer outre, être traversé, c’est ça qui fait tourner, abonder, bouillonner le vivant
Le 17 juin
Ce travail repose sur des mots nouveaux : transparence – your present : offering your present –générosité - se donner – si tu as l’impression que tu vas te casser la gueule c’est humiliant mais l’enjeu est plus haut que ça ---les milles entrées de Dona Elvire --- enlever la signification de ce qu’on joue – une étape de plus en plus rapide = moins le ping pong , le public a compris --- Huppert : rien que pour toi haine pour le restant du monde--- tu la modèles, tu la fabriques, tu la sculptes --- plus méchante = plus parfaite --- ça peut aller plus loin : enjeu d’argent, se parlent par avocats…. Ce que les acteurs endurent --- pique une crise… et en plus être bonne, dire comme jamais on a entendu ---« les gens m’aiment parce que moi je ne triche jamais « (Callas) ---- gromelo… d’autres moyens de faire passer que la compréhension --- tu les enseignes mais tu dois jouer ausii avec passion à tout prix ---le silence trépigne rebecca leur fait entrer l’anglais dans le corps --- des états qui mettent à quatre pattes et frappent le sol --- vous les regardez ensuite vous essayez de faire la même chose ---take th espace, take the theate any minds --- si tu ne te souviens pas invente --- tu as plus d’armes que les autres = de musique et de faux semblant, de déjà vu … like a dream tou have to play == les autres essayent avec enthousiasme --- if you want the power --- tu es chanceux d’être dans cette master class --- ce qui échappe : il arrive pas à dire son texte qu’il a archi répété, devant Brando --- des titans – Monroe : transparente, ouverte… belle – la + malheureuse --- moi c’est un océan de défaut mes trucs –on peut pas te remplacer --- tu peux dire non mais tu dois l’acter – on peut dire ça et son contraire ! c’est la même chose play à tout prix ! challenge – les coach c’est au fouet : pousser dans des directions aberrantes --- « t’as vu comme j’ai bienfait ça ?? Hé..hé …hé ! t’as vu « en lui tirant la manche pour l’obliger à le regarder --- continuer, tenir ça , pas lâcher --- « t’as vu comme on y croit ? t’as vu comme je fais semblant de --- t’as vu comme je joue ça » --- la place pourrie qu’elle laisse --- tu montreras que c’est faux : tu sapes la croyance --- enlève le vrai tout le temps – te voir de l’extérieur – c’est que du semblant – plus tu diras que c’est faux ,plus tu approfondira … l’idée faire semblant (le contraire de Callas …) --- « t’a vu ? t’as vu comme j’ai bien joué ? » : quelque chose de désespéré = vertigineux : plus de désir d’approbation – veut capter, l’autre réagit jamais assez « t’as vu ça le fait ? » « et ça on va bien me voir » « comme je fais bien l’acteur « = faire semblant – un truc de fou – à saper tout le vrai – il veut surtout pas qu’on croie = oui on ne voit plus que toi « l’idée de faire les animaux pour briller encore plus – comme tu sais bien faire le chien --- faire le truc avent, ne pas commenter == un enthousiasme de crédibilité = il veut qu’on lui dise oui oui oui ! = il se dépêche == un enthousiasme, un emballement === le fait d’être acteur mais d’une manière désespéré == veut la récompense tout de suite == la folie = hée ! hée ! =) appelle == jusqu’à toucher le type dans le public – les autres vous jouez votre truc, ils l’acceptent—c’est pas ce qu’il fait quicompte c’est qu’il le fasse bien --- la vitesse de ce flot vivant, ça va dans tous les sens --- se rendait pas compte à quel point il est lourd --- « regarde … » pousser l’acteur à son paroxysme --- Grüber le calme d’une écoute – 2 stars l’une écrase l’autre --- ce fleuve vivant avance beaucoup plus vite – lumière-poursuite = les sis more ! --- entre scène et gradins, c’est plus ambigü --- plus fort ! faites des voix ! --- le coach plus impitoyable --- plus vite, la rivière du vivant va vite dit Nietzsche --- pas de politesse, l’enjeu est grand = puissance d’argent et de gloire --- le projo bouge tout le temps --- pense au public pas seulement à elle --- tu les pousses à bout --- tu es l’alliée de la force et tu écrases la faiblesse – manipule- là – n’importe quoi tu les lâches pas, chacune sur ses rails = des locomotives – très animal … des chiens --- ces couples d’acteurs = un ring = l’un brille par l’autre = des reines = créer des crises == utiliser tout = ramasser tout ce qui peut te servir = c’est des egos == tu n’attends pas qu’elles te répondent, c’est beaucoup plus urgent = tu montes sur la table et tu lui bouffes la chatte == le faux est meilleur que le brai – tu te fous de sa gueul = un micro deux femmes = larmes = réconciliation = encore beaucoup d’infini là-dedans = déconstruction quelque chose de très vivant = n torrent = un courant = Cassavettes lovestream = = beaucoup de munition de matière pour pouvoir improviser = le coach est un piège mais ce piège est une aide pour la présence = des coach qui te lâchent pas qui te disent tout le temps ce que tu dois faire = comme se jeter dans un fleuve = on est sensible à tout = dès qu’il y a quelque chose elle le prend en charge = vous sentez le fleuve
18 juin
…maintenant que mes notes ont été données à qui veut et traînent sur des tables, elles n’intéressent plus personnes… ce qui me réjouit et me permet d’écrire des choses plus personnelles : il y a parfois à l’intérieur des choses qui ne passent pas à l’extérieur. Ces choses valent ce qu’elles valent, on s’en fout, ce n’est pas ce qui compte ici mais le fait qu’elles ne passent pas à l’extérieur. Le travail avec Yves-Noël me fait comme toucher du doigt ce phénomène…
la liberté, le plaisir….la disponibilité… la générosité qui est disponibilité… qui offre… qui s’abandonne… la capacité de ressentir la vie… tous ces mots font écho lorsqu’on touche du doigt le blocage.
… et là arrive cette pensée sensationnelle que j’avais lue je ne sais plus où : seule la surface existe, l’intériorité n’existe pas… quand je l’ai lue, je comprenais qu’il était question de cette intériorité liée à ce qui est introspectif, cette foutue rage d’aller se noyer dans son nombril… l’intériorité au sens du « sérieux » des gens graves avec des mines graves… oui bien sûr ça c’est abominable, on est tous d’accord… mais ce qui est superbe et qui me parlait fort c’était « la surface seule existe », ou « créer c’est alléger » : le travail avec Yves-Noël est comme l’incarnation, l’expérimentation de ça. Cela m’attire comme un « paradis » de l’acteur… et pas seulement de l’acteur.
« …j’aurai beaucoup déconné… » dit Genêt dans les commentaires des Paravents, en revendiquant le droit d’inventer un propriétaire de roseraie qui ne s’intéresse qu’aux épines des roses.
Pendant les improvisations je guette comment le regard d’Yves-Noël agit sur le plateau et je vois le plaisir à l’œuvre : cette énergie poétique et contradictoire qui transforme, rend méconnaissable, crée une vision à partir de riens… Mon plaisir dans ce stage aura été d’être en contact avec ce regard. Avec la qualité de ce regard.
Hier pour dire un poème de Valente, j’avais une idée de départ : me mettre dans la situation la plus inconfortable pour que l’émotion due à cette situation fasse descendre (comme on fait tomber la pluie avec une danse) la disponibilité : ce rien où tout est miracle de nécessité, de sens, d’urgence… connaître encore la sensation (ivresse !) de sortir du « préparé », du « travaillé » = c’est de l’artifice mais il est invisible… Et ça s’est cassé la gueule misérablement ! personne n’a prêté la moindre attention à Valente, sans parler de ma situation inconfortable…je voulais fuir le « préparé » et je suis tombé dedans à pieds joints semble-t-il !
Le non préparé : il y a là une confiance fantastique = c’est comme créer de l’espace = « croire ! » = la panique, la trouille est un rétrécissement, un trou noir qui absorbe et ne donne pas
--- se lancer dans le truc et trouver plus urgent = laisser agir le présent = le présent : une source d’énergie …
(je me souviens dans Matamore le jour où j’ai eu l’impression, au cours d’une tournée, de le jouer enfin totalement comme si tout était inventé sur le moment, ce plaisir comme de passer un seuil : goutte de temps minuscule vue de l’extérieur mais gigantesque et sans fond dedans…. Insignifiante vue du dehors et, passé le seuil : pleine de couleurs, de cascades, d’avalanches, de voie lactées de couleurs...)
Le non préparé : cette ouverture : cette peau retournée d’un fruit : c’est comme un instinct du présent… = c’est « être », oui, mais avec quelque chose en plus : l’artifice invisible : l’œil, la vision de l’autre : le spectateur : l’inconscient ?
« La naissance du regard de l’autre : de l’autre d’elle-même, de l’infiniment autre qui la constitue. »
« Quand ton œil est devenu œil pour mon cœur, mon cœur aveugle s’est noyé dans la vision »
Le spectateur : c’est lui l’artiste !
Dernières notes :
Tout le truc c’est pas de jouer = faire et être y a pas de distinction… tu t’asseyes, on sent que tu te positionnes par rapport à nous et ça va pas = pas jouer face, pas le montrer, pas que nous le public on s’en aperçoive – suggérer, pas démontrer = c’est actif = arriver à déconstruire le cliché pour que le théâtre soit chez nous du côté de la perception – on lit des histoires par soi-même inventées… bien sûr y a une construction qui se fait, mais on ne la voit pas se faire… on la sent mais on ne sait pas de quoi il s’agit ---- c’est dirigé par un metteur en scène aveugle, il ne voit que des taches de couleurs---- ne marche pas avec cette – (rigidité ? ) tu fais un truc avec la même certitude mais tu peux te faire emporter comme un fétu de paille ailleurs---- laisser la place à quelque chose qui aille ailleurs --- il faut faire entrer le hors champ, faire entrer la pluie, ceux qui sont sortis ne sont pas entrés dans le néant, on sent qu’ils sont toujours actifs mais dans le hors champ ---- ta parole naît des conversations derrière toi ---- on ne saut pas si c’est joué ou pas joué = comme ça permission de rêver, l’acteur ne nous empêche pas --- merveilleux parce que d’une légèreté incroyable --- comme des poissons dans l’eau ---une disponibilité au réel --- on se rend compte que le réel n’empêche en rien l’imaginaire = ça fait partie du même monde = on peut avoir l’eau et l’huile ensemble sur un plateau, ça peut se toucher si ça se mélange pas – toutes les astuces de mises en scène sont pour nous faire croire à une situation réelle, alors comme on sait qu’on est au théâtre… plus l’artifice est invisible, plus l’art est absolu mais c’est de l’artifice --- des grands acteurs avant leur numéro --- l’intention de parler suffit à remplir --- là on touche quelque chose il n’y a aucune différence entre vous et un grand acteur… c’est ce qu’on appelle la virtuosité.
La répétition comme plaisir, le plaisir de retraverser des sensations, le plaisir de se baigner dans le même fleuve et de sentir que ce n’est pas le même fleuve --- trouvez-vous un but secret --- pas l’effort de faire passer le texte à tout prix --- l’acteur = donner une leçon de liberté – V. Dréville : le jeu de autre autour devenait cristallin --- une disponibilité qui est une générosité – non pas faire quelque chose, se sentir obligé de faire des trucs – sentir que ce qu’on fait donne de l’énergie aux autres… et qu’on se laisse immerger par l’énergie des autres… sentir qu’on est avec même si on fait des choses seule = ce n’est pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre… ne pas préparer la place pour la parole ou alors le faire ouvertement, s’amuser à le faire, mais pas le faire quelque part pas ouvertement et on sent le travail …ou alors ne pas le préparer, ça sort pour rien… (comme si on n’y pensais pas ? comme si ça ne s’adressait pas à ?... comme si ça n’avait pas plus de sens que le bruit du vent dans les arbres ? ) =quelque chose qui prend l’espace, quelque chose qui est là, qui irradie une énergie dans l’espace et – ( ?) l’énergie des autres… les inhibitions, on en a toujours, on va au théâtre parce que justement on n’en a plus… ou moins…-----
Je lui disais : « d’écrire m’a mise de l’autre côté et je suis à moitié dans ma tête, je ne suis pas dans l’être » - « alors joue que tu es à moitié dans ta tête, tu es quelqu’un à moitié dans sa tête »
Le 14 juin – des notes des notes des notes !
Une sensation du temps tactile
De plus en plus le temps apparaît comme une réalité formidable (=comme une montagne est formidable= colossal soulèvement de vide et de roc tordu, plié, empilé, arraché)
cette sensation du temps tactile dans l’improvisation où Laetitia était nue : cinq femmes jeunes, avec des robes qui font irradier leur jeunesse leur féminine jeunesse… la nudité, une femme nue, les courbes en mouvement du corps presque immobile, avalanche de souvenirs de tableaux et de ces choses qu’ils disent sur le corps féminin… et le voilà en vrai, et il parle tout différemment : cette maladresse, cette fragilité, cette durée vivante où il se tient, ce suspens de sa peau qui se déplie…
la présence des autres femme accentuait comme une audace ambiguë : innocence/affectation, affirmation/évanouissement, ce qui la rendait légère, et comique, comique et grave…
la présence des autres femmes, Sandrah par exemple qui on ne sait comment ni pourquoi, je crois à la suite de l’injonction de faire un animal, s’est dénudé le buste, puis s’est trouvée proche de Laetitia, liée à elle comme par des paroles silencieuses, et les autres femmes : moments disparates, fragments d’une seule femme qui se déploie :
une sensation du temps tactile
mon étonnement dans ces moments-là c’est ce mot qui me vient : vérité et ce qui m’est permis d’en comprendre : une participation de tout mon être est nécessaire à cette chose pour qu’elle advienne, et c’est ça la grande émotion au théâtre : ce réveil de forces enfouies, cette circulation du sang dans des zones abandonnées, ce fantastique agrandissement de ma participation !
il semble bien qu’il n’y a pas de vérité sans cette puissante participation. Chacun a sa vérité mais le phénomène vérité est universel, comme le temps : on peut remplir le temps d’une infinité de choses mais c’est toujours le temps.
intuition,
jeunesse- création du monde
l’expérience dans le moment même
pour que ça vienne faut que ça soit prêt tout de suite –on est toujours à l’endroit juste
Le rire de Léa
Tandis que les autres derrière la table parlaient animaux avec sérennité, Léa s’est assise sur la table près du public, comme en gros plan se détachant de l’intense activité des sept convives, et portée, soutenue par eux. S’ils n’avaient pas été là qu’est-ce qui aurait changé ? Le corps se serait refermé sur lui-même : les autres, derrière, ouvrent une sorte d’hémorragie : le sang du personnage-Léa en s’échappant vers eux, laisse entrer une chose inconnue, une vie inconsciente qui bouleverse le texte : lui fait dire quelque chose de neuf, de surgi à l’instant, de poussé par une nécessité secrète… Léa : reliée au réseau des conversations dont soudain on cesse de démêler le sens, est-ce qu’on les écoute encore ? oui mais plus avec les oreilles : on écoute Léa : le silence de Léa qui s’assoit sur la table, tout ce qui de Léa est visible, et invisible, et nous tressaillons parce que soudain elle rit et que dans son rire une petite note aigüe nous a étonnés et plongés dans l’enfance, nous qui étions captivé par sa féminité soudain nous sommes arrachés au confort de cette contemplation et jetés tout vif dans quelque chose d’inconfortable, d’irrésistible : une nostalgie d’enfance ! qui jaillit et échappe ! bondit, renverse tout l’espace, danse et nous chasse, qui fait des signes et nous attrape, on ne sait plus qui danse, on ne sait plus qui rit… Et puis soudain elle ne rit plus, nous revenons à la contemplation du visage, comme un pays beaucoup plus sauvage qu’avant, beaucoup plus abondant et inquiétant, nous vacillons sur les arrêtes du visage… nous croyons connaître maintenant ce rire et qu’il ne pourra plus nous surprendre… jusqu’à ce qu’il nous surprenne de nouveau et nous culbute cul par-dessus tête dans l’enfance.
14 juin soir
Au bar, comme dans un chalet de montagnes, dehors les sapins en débandades, c’est la débâcle comme après une bataille ( : je me souviens quand ils ont abattu ce coin de forêt nous étions en train de travailler sur Antigone de Hölderlin, on entendait la scie, dans le vide d’abord puis dans le plein, mordre, on s’arrêtait, on n’arrivait plus à ce concentrer, on savait on redoutait ce qui allait venir : un craquement : dans nos oreille un cri, une agonie, une stupéfaction, suivi de froissements et enfin le choc : la masse, il était impossible de ne pas me souvenir des fresques où des chevaliers se faisaient embrocher par des harpons, pour aller s’écraser au sol raides comme des tours.) Des petits drapeaux loqueteux pissent des gouttes grises, tout est gris dehors, et dedans nous écoutons des poètes, des bribes, en buvant du thé. Rebecca, un pays nouveau, une langue à entendre sans comprendre (bien sûr tout le monde comprend l’anglais sauf ceux qui adorent ne pas le comprendre) : T.S. Eliott, ( … « pousser le moment jusqu’à un état de crise » tâtonnent nos traducteurs… oh écouter des paroles sans en être les héros… ! nous les buveurs de thé ! - mais le moment de crise alors , c’est quoi ? – oh no !.. - on ne verra pas le moment de crise ?... – no ! on ne va pas vers le PANG ! - ah ? on va vers quoi alors ? – on va vers le « wimper » !... et Rebecca se pince le haut du bras,… - wimper ? – wimper yess… ! – elle se pince un peu plus le bras - ah wimper… : le gémissement ?... ! ?... » ) puis Shakespeare, elle a le roi en face d’elle, son fils à sa droite, (oh sorry my son ! dit-elle à cause d’une main posée sur la cuisse de son voisin ) des paroles définitives qui sonnent terribles et ses lèvres n’arrêtent pas de sourire et ses yeux rient, il semble que là-bas d’où elle vient on sait que le rire entre dans la mixture de la colère, de tous les défis et des choses les plus noires. Je suis fascinée par ce rire qui tient jusqu’au point final. Je pense à une danseuse finlandaise, solaire et resplendissante, que j’ai vue incapable de reculer. « …te mener vers une question bouleversante, oh ne me demande pas laquelle… » La richesse des sons anglais : « quand j’entends la traduction en français, je ne comprends plus le poème… ! » dit quelqu’un qui ne comprend pas l’anglais… nous parlons de la matière sonore, la force brute, concrète du son qui touche l’imagination, comme les odeurs et les couleurs, sans passer par l’intellect. « ça parle de tout, on comprend pas mais ça nous parle ! ça parle de la création même » dit Y-N qui raconte les propos d’un écrivain « je suis sur mon cheval et je ne pense à rien, puis ce rien je l’écris et je l’envoie à quelqu’un, qui lui entend quelque chose dans ce que j’ai écrit et en trouve les contre-clés » …cela me fait penser au film de Dreyer Ordet où on voit que pour ressusciter une morte, le passage par la folie est nécessaire, (mais il ne faut pas y rester : seulement traverser ) l’homme raisonnable incarné par le pasteur est impuissant. Il faut avaler une dimension inconnue, inconcevable, pour soulever le réel…
Puis Pascal s’entend dire « je voudrais que tu choisisses un texte qui soit comme un livre ouvert sur ton visage », ce qui le rend pensif jusqu’à ce qu’il déclare abruptement qu’il a le projet d’être comédien, et cela semble tout à fait lui convenir, son visage s’ouvre à cette évidence et ses paroles glissent sur le silence, car nous sommes très silencieux soudain et intéressés par quelque chose qui danse dangereusement au bord du gouffre… C’est Robert Walser, « le funambule » disait Marthe Keller en traduisant « L’Institut Benjamenta » ce roman admirable qui ne dit rien, ne va nulle part, car tous les personnages ont l’ambition démesurée de devenir des zéros invisibles.
15 juin
matin
le feu fait des explosions dans la grande cheminée du réfectoire, si fortes que Léa interrompt sa lecture de Bataille, légèrement agacée ou même accablée par cet obstacle à l’écoute d’un texte déjà assez ardu… « le feu nous attire plus que ta lecture… » s’entend-elle dire : alors le feu est entré dans le cercle des buveurs de thé et nous l’écoutons nous écouter… ; puis les lectures reprennent : « les commentaires ou les arguments ne nous touchent pas,… on tourne autour…il faut de la beauté… » Un texte de Camus : « pourquoi je veux faire du théâtre » se dissout de lui-même sous le coup de quelques questions d’Y-N du genre : « il veut faire du théâtre pour n’avoir plus à perdre son temps à refuser des invitations ?... » Nouveau silence, le feu crépite, nous l’écoutons nous jaugeons l’adversaire qui est là comme un animal lâché sur le plateau (j’avais un jour assisté à une représentation où un dromadaire se tenait dans le fond du plateau, soudain alors que deux comédiens s’avançaient à la face le dromadaire a lâché un pet énorme, interminable, lourdement humide et suggestif. Les deux comédiens , lorsque enfin le public s’est calmé, ont semblé souffrir beaucoup, ils restaient devant et se tortillaient sans dire un mot, jusqu’à ce que l’un deux attaque la suite du texte « entends-tu ce bruit au loin ? » J’étais au premier rang, et un tel fou rire m’a pris que je gémissais comme si je sanglotais, le visage à 50 cm des pieds des deux acteurs qui semblaient flotter dans un bouillonnement de sens incontrôlables qui s’échappaient à chaque mot qu’ils continuaient à articuler comme dans un cauchemar…)
Soudain Claudel « …riante, roulante, déracinée…comme une bête qui n’est pas poussée par la raison… » cette fois les mots, les mots, les mots ! on sent qu’ils commencent à libérer des sensations : « au théâtre il faut que le mot « chien » aboie ! Le mot tonnerre (en allemand « Donner » ou en d’autres langues), manifeste la sensation du bruit, de l’éclair, de Dieu…. » . Jean-Baptiste chante « Le Roi des Aulnes » en allemand, a capella (un jour un ami se présentait à une audition, on lui demanda : savez-vous chanter a capella, il répondit: non je ne l’ai pas appris...) le feu est sorti de la pièce, Jessica, enfoncée dans un fauteuil, fait entendre « à boulets rouges » un jet d’italien vivant, haletant, nerveux, inventif : L’enfer de Dante… oui c’est cela « il faut que les sapins aussi soient convoqués… il faut créer l’écoute ! » les sapins tressaillent dehors : les grands gisants suspendent leur plainte, nous lisons, « n’ajoutez pas des textes aux textes : chaque fois que vous en apportez un nouveau, que ce soit comme si vous en enleviez ! …choisissez la scène la plus connue d’une grande pièce, n’allez pas chercher les petits textes dans les marges des auteurs en marge ! » Soudain Sémiramis élève la voix « Ma gloire est de moi seule et vous n’en pouvez rien concevoir ! Allez, fuyez ! … Le plaisir m’abandonne et le dédain me soulève… ! » Puis Claudel « C’est ainsi que la chandelle s’est éteinte et qu’on est resté dans le trou !... » Là-dessus tout le monde a ri ! pourquoi ? une âme inquiète de gisant passait par là qui a pris tout ça pour lui ? c’est ça la magie de cette réunion de buveurs de thé, les mots parfois rencontrent une urgence qui galope le mors aux dents, et nous traverse muette et fracassante … ! (cela me fait penser à ce théâtre tout en bois en plein champ, à Mézière en Suisse, où enfant j’ai vu Aliénor d’Aquitaine en longue robe blanche, ficelée sur un cheval au grand galop, qui avait surgi des champs par la porte à cours et allait sortir par la porte à jardin dans d’autres champs de blé, et la salle pétrifiée soupirait « ….ooooooh….. » )
Après il a été question d’une femme à la bûche qui disait des choses incompréhensibles et que ce serait pile moi, le soir en regardant Twin Peaks, il m’a été permis de voir l’original de la femme à la bûche : une vieille grimaçante aux yeux de chouette (et je me suis souvenue combien de fois mon reflet dans un miroir, ou dans une vitre m’a sidérée : « c’est moi ça ?… » et à chaque fois je réalise alors …oh que je le savais que c’était moi ça, mais que je l’avais systématiquement oublié, pour toujours retrouver en moi cette indéracinable femme de 17 ans… !)
Et soudain un ange passa, aussitôt saisi et enc… heureusement c’était un simulacre d’ange et il s’ensuivit un éparpillement de petites conversations à vois basse, j’en profitai pour dire (donner un coup de canif dans mon contrat…) un bout des Paravents « Les vaches ! Les salopes ! Les garces ! toutes les collines ont mis les voiles, et avec elles ont appareillé les femelles qui nous épiaient. Dans l’odeur du jasmin et du serpolet, parties ! où, parties ? En bande, derrière les murs pour épaissir le mystère ? Et la nuit en reste toute plate. Sous le ciel. Plate. Je suis toute seule et la nuit est plate… mais non, la nuit s’est soulevée, elle s’est gonflée comme les mamelles d’une truie… de cent mille collines… les assassins descendent… Le ciel, pas con, le ciel les camouffle… » Et tandis que je parlais, en face de moi je voyais une figure se dilater, se déployer, s’épater, s’exalter, se fendre d’un sourire aérien, flotter avec une longue chevelure blonde devant l’armée massacrée des grands troncs abattus dehors, et j’ai vu enfin ! si nettement oh comment avais-je pu ne pas le voir avant ! Don Quichotte… ! rempli d’une vision généreuse irrésistiblement généreuse… ! Et je me suis vue tourner mille bras comme un moulin à vent, pour le plaisir ! pour le plaisir que ça duuuuuure !!! « Ne fuyez pas couardes et viles créatures car c’est un seul chevalier qui vous attaque ! » Puis bien couvert de sa rondache et la lance en arrêt, il accourut, au grand galop de Rossinante, donner dans le premier moulin qui était devant, et lui porta un coup en l’aile : le vent la fit tourner avec une telle violence qu’elle mit la lance en pièces, emmenant avec soi le cheval et le chevalier qui s’en furent rouler en bon espace parmi la plaine… »
Et se relevant il dit à notre assemblée de moulins à vent buveurs de thé : « il faut nous faire sentir, croire, que le texte qu’on dit, est le plus beau texte à faire passer… il y a une urgence, une nécessité,… on invente ce qu’on entend – on écoute ce qu’on invente – l’énergie de ça – l’énergie d’écrire ce qu’on veut entendre…. Jean de La Croix… la plus haute expérience humaine… l’union avec Dieu… ! » puis il baisse la voix et une épaule levée : « le titre du stage : jouer Dieu… »
On entend alors Pascal parler des pensées suicidaires : « elles ont des petites têtes plates, blanchâtres et triangulaires… » qui prolifèrent dans une boîte enfermée dans le tiroir d’une commode couverte d’une plaque de marbre.
Puis nous écoutons un Hypérion belge, qui arrache les « rr » de sa gorge comme des teignes, et affirme être grec. C’est Jessica qui dit ça avec des yeux vifs qui pétillent de quelque chose d’incontrôlablement intelligent. Elle dira aussi à un moment un texte qu’elle a écrit et qui sort avec la verve d’un éclair. Je pense à ce phénomène de l’accent, sa force de mâchoires qui broient les morceaux les plus denses et y introduit quelque chose de brute, une présence brute, une raideur qui parle haut et dru… comme le feu dans la cheminée…
Il y eut cette phrase aussi qui sonna chez les buveurs de thé : « rien n’aura eu lieu que le lieu »
16 juin
Ecrire pendant 2 heures qu’il pleut : il pleut, il pleut des gouttes mouillées, il grisaille, il pleut gris, il goutte, il pleut, il pleut, il n’arrête pas de pleuvoir, la pluie coule, la pluie pénètre, ça pleut, les arbres dégoulinent, des flaques grandissent sur le sentier des caravanes, mes habits ne sèchent pas, il y a un trou dans le plafond de l’algéco, un chapeau de feutre noir à large bord est apparu sur la tête d’Yves-Noël, il pleut sur les capuchons, les bonnets sont trempés, toutes les couleurs ont foutu le camp…
Deuxième semaine.
Depuis hier le travail a radicalement changé. Un virage violent.
Il me semble qu’il est bon d’enraciner les jours à venir dans les notes prises la semaine passée (sans penser à rien car je ne comptais pas du tout écrire quoi que ce soit) : étirer creuser pour faire de la place – c’est en passant qu’on a quelques indices –il y a ne urgence… et à l’intérieur de cette urgence, il faut avoir du temps pour une urgence encore plus grande, et dans cette urgence plus grande, trouver du temps pour une autre plus grande encore… sans abandonner la première urgence ---des traces de guerre, de crimes, de suicides mais vous maintenir dans une espèce de neutralité --- ce que vous pouvez introduire en douce ---ne mime pas : intéresse-toi à une chose profonde --- écoulement, vous en bénéficiez, quoi qu’il arrive ça coulerait quand même puisque c’est le vivant, tu n’es pas perdu : cette puissance-là est toujours là --- cette vitesse profonde : très précis ouvert à tous les possibles ---- ne pas se rendre compte comment c’est fait : on ne décèle pas l’artifice de la beauté, l’artifice est tellement fin ----ne pas se rendre compte que vous voulez dire quelque chose ----vous avez tellement confiance qu’il suffirait que vous y pensiez et ce serait fait : on ne vous voit pas l’activer ----ce qu’on fait c’est des métaphores --- des publicités de vous-mêmes --- c’est le montage qui fait les films : jouez le minimum ---- si t’as rien à dire, tu ne parles pas ---- flottement comme sur une vague : nous inclure dedans --- tout d’un coup c’est rattrapé : dans ce chaos quelques mots clés… quelques grâces --- en volume et en complexité : pas frontal ---- des agglomérats, des formes, quand ça marche on sent une communauté très émouvante et on ne sait pas pourquoi ----l’humanité par métonymie ---- ça ne se stabilise jamais, comme un rêve… la forme chaotique… le jeu c’est de continuer à vivre quelque chose : une forme chaotique, avec des moyens pauvres… jeu de glissade…il est là on ne sait pas comment, il se fait engueuler on ne sait pas pourquoi : un jeu d’équilibre sur du chaos ! ----une beauté pas effrayée --- sensation comme spectateur d’être là au milieu –--- que tout soit proposé généreusement… pas de névrose, pas de femme abandonnée ! ---- sans les clichés, voir les choses sans les représenter, c’est pas un cabaret, c’est pas des putes, c’est plus réel ….ouverture, du coup il y a de plus en plus de place pour beaucoup de monde, de choses… la courbe, le plein, l’apparence, le léger …. Rester dans la « visualité », des choses plus énergiquesmais s’empêcher de jouer parce que ça enlève de la présence ---- la poésie est aussi réelle que le temps, on ne le voit pas mais on le sent ---- les phrases finissent par dire tout à fait autre chose que ce qu’on croyait --- une qualité de plein pied, de rien, il ne s’agit pas de fair peur : cette ambiguïté –la mort, la folie … ça reste du showbusiness : une ambiguïté : ne pas tirer seulement sur la corde tragique : ouverture ---L’inachèvement : seuls les grands acteurs sont capables d’être toujours dans l’inachevé ---- fragilité sur le texte : le rapport avec la création, le langage, la poésie, oublier le par cœur, création par l’imaginaire qu’on cherche à faire sentir concrètement --- ce qu’on veut ouvrir : ce truc du théâtre que jouer fait être ! ---- entre la vie et la mort parler de la chose elle-même ---- il sort nimporte quoi, il prend ce qu’il peut… l’acteur ramasse des choses, on ne sait pas pourquoi ni comment --- tu joues Richard III mais tu joues tous les autres ---« avec tes défauts pas de hâte, qu’irais-tu mettre à la place ? » (H.Micahux) --- la parole vient de l’écoute --- si on est mal dans sa peau la libellule ne serait pas venue, le grillon non plus ----la parole ordinaire et la parole poétique sont liées --- il faut croire ! avoir confiance ! --- tu peux ressentir que la porte est ouverte et qu’ en esprit tu peux aller te baigner dans la rivière… tu es sur la chaise mais on te voit te balader ---un texte brut qui ne ressemble plus à ce qu’on connaît de Claudel… ça embrasse tellement que ça ne peut pas être lourd --- cette intensité n’a pas de sens --- en Inde tout est au même niveau : contemporain, car ce qui nous intéresse n’est pas le déroulement historique, c’est le mystère de l’univers ---- le récit se ferait tout seul sans que tu l’agisses…. Avant de jouer et de précipiter les choses tu as beaucoup de temps pour être… c’est tout simple, c’est jouer Dieu ---- c’est beau parce qu’on entend la mouche voler : c’est bon signe --- transforme le vide en plein, appuie-toi sur nous ----pas de mise en scène ça se fait chez nous pas extérieurement ---- continuer à la désenclore du personnage, à la libérer de sa coquille ---- nous inclure dans le cercle de votre histoire --- et toi qu’est-ce que tu vas nous raconter de ta névrose ? le crime est une bonne solution…. La damnation ça existe… tu as un histoire que tu vas raconter pour l’éternité…. Quelle horreur quand même de passer son temps à ça…. Reste dans l’incertitude, ne cherche pas d’appui chez lui---- tu roules pour ta course à l’oscar puisque ce sont des lâches ---- voilà qu’elle parle vraiment : une urgence : c’est neuf, inventé : là il y a quelqu’un qui parle : on voit la charrette, avant c’était comme une chose abstraite dont on n’avait pas la sensation --- des personnages comme enfermés dans leur truc et qui ont la possibilité d’être sauvés, mais il faut y aller --- le rapport du langage au monde… ni la chose ni le mot mais quelque chosed’autre… pas peur d’aller là où c’est vraiment la réalité --- c’est le fait que tu vas nous l’adresser qui va t’éclairer, mais tu ne comprends pas le sens… tu ne sais pas au moment où tu vis ce que tu vis --- en lève le texte et raconte-le
La semaine passée c’est comme si on sentait, touchait le temps qui passe, comme si on collait son œil sur le fleuve profond qui coule vite, et percevait les filaments, les énergies, les fibres sauvages qu’il charrie et qui « sauvent »… ! On créait du rien, de l’inexistant pour mieux sentir le chaos profond, et dans ce chaos trouver un équilibre fugace : des bouffée « d’être », des irruptions soudain de nécessité, d’urgence, de choses à dire… on touchait tout d’un coup le réel et quand il disparaissait on sentait la frontière nette : radicale… (un matin je me suis réveillée avec cette sensation que la vérité comme le temps peut se remplir de tout ce qu’on veut : on ne la voit pas mais on la sent : elle est là et elle nous concerne tous, elle est universelle, elle est incontournable, c’est comme une texture : on peut y mettre tous les dessins qu’on veut, cette texture est là…) un chaos fait de rien, avec l’ennui qui menace… et parfois ! brusquement : follement vivant. Et ouvert. D’autant plus frappant que ça surgissait dans le dépouillement, avec des actions pauvres. Comme chez Giacometti : une étendue grise, désolée, on croirait indifférente et puis soudain dans le visage autour des yeux et du nez, cet assaut de lignes…
Hier il était question d’ego, de théâtres, films, stars, pressions, enjeux, coach, agents, ego surdimensionnés, d’écraser, de « ravir la vedette », d’utiliser chez l’autre tout ce qui peut alimenter notre éclat, de le faire servir à nos fins, tout est bon qui alimente l’énergie exacerbée qui tient le monde captivé par notre personne, tenir le public, ne pas lâcher, pied à pied passer devant l’autre, lui marcher dessus ou se réconcilier, le tuer ou le caresser, tout est bon qui nous sert ! harceler le public, obnubiler tout « l’espace libre » de son cerveau… était un manière de faire jaillir l’intensité, la violence du « fleuve du vivant ». Jessica bondissait comme un peintre contre sa toile, dépouillait les comédiens de leurs apparences du quotidien, leur mettait des couleurs, des perles, des chapeaux, des cheveux, faisait apparaître la peau, les seins, peignaient sur les corps, et les faisait passer dans une autre réalité, clinquante, vibrante, exacerbée. L’espace était transformé, il vibrait d’énergies aveugles, qui se jettent dans tous les sens, qui ne savent rien, qui se laissent porter, emporter par quoi ? Par un désir d’ « être » …par un instinct que c’est là, là que ça se passe, que ça se trouve cette fantastique qualité d’être … une intuition qui ne sait pas mais se jette et cogne et tant qu’elle cogne et se jette : elle y est ! une énergie en pure perte, qui ne va nulle part mais qui « est », qui aspire à « être »… ! prête à tout traverser, morts, vies, meurtres, caresses, larmes, chants : rien ne compte en soi, c’est traverser qui compte , … traverser, passer outre, être traversé, c’est ça qui fait tourner, abonder, bouillonner le vivant
Le 17 juin
Ce travail repose sur des mots nouveaux : transparence – your present : offering your present –générosité - se donner – si tu as l’impression que tu vas te casser la gueule c’est humiliant mais l’enjeu est plus haut que ça ---les milles entrées de Dona Elvire --- enlever la signification de ce qu’on joue – une étape de plus en plus rapide = moins le ping pong , le public a compris --- Huppert : rien que pour toi haine pour le restant du monde--- tu la modèles, tu la fabriques, tu la sculptes --- plus méchante = plus parfaite --- ça peut aller plus loin : enjeu d’argent, se parlent par avocats…. Ce que les acteurs endurent --- pique une crise… et en plus être bonne, dire comme jamais on a entendu ---« les gens m’aiment parce que moi je ne triche jamais « (Callas) ---- gromelo… d’autres moyens de faire passer que la compréhension --- tu les enseignes mais tu dois jouer ausii avec passion à tout prix ---le silence trépigne rebecca leur fait entrer l’anglais dans le corps --- des états qui mettent à quatre pattes et frappent le sol --- vous les regardez ensuite vous essayez de faire la même chose ---take th espace, take the theate any minds --- si tu ne te souviens pas invente --- tu as plus d’armes que les autres = de musique et de faux semblant, de déjà vu … like a dream tou have to play == les autres essayent avec enthousiasme --- if you want the power --- tu es chanceux d’être dans cette master class --- ce qui échappe : il arrive pas à dire son texte qu’il a archi répété, devant Brando --- des titans – Monroe : transparente, ouverte… belle – la + malheureuse --- moi c’est un océan de défaut mes trucs –on peut pas te remplacer --- tu peux dire non mais tu dois l’acter – on peut dire ça et son contraire ! c’est la même chose play à tout prix ! challenge – les coach c’est au fouet : pousser dans des directions aberrantes --- « t’as vu comme j’ai bienfait ça ?? Hé..hé …hé ! t’as vu « en lui tirant la manche pour l’obliger à le regarder --- continuer, tenir ça , pas lâcher --- « t’as vu comme on y croit ? t’as vu comme je fais semblant de --- t’as vu comme je joue ça » --- la place pourrie qu’elle laisse --- tu montreras que c’est faux : tu sapes la croyance --- enlève le vrai tout le temps – te voir de l’extérieur – c’est que du semblant – plus tu diras que c’est faux ,plus tu approfondira … l’idée faire semblant (le contraire de Callas …) --- « t’a vu ? t’as vu comme j’ai bien joué ? » : quelque chose de désespéré = vertigineux : plus de désir d’approbation – veut capter, l’autre réagit jamais assez « t’as vu ça le fait ? » « et ça on va bien me voir » « comme je fais bien l’acteur « = faire semblant – un truc de fou – à saper tout le vrai – il veut surtout pas qu’on croie = oui on ne voit plus que toi « l’idée de faire les animaux pour briller encore plus – comme tu sais bien faire le chien --- faire le truc avent, ne pas commenter == un enthousiasme de crédibilité = il veut qu’on lui dise oui oui oui ! = il se dépêche == un enthousiasme, un emballement === le fait d’être acteur mais d’une manière désespéré == veut la récompense tout de suite == la folie = hée ! hée ! =) appelle == jusqu’à toucher le type dans le public – les autres vous jouez votre truc, ils l’acceptent—c’est pas ce qu’il fait quicompte c’est qu’il le fasse bien --- la vitesse de ce flot vivant, ça va dans tous les sens --- se rendait pas compte à quel point il est lourd --- « regarde … » pousser l’acteur à son paroxysme --- Grüber le calme d’une écoute – 2 stars l’une écrase l’autre --- ce fleuve vivant avance beaucoup plus vite – lumière-poursuite = les sis more ! --- entre scène et gradins, c’est plus ambigü --- plus fort ! faites des voix ! --- le coach plus impitoyable --- plus vite, la rivière du vivant va vite dit Nietzsche --- pas de politesse, l’enjeu est grand = puissance d’argent et de gloire --- le projo bouge tout le temps --- pense au public pas seulement à elle --- tu les pousses à bout --- tu es l’alliée de la force et tu écrases la faiblesse – manipule- là – n’importe quoi tu les lâches pas, chacune sur ses rails = des locomotives – très animal … des chiens --- ces couples d’acteurs = un ring = l’un brille par l’autre = des reines = créer des crises == utiliser tout = ramasser tout ce qui peut te servir = c’est des egos == tu n’attends pas qu’elles te répondent, c’est beaucoup plus urgent = tu montes sur la table et tu lui bouffes la chatte == le faux est meilleur que le brai – tu te fous de sa gueul = un micro deux femmes = larmes = réconciliation = encore beaucoup d’infini là-dedans = déconstruction quelque chose de très vivant = n torrent = un courant = Cassavettes lovestream = = beaucoup de munition de matière pour pouvoir improviser = le coach est un piège mais ce piège est une aide pour la présence = des coach qui te lâchent pas qui te disent tout le temps ce que tu dois faire = comme se jeter dans un fleuve = on est sensible à tout = dès qu’il y a quelque chose elle le prend en charge = vous sentez le fleuve
18 juin
…maintenant que mes notes ont été données à qui veut et traînent sur des tables, elles n’intéressent plus personnes… ce qui me réjouit et me permet d’écrire des choses plus personnelles : il y a parfois à l’intérieur des choses qui ne passent pas à l’extérieur. Ces choses valent ce qu’elles valent, on s’en fout, ce n’est pas ce qui compte ici mais le fait qu’elles ne passent pas à l’extérieur. Le travail avec Yves-Noël me fait comme toucher du doigt ce phénomène…
la liberté, le plaisir….la disponibilité… la générosité qui est disponibilité… qui offre… qui s’abandonne… la capacité de ressentir la vie… tous ces mots font écho lorsqu’on touche du doigt le blocage.
… et là arrive cette pensée sensationnelle que j’avais lue je ne sais plus où : seule la surface existe, l’intériorité n’existe pas… quand je l’ai lue, je comprenais qu’il était question de cette intériorité liée à ce qui est introspectif, cette foutue rage d’aller se noyer dans son nombril… l’intériorité au sens du « sérieux » des gens graves avec des mines graves… oui bien sûr ça c’est abominable, on est tous d’accord… mais ce qui est superbe et qui me parlait fort c’était « la surface seule existe », ou « créer c’est alléger » : le travail avec Yves-Noël est comme l’incarnation, l’expérimentation de ça. Cela m’attire comme un « paradis » de l’acteur… et pas seulement de l’acteur.
« …j’aurai beaucoup déconné… » dit Genêt dans les commentaires des Paravents, en revendiquant le droit d’inventer un propriétaire de roseraie qui ne s’intéresse qu’aux épines des roses.
Pendant les improvisations je guette comment le regard d’Yves-Noël agit sur le plateau et je vois le plaisir à l’œuvre : cette énergie poétique et contradictoire qui transforme, rend méconnaissable, crée une vision à partir de riens… Mon plaisir dans ce stage aura été d’être en contact avec ce regard. Avec la qualité de ce regard.
Hier pour dire un poème de Valente, j’avais une idée de départ : me mettre dans la situation la plus inconfortable pour que l’émotion due à cette situation fasse descendre (comme on fait tomber la pluie avec une danse) la disponibilité : ce rien où tout est miracle de nécessité, de sens, d’urgence… connaître encore la sensation (ivresse !) de sortir du « préparé », du « travaillé » = c’est de l’artifice mais il est invisible… Et ça s’est cassé la gueule misérablement ! personne n’a prêté la moindre attention à Valente, sans parler de ma situation inconfortable…je voulais fuir le « préparé » et je suis tombé dedans à pieds joints semble-t-il !
Le non préparé : il y a là une confiance fantastique = c’est comme créer de l’espace = « croire ! » = la panique, la trouille est un rétrécissement, un trou noir qui absorbe et ne donne pas
--- se lancer dans le truc et trouver plus urgent = laisser agir le présent = le présent : une source d’énergie …
(je me souviens dans Matamore le jour où j’ai eu l’impression, au cours d’une tournée, de le jouer enfin totalement comme si tout était inventé sur le moment, ce plaisir comme de passer un seuil : goutte de temps minuscule vue de l’extérieur mais gigantesque et sans fond dedans…. Insignifiante vue du dehors et, passé le seuil : pleine de couleurs, de cascades, d’avalanches, de voie lactées de couleurs...)
Le non préparé : cette ouverture : cette peau retournée d’un fruit : c’est comme un instinct du présent… = c’est « être », oui, mais avec quelque chose en plus : l’artifice invisible : l’œil, la vision de l’autre : le spectateur : l’inconscient ?
« La naissance du regard de l’autre : de l’autre d’elle-même, de l’infiniment autre qui la constitue. »
« Quand ton œil est devenu œil pour mon cœur, mon cœur aveugle s’est noyé dans la vision »
Le spectateur : c’est lui l’artiste !
Dernières notes :
Tout le truc c’est pas de jouer = faire et être y a pas de distinction… tu t’asseyes, on sent que tu te positionnes par rapport à nous et ça va pas = pas jouer face, pas le montrer, pas que nous le public on s’en aperçoive – suggérer, pas démontrer = c’est actif = arriver à déconstruire le cliché pour que le théâtre soit chez nous du côté de la perception – on lit des histoires par soi-même inventées… bien sûr y a une construction qui se fait, mais on ne la voit pas se faire… on la sent mais on ne sait pas de quoi il s’agit ---- c’est dirigé par un metteur en scène aveugle, il ne voit que des taches de couleurs---- ne marche pas avec cette – (rigidité ? ) tu fais un truc avec la même certitude mais tu peux te faire emporter comme un fétu de paille ailleurs---- laisser la place à quelque chose qui aille ailleurs --- il faut faire entrer le hors champ, faire entrer la pluie, ceux qui sont sortis ne sont pas entrés dans le néant, on sent qu’ils sont toujours actifs mais dans le hors champ ---- ta parole naît des conversations derrière toi ---- on ne saut pas si c’est joué ou pas joué = comme ça permission de rêver, l’acteur ne nous empêche pas --- merveilleux parce que d’une légèreté incroyable --- comme des poissons dans l’eau ---une disponibilité au réel --- on se rend compte que le réel n’empêche en rien l’imaginaire = ça fait partie du même monde = on peut avoir l’eau et l’huile ensemble sur un plateau, ça peut se toucher si ça se mélange pas – toutes les astuces de mises en scène sont pour nous faire croire à une situation réelle, alors comme on sait qu’on est au théâtre… plus l’artifice est invisible, plus l’art est absolu mais c’est de l’artifice --- des grands acteurs avant leur numéro --- l’intention de parler suffit à remplir --- là on touche quelque chose il n’y a aucune différence entre vous et un grand acteur… c’est ce qu’on appelle la virtuosité.
La répétition comme plaisir, le plaisir de retraverser des sensations, le plaisir de se baigner dans le même fleuve et de sentir que ce n’est pas le même fleuve --- trouvez-vous un but secret --- pas l’effort de faire passer le texte à tout prix --- l’acteur = donner une leçon de liberté – V. Dréville : le jeu de autre autour devenait cristallin --- une disponibilité qui est une générosité – non pas faire quelque chose, se sentir obligé de faire des trucs – sentir que ce qu’on fait donne de l’énergie aux autres… et qu’on se laisse immerger par l’énergie des autres… sentir qu’on est avec même si on fait des choses seule = ce n’est pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre… ne pas préparer la place pour la parole ou alors le faire ouvertement, s’amuser à le faire, mais pas le faire quelque part pas ouvertement et on sent le travail …ou alors ne pas le préparer, ça sort pour rien… (comme si on n’y pensais pas ? comme si ça ne s’adressait pas à ?... comme si ça n’avait pas plus de sens que le bruit du vent dans les arbres ? ) =quelque chose qui prend l’espace, quelque chose qui est là, qui irradie une énergie dans l’espace et – ( ?) l’énergie des autres… les inhibitions, on en a toujours, on va au théâtre parce que justement on n’en a plus… ou moins…-----
Je lui disais : « d’écrire m’a mise de l’autre côté et je suis à moitié dans ma tête, je ne suis pas dans l’être » - « alors joue que tu es à moitié dans ta tête, tu es quelqu’un à moitié dans sa tête »
Labels: stage correspondance
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