Monday, January 24, 2011

Une angoisse se reproduit, une angoisse se détache

Il fait froid. Lectures et lectures. La ville nue. Lunettes. Les pieds un peu gelés, la joie du dimanche soir – ce qui est rare – à cause d’une belle phrase. Je voulais raconter hier la soirée Dior, je le veux toujours, peut-être, mais, cette soirée, je l’ai racontée en la vivant. Ce n’était pas si passionnant que je ne puisse pas la vivre sans me la raconter. C’est aussi que je n’avais pas pris de carnet de notes, juste quelques billets froissés dans la poche. Et souvent, sans carnet, j’écris dans ma tête, j’enchaîne les phrases, je me réjouis, je peaufine même. J’essaie de retenir, je me dis que ça reviendra (alors que je sais que ça tient à des détails que je n’aperçois pas). Avec l’alcool surtout – qui « remplace Dieu » – je me sens écrivain, brillant… Mais je lis, ce soir, un livre qui me touche – et à l’instant une phrase vient de me toucher. Allons-y pour la soirée Dior.



C’est-à-dire, on devait se voir avec Pauline, depuis l’temps, c’était le soir où il fallait enfin passer à l’action et ça a merdé encore, finalement, bon, pas de Pauline, pas de sortie. Mais Olivier Casamayou m’envoie un sms : « Viens. » Il était à la soirée Dior Homme, il fallait dire que j’étais sur la liste de Chichi ou alors dire son nom à lui, c’était au Gibus. La liste de Chichi, on m’a ri au nez : « Chichi a donné tant d’invitations, on ne fait plus rentrer sous ce mot de passe. » Olivier Casamayou, en revanche, pourtant déjà à l’intérieur (entré par Chichi ?), était encore sur la liste. « C’est bon. » J’ai compris maintenant comment fonctionnait Paris, quel était le style, la manière de la nuit. La manière, pour la nuit, c'est les soirées open bar, c’est comme ça que ça fonctionne, la fête, à Paris, c’est open bar, c’est comme ça que Paris se lâche, fait province, mais, là, dans l'bon sens : se relâche de son ambition (Paris rêve de sa province). Il y avait eu la soirée open bar des « Inrocks », il y avait eu celle d’Arte, il y avait maintenant celle de Dior Homme. Bar ouvert. On ne paye pas. Il suffit d’être sur la liste – ou la pseudo-liste – et on peut se murger toute la nuit gratos. Ça, c’est Paris ! Ici, l’alcool était si prolifique, si renouvelée permanently que le champagne giclait sur la piste de danse régulièrement comme à l’arrivée des Vingt-Quatre Heures du Mans. J’étais trempé. Mes beaux vêtements Balenciaga que j’ai proposés à mes parents de m’offrir pour Noël (mais que j’ai achetés en solde). Je m’étais dit, en effet, qu’il valait mieux venir « hors Dior » à la fête Dior… pour faire moins pétasse, quoi. Mais, enfin, tout le monde faisait pétasse. Parce que la mode Dior ressemble à toutes les autres, en c'moment. Reviens, Hedi ! Kris van Assche se baladait au milieu des garçons avec un statut à peine particulier (c’est le « à peine » qui fait tout l’truc). Je devrais être moins timide – ou orgueilleux – ou jaloux –, il m’a regardé plusieurs fois, j’aurais pu le saluer et lui dire : « C’est merveilleux ce que vous faites, j’achète beaucoup, mais, please, plus de paillettes, plus de paillettes… (Je fais d’la scène, moi !) » Il m’aurait peut-être écouté. Je manque d’audace, toujours. Jouer avec les grands de ce monde, plutôt que de les regarder en coin en attendant qu’un miracle se passe… (C’est la vie qui passe.) Olivier Casamayou – j’écris son nom sans savoir encore ce que je vais en dire, mais je sens qu’il est temps de parler d’Olivier Casamayou – Olivier était avec Olympio qu’il a ramené chez lui, mais Charles Guislain l’a embrassé longuement et à plusieurs reprises. Olympio est frigide. On peut le caresser et même lui caresser la bite, mais ça ne va jamais plus loin. Charles Guislain qui n’a pas dix-huit ans – j’ai dit à Olivier de faire attention, quand même – est une surnaturelle beauté, entre Tadzio de Mort à Venise et David Bowie, si vous voulez (Olivier était d’accord) – « avec aussi quelque chose de Marilyn et de Delphine Seyrig », ai-je rajouté en cours de soirée. Mais vous pouvez vous faire une idée par vous-même, il y a des photos de lui partout. Moi, j’ai pu bien, bien l’observer parce que j’étais à quelques centimètres des longs baisers qu’il administrait à mon ami. Je les prenais quasi pour moi. La phrase qui m’a fait arrêter ce livre merveilleux pour écrire ces conneries est : « Me plaît qu’on injecte un peu d’inadéquation, de brutalité dans le langage, parce que je ne peux pas éviter que, quelle que soit la situation, aussi douce soit-elle, la brutalité et l’inadéquation en soient toujours la plus juste description. » Et encore celle qui finit la page : « L’univers entier n’est qu’un euphémisme. » Oui, au Gibus rempli de mannequins et de vendeurs, à la vodka et au champagne, avec quelques filles pour la figuration (que cherchent-elles ?) – oh, je voulais dire aussi qu’à un moment, j’ai dit à Olivier que Charles Guislain était si beau que j’étais sûr qu’il n’avait pas d’anus et qu’il a ri comme il sait faire, ri, ri, et moi aussi, j’ai ri avec lui d’imaginer Charles Guislain sans anus et je n’avais pas pris de drogue (peut-être Olivier ?), je n’avais pas pris d’acide comme dans le livre que je lis qui raconte des parties d’acide dans les années quatre-vingt, de merveilleuses parties d’acide qui faisaient les participants rire, rire d’un rien, rire à l’infini, rire d’une bêtise, rire de l’inadéquation du monde et de sa brutalité qu’on peut aussi appeler douceur. Mais Charles Guislain était, était, était incroyablement féminin, je pensais : plus féminin qu’une fille et, bien sûr, je pensais au spectacle que j’allais faire en Belgique, j’avais envie qu’il en fasse aussi partie. Sur le trottoir, tout à l’heure, après le théâtre où je n’ai cessé de peloter Pauline, c’est à Charles Chemin que j’ai parlé. Lui aussi est un enfant de la balle, il joue depuis tout petit, beaucoup avec Bob Wilson. Il est grand maintenant. Il m’a raconté que Claude Régy avait essayé de le vampiriser (il avait douze ans) pour qu’il joue La Mort de Tintagile. Mais il devait jouer avec son père et les dates se chevauchaient, Claude lui avait dit qu’il fallait qu’il choisisse, que son père, ce n’était rien, que lui allait lui faire découvrir des mondes et, bien sûr, je vois tellement Claude (avec toute sa bonne foi) incapable de se comporter autrement. Tadzio. Il faut que je retourne à ce livre – qui parle de Michel Foucault... (et m'influence comme un nouvel amour).

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