Friday, March 04, 2011

Leçons de liberté

Bon, ça s’est hyper bien passé, ce stage ! Ça avait mal commencé, à cause des difficultés que j’ai avec Les Urbaines et donc je suis arrivé en Suisse comme si j’arrivais en Corée du Nord, tout juste si j’avais pas, moi aussi, un flingue. Pas agréable. Mais les filles ont réussi à me remettre en vie. Presque sur le droit chemin. Deux gains évidents : Matthieu a réussi à me faire aimer Valère Novarina (ça y est, je l’aime) en improvisant un « roman » que j’ai cru de lui – et la sensualité des filles. Voir les quelques photos que j’ai sauvées. C’est venu hier soir, ça. Y a eu soudain trois filles merveilleuses à poil. Avec perruque, escarpins et rien avec, Chanel N° 5 et paillettes d’or. Les autres filles regardaient ça comme des vieilles de village, c’était pas mal non plus. (Et puis Clémence avait montré ses fesses aussi, de manière hilarante (et sexy).) De toute façon, c’est ça qui est bien avec les filles : quoi qu’elles fassent, c’est bien ! Je me demande pourquoi on n’a pas plus de troupes de filles. Elles sont tellement douées ! Le déshabillage est venu quand je leur ai demandé de jouer des garçons qui jouent aux filles. J’ai pris mon appareil photo pour garder une trace d’un somptueux trave que faisait Olivia (elle aurait eu sa place dans le spectacle de Bruxelles). Mais les photos sont devenues belles quand j’ai monté la lumière à la fin. Avec le brouillard, c’est impec, ça vous satine la peau. Or et douceur. Le sexe dans ce qu’il a de meilleur : la vie, quoi.

Maintenant je suis dans le train merveilleusement vide, merveilleusement nuit. Le Lausanne-Paris. En première classe. Sarah m’a offert une rose socialiste et le fascicule publicitaire où elle a sa photo sur la liste. Ce que je conseille, c’est d’être plus méchant avec l’UDC – et les autres guignols parce qu’il y a plusieurs partis et candidats d’extrême-droite, ça qui est drôle, tous plus sympathiques et plus « terroir » les uns que les autres. La devise de la Suisse, c’est : Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. Les Fribourgeois à Fribourg, les… C’est comique, mais c’est comme ça. La consanguinité. Mais, bon, la Suisse, comme m'a dit Véronique Ferrero, n’en est pas au point de l’Autriche. Et la preuve est faite qu’on peut y travailler encore en liberté. Certes, on n’a pas ouvert au public. C’est peut-être l’avenir (je pense à l’Europe toute entière, là) : ne plus ouvrir au public. En tout cas, finalement, je me suis dit à la fin du stage où les filles ont extrêmement bien travaillé avec un public imaginaire que s’il y avait, au fond, critique à faire, c’était celle du public. Fanny, avec brio, a introduit des phrases d’Oscar Wilde. La plus intelligente a été celle-ci : « Une œuvre d’art est toujours réussie, c’est son public qui ne l’est pas toujours. » Impitoyable. Elle a rajouté que Tchekhov aussi critiquait le public russe de ses pièces et de celles des autres. Il trouvait qu’il n’était pas à la hauteur. Oui, la seule critique que nous ayons à faire, c’est celle du public (ce qui rejoint ce qu’il s’est passé aux Urbaines cette année).

J’essaie d’analyser pourquoi le stage s’est bien passé. A cause des conditions et de la ponctualité. Les filles étaient là de quatorze heures à vingt heures tous les jours. Neuf filles, deux garçons. Ça permettait d’avancer. En groupe. J’ai tellement souffert des problèmes de planning de Bruxelles, j’ai failli renvoyer toute la troupe incapable de travailler ensemble. Ici, de fait, ces actrices que je n’avais pas choisies (il y avait juste le nombre pour ouvrir le stage), qui payaient (ça, c’est quand même dommage), de fait, et – mon Dieu ! vraiment – étaient disponibles. Du coup, on a pu jouer au théâtre. On a vu passer des troupes et des troupes, on a fait des grands ensembles choraux qu’on a repris, tous, aujourd’hui, pour les filmer. J’espère qu’il y a aura des choses. De grands ensembles qu’on avait des difficultés à nommer parce qu’il s’y passait tant de choses, mais avec, chacun, des couleurs très différentes, très particulières. « Les Filles en rouge » (ou « Vincent »), « Navre de paix » « Le Baby-foot », « Oscar Wilde », « Les Pointes », « Le Goldoni ». Ça a été un exercice sur la mémoire, aussi, ce stage. Comment se souvenir de choses aussi impondérables, improvisées. Sensibilité aux détails. Equivalence du détail et du tout. Mémoire collective. J'ai prétendu, ce qui est vrai, ne me souvenir de rien, les filles s’y sont mises, d’un jour à l’autre – mais la mémoire de l’oubli, comme dit Marguerite Duras, suffit. Et puis, donc, cette salle. Exactement comme un laboratoire, une boîte noire, mais si souple d’utilisation, si plastique, on pouvait y faire ce qu’on voulait. Frédéric Plazy, le directeur de l’école qui est aussi astrophysicien, je l’ai déjà raconté, est venu parler de la mécanique quantique qui, comme il l’a dit, donne le droit de travailler en liberté. C’est ce que nous avons fait. Le titre du stage, redit à la fin (Leçons de liberté), nous a paru bien prétentieux, mais c’est que nous étions arrivé à vivre et que la vie se passe de mots.

De grands auteurs, néanmoins, nous ont accompagné (pardon si j’en oublie) : Tchekhov, Claudel, Shakespeare, Oscar Wilde, Valère Novarina, Bergman, T. S. Eliot, Goldoni, Peter Handke, Strip-tease (l’émission belge), Cioran, Marguerite Duras, Louise Bourgeois, enfin, bon, tout, tout comme dans tout. Oh, on m’apporte un plateau-repas ! Mais, moi, j’ai tout acheté à la gare comme un péquenot. Quand même, ces trains de première, quelle classe ! (Mais j’ai plus faim…) On est où ? En France, en Europe, en Suisse ? Dans la nuit… La rose se fane et « Le Temps », livré aussi, sert à caler le repas au cas où ça glisse. Je m’émerveille et les serveurs sont contents que je m’émerveille (j’en rajoute). De toute façon, le monde des riches, c’est le monde de l’émerveillement. Je suis aller boire des cocktails dans un bar du Palace avec Laurent Francey et sa femme, ce n’était que luxe, calme et volupté. Les riches sont capables des pires turpitudes (pour devenir ou rester riches, surtout en Suisse), mais ce sont les meilleurs hommes du monde – à croire peut-être qu’ils ne sont pas au courant. Est-ce que Michèle Alliot-Marie – dite MAM – et son mari, Patrick Ollier-Marie – dit POM – et les parents de MAM (quatre-vingt douze et quatre-vingt quatorze ans) se rendent compte de ce qu’ils font ? On craint pour leur état mental. Il semblerait que MAM ne voit toujours pas le problème. Ils sont malins (très malins) sur bien des points, les riches, mais il leur manque une case, quand même. C’est la case « Le Canard enchaîné » ou « Médiapart » ou « Le Petit Journal » ou « Les Guignols ». Ce sont des marionnettes, les riches, et les pauvres sont les acteurs. Jouer la marionnette est aussi facile que pour Isabelle Adjani d'avoir décidé d’être belle. Etre des stars. C’est ce que je dis toujours quand je commence un stage : « Je vous propose d’être des stars, c’est très facile… » Ce n’est pas mettre la barre haut, mais la mettre bas (comme nous l’enseigne la mécanique quantique). Frédéric Plazy a conseillé un livre qu’il faut que je lise : Le Cantique des quantiques. Le titre, déjà, est merveilleux. Le monde est plein de bonnes nouvelles. Le Christ est présent de tout temps.

Le sexe de la femme n’est pas un trou noir.

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