Là où les gens ne m’ont pas vu
Je suis passé à la boutique de l’avenue Montaigne, il n’y avait pas de vêtements pour moi, rien que des costumes noirs et des chemises blanches sur le modèle qu’avait inventé Hedi Slimane. Mais comme le temps passe… Pourquoi il ne revient pas mettre un peu de strass ? J’ai traversé la boutique immense au pas de charge, mais dans les salons inconnus, féminins, des choses pour la maison, des verres, des objets, des vêtements décoratifs, le luxe de la mode, mais personne – c’est pour cela que j’allais vite – personne pour les porter, personne dedans. Il y avait des Russes et des Arabes. J’ai pagayé en vélib’ jusqu’au nord de la ville, mais je n’ai pas voulu rentrer chez moi, non, je suis redescendu vers la gare – pour errer dans les relais de presse – oui, là non plus, personne ne m’a vu, ne m’a peut-être vu. Mais encore. J’ai eu envie de prendre des huîtres au Terminus et, là, seulement, on a commencé à s’intéresser à moi. J’étais au chaud. Je ne connais pas d’anti-dépresseur plus choc que les huîtres – oui, avec le vin, certainement, le champagne – et le chocolat, peut-être. Quand je vais mal, il me reste encore cette solution : les huîtres. Bien sûr, ça me coûte cher. Mais la survie a un prix (qu’il ne faut pas lésiner à payer)… Je suis rentré et je vous ai écrit.
Et puis voilà – et j’ai encore pleuré en regardant la télé – le mariage gay, la Grèce… et j’ai compris que j’étais revenu dans l’océan du ça-n’va-pas et que, dans cet océan, j’y trouvais des huîtres, mais, en attendant, en attendant quoi ? L’amour seul… Sur un billet de cinq euros, un Grec avait écrit « A L’ATTENTION DU GOUVERNEMENT : Parce que je sais que ceci aussi va arriver entre vos mains tôt ou tard, je vous souhaite pour 2012 d’aller au diable. Avec amour » « La charité est cette clef », écrit Rimbaud. Et : « Cette inspiration prouve que j’ai rêvé ! » Dans le zapping, Jacques Lacan (qui m'a fait penser à sa maison où j’ai connu Hélèna (son nom que je disais souvent à la place d'Ivan Ilitch)) a dit en noir et blanc : « Tout c’qui s’dit là, on sait jamais si c’est pas du déconnage. C’en est patent au point d’en être hurlant ! C’est c’qui donne une haute idée de l’humaine pensée… » Et : « En plus, y a du sens qui s’fait prendre pour du bon sens ! » Et j'ai projeté de répondre ceci à Thomas qui a raté la représentation d'hier (d’où ma dépression), l’a inversée – car il ne savait pas, malheureusement, distinguer le bon du mauvais – et qui m’a écrit quelques lignes malheureusement sincères : « Qu’est-ce que tu en sais ? Comment peux-tu savoir que c’est difficile à jouer ? Comment peux-tu savoir de quoi il est question dans ce spectacle ? La moindre des choses, si on ne le sait pas, si on ne sait pas ce qu’il dit, le spectacle, c’est de le jouer dans la facilité. La moindre des politesses – qui est peut-être celle du désespoir, pourquoi pas ? mais politesse au public. » Je ne voulais pas être méchant avec Thomas, j’étais simplement désespéré de son cas. Un artiste que je ne pouvais pas épauler autant que ne le fait Hubert Colas ou Stanislas Nordey. Thomas a joué comme on joue chez Hubert ou chez Stan, mais pas chez moi. Il a joué en souffrant. Pourtant – et je l’avais assez répété au fil des siècles – la seule chose que j’exige d’un acteur, c’est d’avoir du plaisir. Mais Thomas ne sait distinguer le bon du mauvais, le plaisir, il est dans la jouissance. Bon pour travailler avec Stan, Hubert ou Claude Régy. Mais pas chez moi, non. Chez moi, il faut se tenir. J'ai répondu finalement : « Tes lignes sont sincères, mais – je l’ai assez répété – il est obligatoire, si on travaille avec moi, de travailler dans la facilité. Toute difficulté est une illusion, une invention qui n’a rien à faire dans l’exécution du spectacle. »
Labels: paris
1 Comments:
Je l'ai vu, ni thomas, ni la piece, mais le grand oiseau blond au regard vif et clair, au coeur large et pose sur la main, a la douce brutalite et extravagante timidite. Je l'ai vu, ce moment rare ou l 'on sait que c est pour ces rencontres la, que la vie vaut.
Post a Comment
<< Home