Friday, April 13, 2012

Le Charcutier philosophe

(essai de réécriture)



C’était encore à réécrire. – Qu’est-ce qu’il s’était passé ? –Olivier Steiner avait écrit un livre. Il m’avait demandé de ne pas faire circuler le pdf. Mon mouvement naturel aurait été de le distribuer. Ça allait se répandre comme des petits pains.

Ensuite, il s’était passé encore plus – sur ce grand bateau de ce livre – ce grand bateau vivre – l’amour. Il y avait ce couple…
Et puis les rêveries, le travail. Le travail se rêvait, c’était ça.

Et puis ç’avait été une semaine où je m’étais plaint de ne pas avoir de vacances, d’amour, d’amour de vacances, au moins.

Paris ville ouverte sur la nature, le vent, le soleil, l’embrun, je l’avais ressentie comme ça. Une foule de rendez-vous et j’avais traversé Paris – en tout sens – à vélib’, à l’air libre, dans le soleil et les embruns, presque pas habillé. Ce couple d’amour naviguait dans les embruns. Couple-frère. Je répandais, il ne fallait pas répandre, je l’aurais répandu si j’avais pu, « l’amour existe, dans un sens ou dans un autre ».

Paris m’apparaissait. Comme j’allais loin, je voyageais, je me perdais. Je découvrais Paris infinie comme une ville étrangère, ses zones qui appartiennent aux étrangers ou, au contraire, ses zones qui appartiennent aux villages – tant de niches sociales ! Bergère, ô tour Eiffel… Le Tout-Monde. La Seine, marée haute. « Je n’ai jamais été aussi heureuse – Je n’ai jamais été aussi heureux. » « Unspeakable happy », disait l’enfant-adulte.

Paris avait été ouverte sur le sommeil, en fait, nuit blanche.

Arnaud Guy était venu me chercher à quatre heures du mat’ pour m’emmener où il voulait. Avec lui, j’avais averti : « Ok, mais pas de drogue. S’il y a de la drogue, je ne viens pas. » Bien sûr, il y avait eu de la drogue, très tard dans la matinée, j’étais parti. Je m’étais demandé pourquoi la drogue était apparue si tard et pourquoi alors il fallait en prendre tous les quarts d’heure. Arnaud m’avait raccompagné en scooter, j’avais les mains sur son sexe, il ne bandait pas, il voulait encore dire qu’il n’allait pas bander, que ça ne l’excitait pas. Je l’avais arrêté : c’est comme ça que je supporte le sexe des garçons. Je ne voulais rien. J’attendais une fille. Avec elle, il serait temps de faire « jouer » les organes. Vincent Dissez m’avait proposé de nous marier. Ça aussi, c’était possible. J’avais posé comme condition : « Pas de sexe, pas d’histoire. »

Luigia Riva m’avait raconté quelque chose. On avait ri. Elle m’avait dit : « Je vais te faire signer un papier où tu t’engageras à ne rien dire. » C’était inintéressant, ce secret dont elle voulait me parler pour me demander mon avis.

Je l’avais raconté à la première venue, c’est-à-dire Mathilde Monnier. Je l’avais raconté en lui faisant promettre, pareil, signer un papier, de ne rien raconter. Je lui avais raconté le secret inintéressant. Je l’avais fait parce qu’elle s’en fichait, mais qu’elle était néanmoins obligée de m’écouter (en posture d’être obligée de m’écouter) et aussi, peut-être, parce que je l’imaginais, elle, comme une boîte à secrets, une boîte crânienne à secrets, à secrets de ce genre : inintéressants.

Mais, le secret, c’était de traverser Paris et de se perdre dans le soleil et les vacances et l’air frais vivant venant de la mer.

« I feel the energy of this love, it's a very powerful spring », j’avais écrit. Le temps réel n’était pas secret, mais le secret était TEMPS REEL. The weather. Et j’avais rajouté en légende d’une photo : « C’est comme si votre âme s’était enfermée dans le voile de la beauté. » Ça allait avec la photo.

Dans la rue, un homme me demandait cinquante centimes. Je lui donnais un euro. « Dieu te rende service ! – A vous aussi. » Ce n’était pas cher payé pour : « Dieu te rende service ! » Plus loin, en avançant sur le marché, j’entendais : « J’ai rêvé de la literie du chat, cette nuit. » J’étais prêt pour les signes.

Au café, Rémy n’était pas là, mais, près des fleurs, j’avais encore le Gatsby magnifique. A côté, un homme fatigué (et fumeur) feuilletait Car l’adieu, c’est la nuit, d’Emily Dickinson. Je faisais tourner la tasse encore chaude dans ma main – et l’horrible orgue décoratif s’était tu (« du verbe se taire »). Je remarquais les clochards – ici, du Maghreb – et, encore une fois, je me demandais pourquoi ils avaient l’air de princes – Nietzsche : « Toute vérité est une erreur en sursis. »

Une chienne énorme et belle voulait à tout prix manger un reste de nourriture infiltrée dans le pavé. Elle léchait, léchait le sol poussiéreux. Et je pensais à Pierre. L’infini petit frère.

C’est alors que Rémy apparu. Je disais : « J’apprenais à aimer ma solitude. » Il avait des vêtements dans les teintes un peu rousses, un peu saumon qui lui vont si bien. A peine était-il tout à moi que d’autres le rejoignaient, Rachid, Nicolas. Je connaissais Nicolas Couturier, mais Rachid disait : « Enfin, je mets un visage sur ton nom… » J’imaginais, je ne sais pas pourquoi, que ça faisait bien longtemps qu’on n’avait pas dit ça à Catherine Deneuve : « Enfin, je mets un visage sur votre nom… » On parlait de tout, je regrettais de parler. J’aurais voulu laisser Rachid et Nicolas briller, leurs beaux visages.

Labels:

1 Comments:

Anonymous OS said...

On ne guérit d'une souffrance qu'à condition de l'éprouver pleinement.

Marcel Proust

11:29 AM  

Post a Comment

<< Home