Saturday, October 20, 2012

Parabole



« Le « je » du poème est celui d’un bourgeois qui raconte que, dans sa vie, il a connu un seul poète et qu’il peut le décrire approximativement, sans être tout à fait sûr qu’il s’agisse vraiment d’un poète. Il le décrit donc : c’était un homme vêtu avec une dignité modeste, qui était connu de tous. Son habit était usé aux coudes et aux extrémités du pantalon. Sa cape avait été luxueuse en d’autres temps. Il parcourait la ville avec un chien à ses basques et en se promenant il projetait sur les rues gorgées de soleil une ombre noire et haute. Il ne regardait personne, mais tout le monde le regardait. Et bien qu’il ne regardât personne, il semblait tout remarquer. Le bruit couru dans la ville que c’était lui qui gouvernait réellement la cité et non le maire. Cela nous rappelle l’attitude de Victor Hugo qui, en plein exil, se nommait lui-même « le témoin de Dieu » et « le somnambule de l’océan ». Remarquons aussi que Shakespeare parle des « espions de Dieu ».
De cet homme, on disait que toutes les nuits il envoyait des rapports au roi – ici il faut comprendre que le mot « roi » équivaut à « Dieu » – et qu’il menait chez lui une vie somptueuse, avec des esclaves nues pour le servir et des toiles du Titien aux murs. Mais le bourgeois le suivit une fois et il se rendit compte que tout était faux : l’homme s’asseyait sur le seuil de sa maison, en croisant ses jambes sur son chien. Sa maison était récente, il n’y habitait pas depuis longtemps et il prenait ses repas avec sa gouvernante. Puis il jouait aux cartes et se couchait avant minuit. Le bourgeois l’imagine ensuite à l’heure de sa mort, il imagine les armées d’anges qui l’entourent et qui l’amènent à Dieu, lui qui faisait métier d’observer les hommes. Il conclut par ses mots : « Je n’ai jamais été capable d’écrire un vers, allons nous amuser. » »

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