Renaître et recommencer
« Indiquons les 2
principes qui serviront ici de guide. Plus un objet est réel, plus il est
inidentifiable ; plus le sentiment du réel est intense, plus il est
indescriptible et obscur. Par sentiment de réel, j’entends ici simplement le
sentiment qu’une certaine chose est réelle. Expérience banale et
quotidienne, objectera-t-on. Qui
ne voit, par ex, que le pain qu’il mange, la table à laquelle il s’assied, la
personne qui lui fait face constituent autant d’objets réels. Sans doute, mais
autre chose est la représentation, autre chose le réel qu’elle est censée
représenter. S’il est vrai que je m’attends à voir, conformément à la
représentation que j’en ai déjà, le pain, la table, la personne, cela ne
signifie pas pour autant que je
sois disposé à les reconnaître comme réel. Car, en tant qu’il est singulier, le
réel est ce qui ne s’autorise d’aucun garant autre que lui-même, ne se justifie
d’aucune façon et est, par conséquent, hors d’état de jamais se laisser
attendre en tant que tel. Puisque constituant une présence qui ne s’annonce
d’aucun attendu – dans le double sens du terme. Le sentiment d’un tel réel est ainsi
rien moins que quotidien, il implique au contraire une dissipation de toutes
les représentations quotidiennes et une irruption en leurs lieux et places de
l’improviste, de l’imprévu. »
« Que ceci existe, je le
reconnais paradoxalement à l’impossibilité soudaine où je suis de dire quel il
est. Tout ce que j’en sais et tout ce que j’en puis dire est qu’il est ceci et
non autre. La minceur de ce savoir est à la mesure de sa précision et de sa
pénétration. Elle ne signifie pas qu’on s’est égaré, mais au contraire, qu’on
est entré dans la bonne zone, celle à partir de laquelle toute identité devient
douteuse, c’est-à-dire qu’on se trouve désormais dans les parages immédiat du
réel. »
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