Friday, May 10, 2013

Le Temps des projets



Il y eu un temps où on me proposait d’être là et — ça paraît invraisemblable — je pouvais faire ce que je voulais. J’étais à la mode (sans doute). Puis ce temps s’est arrêté, s’est tari soudainement comme un robinet qui ne coule plus. Du jour au lendemain. Il y a eu un dernier stage, en septembre 2012, puis plus rien : avant ça déborde, c’est inondé, après, c’est le désert. La traversée du désert... Il est donc venu un temps où j’ai dû inventer des projets, fabriquer des projets, faire fabrique, industrie de projets. C’est comme ça qu’on avait trouvé à m’occuper. Le temps passait plus fluide bourré de projets et d’images qui ne se concrétisaient jamais. L’un des directeurs des Bouffes du Nord, très agréablement, me laissait lui écrire 2 emails par jour et me répondait. Grâce à ses réponses, les choses m’apparaissaient plus claires et la vie m’apparaissait plus légère. Je lisais partout des projets ; drôle d’endroit pour une rencontre, la vie, pour des projets... J’écoutais Alain Badiou : « La porte par laquelle on s’échappe de la caverne de Platon, du règne marchand des images qui est la forme contemporaine de cette caverne (...) » Oui, Le Dispariteur (porte ouverte à toutes les perditions) n’avait peut-être pas fini son œuvre... Je rencontrais Caroline Breton, un peu perdue dans sa psychologie, comme nous aimons tant les femmes ! — et nous riions ensemble. Elle me disait, par ex : « Et, toi, pourquoi t’es heureux ?  » Elle lisait Stig Dagerman, il faut dire. Ce jeune homme qui, je crois, s’est suicidé et qui plaît tant aux femmes... (à Ambre Kahan, aussi...) Je lui répondais : « Mais je suis heureux, par ex, parce que Paris s’est vidé ! » (salut Nicolas !) Elle avait horreur de ce temps (comme Laurent Goumarre, tiens), de ces journées où Paris se vidait et ressemblait à une ville de province. La province, c’était mon enfance, mon désir, mon émerveillement, mais, pour elle — et pour lui sans doute —, c’était là que la vie revenait comme un spectre, revenait lui dire : « Et la vie, qu’en as-tu fait ? où elle est, ta famille ? tes enfants, tes amants... » Moi, j’avais renoncé à la vie depuis belle lurette ; j’étais un moine et — l’avantage — j’aimais les jours fériés qui me rapprochaient de Dieu... Les platanes surtout m’enchevêtraient de désir. J’avais lu une préface d’Hélèna Villovitch à un livre de Jeanette Winterson. Je l’avais lu dans une librairie où on me laissait lire ce que je voulais. J’étais un habitué et ils ne s’étaient pas aperçu encore que, depuis qq temps, je n’achetais plus rien. La préface était adorable et... je ne sais plus ce que je voulais dire... Ah, oui, les platanes, nous en parlions ensemble... J’avais pensé qu’Hélèna m’avait certainement plus aimé que je ne l’avais aimée. Que finalement — et je pense que je l’étais déjà à l’époque —, j’étais étonné — j’avais été étonné — qu’elle me suive comme ça, qu’elle s’intéresse à moi, qu’elle me suive aux basques (alors que je n’avais pas l’impression de la suivre, moi). Mais les écrivains s’intéressent à tout : ils suivraient n’importe qui. Chacun son vice. J’aimais toujours Hélèna. Il fallait que je lui envoie un petit mot gentil pour sa préface... 



« Alors préparons donc, si nous savons comment faire (mais, après tout, nous le savons toujours un peu), ces poèmes et ces images qui ne comblent aucun de nos désirs asservis ; préparons ce que l’on pourrait appeler la nudité poétique du présent. » Oui.

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