Sunday, September 15, 2013

E spérant que l’amour serait au large


Je suis un homme de folie et d’amour. En ce moment, c’est Bill Douglas. Je ne sais pas si je pourrai revoir sans fin ces films qui sont les plus beaux de ceux que j’ai vus de toute ma vie parce qu’à l’émerveillement maintenant se mêle de la douleur (mais je respire, je respire cette douleur). C’est des blocs d’exactitude, douleurs, émerveillements. Peut-être aussi, cette douleur, c’est, pour une part, de la jalousie. Je me dis. Je ne suis pas jaloux de mes collègues, bien loin de là. Certains le sont de ce que je fais, ce que je comprends. Mais de ces films, oui, je suis, je crois, énormément jaloux. Je donnerais toute mon œuvre pour avoir dessiné ne serait-ce qu’1 cm2 de cette toile sublime, réelle. Peut-être que Tarkowski m’avait mis dans cet état-là quand j’avais vu son Andreï Roublev… Pina Bausch, bien sûr… Tant que ces films dont je ne comprends pas la fabrication — oui : qui me feraient croire à Dieu —, sont programmés, je serai dans mon pays, mon pays. Je serai chez moi, je ne peux pas dire autrement… mon vrai pays. Et ces minuscules trous à rats que sont les salles du Mk2 Beaubourg, pleines de souffleries et de sorties de secours, deviennent les plus miraculeuses des chapelles — du Bon Secours, du Bon Appel ! Et Beaubourg, et l’automne, en sortant, et le dimanche soir, sont vrais. Violette Villard qui enseigne à Argenteuil, le lundi, la philosophie à des filles âgées qui se destinent à être infirmière, me propose de venir. Les filles, très belles, me dit-elle, de 19, 20, 21 même, sont « musulmanisées ». La mosquée est à côté du lycée, intégriste. Quand elle leur demande si elles se sont déjà posé la question de l’être, de leur être, l’une répond, péremptoire : « Nous sommes les enfants de Dieu. » Il n’y a rien à dire. C’est vrai. C’est vrai poétiquement, nous sommes les enfants de Dieu ; ce n’est pas vrai dogmatiquement. Et la philosophie. L’art de la question. Voyage au pays sonore ou l’art de la question. « Sans questions, sans musique ! Je ne connais de belle absence de questions que dans la fatigue... Jadis l'avenir n'était-il pas un continent ? Et la question des questions, en tout cas de mon temps. « Que devons-nous faire ? » Et pourquoi ce continent est-il de nos jours réduit à ton, à mon îlot-questions : « Que dois-je faire moi, moi tout seul ? » Où a disparu notre communauté avec tous ceux qui s'en allaient partout ? N'étions-nous pas jadis tous réunis dans le tremblement, fût-ce celui des nappes en papier dans un jardin d'auberge abandonné, la nuit, à la sortie d'une ville ? « Paresseusement s'effaçait de la corniche du toit la fable d'enfance de l'hirondelle successive » ? Qui pourrait appeler les temps actuels une époque ? » Rien ne change, je peux dire ; je pensais ça... Les films de Bill Douglas sont les plus neufs et les plus anciens, c’est pareil. Qu’est-ce qui change ? l’époque. Qui n’existe pas. Pfft ! Et Beaubourg était beau. Quelle audace ! Lui aussi des années 70. Commandé par un homme de droite, tandis que Delanoë abîme, 1 fois encore, les Halles. A la fin du film, je pleure. J’ai l’impression d’avoir raté ma vie et c’est vrai. En sortant du film, je suis curieusement apaisé.




« Spinoza entendió que todas las cosas quieren perseverar en su ser, la piedra eternamente quiere ser piedra y el tigre un tigre. »

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