Saturday, October 19, 2013

A une journaliste


Oui, bien sûr que je suis partant !

Pour moi, la beauté existe, mais l'autre beauté, elle aussi, existe sans doute... Et puis la diversité, la diversité des apparences, la diversité du monde des apparences, si l'on croît à l'unité (du sensible, comme dit Pythagore, repris par Nerval : « Tout est sensible »), il faut la montrer. On me dit que c'est une idée allemande ou du Nord, de dramaturgie du Nord, de montrer le monde (sur scène). Je recherche des Noirs en ce moment, pour la Ménagerie (j'ai travaillé avec Papy Ebotani et Dinozord, une année, à Versailles, grâce à Philippe Chamaux qui me les avait fait venir et ça a été les plus beaux interprètes auxquels j'ai eu accès). Mais je cite aussi souvent Noureev : « Je me sentais léger et je plaçais mon corps à l'endroit de la légèreté. » C'est comme ça que je vois les choses, un placement du corps dans des endroits, dans des endroits, en fait, de l'esprit. Ou de la sensation. Du cœur, si on y arrive. Ou Isabelle Adjani qui a dit qu'à un moment, elle a senti qu'elle pouvait choisir d'être belle ou d'être laide. La tristesse du monde, c'est quand les gens croient à leurs complexes (les petites bites, pour les hommes, on se disait avec Bénédicte Le Lamer qui m'assiste pour le stage, ça semble quand même le problème). C'est tout d'un coup un fardeau et une tristesse. Mais ce n'est pas les corps en eux-mêmes qui m'intéressent, c'est la vie qui les traversent et la variété de leurs apparences changeantes, frissonnantes de changement... On ne se baigne jamais 2 fois dans le même fleuve — parce que le fleuve change et nous aussi. La multiplicité des apparences et, à l'intérieur de ces apparitions, « le secret le mieux partagé du monde car il l'est par tout le monde » (François Tanguy). Quand qqch est beau sur scène, ça pourrait en effet être le fait de n'importe qui. Ça me le fait toujours, ça. Mais ne pas tricher est si rare. Marie-Agnès Gillot ne triche pas, mais mon père ne triche pas. Il faut que les interprètes créent leurs espaces et s'y placent dedans (comme dans un gant). Comme le dit le poème Theory, de Wallace Stevens : « I am what is around me. » « Je suis ce qui m'entoure. » Et il continue : « Women understand this. / One is not duchess / A hundred yards from a carriage ». J'aime beaucoup que, dans ce poème, Wallace Stevens disent que les femmes sont en général plus fortes que les hommes pour ce métier. (Elles savent ce que c'est qu'une robe.) Mais encore, par ex, Stephen Thompson, l'autre jour, danseur sublime, magnifiquement a rempli d'eau la Ménagerie de verre et a dansé dans ce réservoir comme dans les mers multiples de Shakespeare (« The multitudinous seas incarnadine ») ou bien dans l'Eros des Grecs (divinité liquide)... J'espère que nous aurons cette chose inouïe et vraie dans le spectacle que je prépare en remplacement de celui de Jérôme Bel pour débuter Les Inaccoutumés... D'abord l'environnement, ensuite la vie (ou la danse...)

Je m'aperçois que vous n'étiez plus dans mon carnet d'adresse, ça arrive pas mal, ces disparitions (malheureusement) ! Vous avez loupé qq étapes : inventez-les ! ce sera parfait !

Yves-Noël Genod




Et là où je me situe : « J’aime le théâtre, mais je suis amoureux de la danse... »
(j'ajoute...)

Merci à vous, 


YN

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