Sunday, November 24, 2013

L ’Inconnu mystère (en pensant, hier, à Pascale Fautrier ! et aujourd’hui à Sébastien Vion !)


« Dans ce val solitaire et sombre
Le cerf qui brame au bruit de l'eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S'amuse à regarder son ombre.

De cette source une Naïade
Tous les soirs ouvre le portail
De sa demeure de cristal
Et nous chante une sérénade.

Les Nymphes que la chasse attire
À l'ombrage de ces forêts
Cherchent des cabinets secrets
Loin de l'embûche du Satyre.

Jadis au pied de ce grand chêne,
Presque aussi vieux que le Soleil,
Bacchus, l'Amour et le Sommeil
Firent la fosse de Silène.

Un froid et ténébreux silence
Dort à l'ombre de ces ormeaux,
Et les vents battent les rameaux
D'une amoureuse violence.

L'esprit plus retenu s'engage
Au plaisir de ce doux séjour,
Où Philomèle nuit et jour
Renouvelle un piteux langage.

L'orfraie et le hibou s'y perchent,
Ici vivent les loups-garous ;
Jamais la justice en courroux
Ici de criminels ne cherche.

Ici l'amour fait ses études,
Vénus dresse des autels,
Et les visites des mortels
Ne troublent point ces solitudes.

(…)

À l'ombrage de ce bois sombre
Hyacinthe se retira,
Et depuis le Soleil jura
Qu'il serait ennemi de l'ombre.

(…)

D'une fierté pleine d'amorce,
Ce beau visage a des regards
Qui jettent des feux et des dards
Dont les Dieux aimeraient la force.

Que ton teint est de bonne grâce !
Qu'il est blanc, et qu'il est vermeil !
Il est plus net que le Soleil,
Et plus uni que de la glace,

Mon Dieu ! que tes cheveux me plaisent !
Ils s'ébattent dessus ton front
Et les voyant beaux comme ils sont
Je suis jaloux quand ils te baisent.

Belle bouche d'ambre et de rose
Ton entretien est déplaisant
Si tu ne dis, en me baisant,
Qu'aimer est une belle chose.

D'un air plein d'amoureuse flamme,
Aux accents de ta douce voix
Je vois les fleuves et les bois
S'embraser comme a fait mon âme.

Si tu mouilles tes doigts d'ivoire
Dans le cristal de ce ruisseau,
Le Dieu qui loge dans cette eau
Aimera, S'il en ose boire.

Présente-lui ta face nue,
Tes yeux avecques l'eau riront,
Et dans ce miroir écriront
Que Vénus est ici venue.

(…)

Prête-moi ton sein pour y boire
Des odeurs qui m'embaumeront ;
Ainsi mes sens se pâmeront
Dans les lacs de tes bras d'ivoire.

Je baignerai mes mains folâtres
Dans les ondes de tes cheveux
Et ta beauté prendra les voeux
De mes oeillades idolâtres.

(…)

Ma Corine, que je t'embrasse !
Personne ne nous voit qu'Amour ;
Vois que même les yeux du jour
Ne trouvent point ici de place.

Les vents, qui ne se peuvent taire,
Ne peuvent écouter aussi,
Et ce que nous ferons ici
Leur est un inconnu mystère. »

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