« D essine encore et encore sur le canevas de la paix éternelle »
Bon, après l’Underground
Café, je suis allé voir Madama
Butterfly. Comme disaient les agents
de la sécurité : « C’est quoi qui se donne ce soir ? — Qqch
comme « Buterfli ». » Là, j’intervenais : « Butterfly — Voilà ! c’est ça : Butterfly. » Je suis comme ça, moi. Car le mauvais son, le
caca, le pourri n’est pas seulement ce que je veux me mettre dans l’oreille
(pour préparer les Bouffes, je veux dire). J’étais au dernier rang, contre le
mur. Je ne voyais rien, des figurines comme des fourmis. Je ne lisais pas les
surtitres : ça, une aubaine, je déteste les surtitres (ou les sous-titres
au cinéma), c’est nul. Mais qu’est-ce que j’entendais bien ! C’est dingue,
cette acoustique ! Même, parfois, je trouvais que c’était trop fort,
qu’ils gueulaient trop. J’étais au dernier rang ! Très, très, très
beau ! Je sais qu’il y a un système de sonorisation, de soutien très bien
fait à l’Opéra Bastille car on ne s’en aperçoit pas, alors je ne saurais dire
s’ils l’utilisaient (ou pas). Peut-être, quand c’était trop fort, je pouvais
avoir l’impression. Mais pas sûr. La mise en scène était parfaite car très
dépouillée : zen. Et, l’histoire, je ne la comprenais pas, mais quand je
l’ai lue sur Wikipédia, à l’entracte, je l’ai reconnue — et j’ai été presque
déçu d’en savoir qqch pour la deuxième partie : c’est tellement mieux, la
musique seule, on comprend tout, on n’est pas con ! Y a une chose sur le prix
des places, je voudrais suggérer. Ça ne reflète pas du tout la société. La
place du dernier rang — comme j’ai pas réussi à trouver une place à 15 € (il
faut venir très en avance), je l’ai achetée à un couple qui la revendait : 35 €. Hors
la place la plus chère n’est qu’à 180 €. C’est rien du tout, pour les riches,
180 €. C’est que le prix d’un éternuement, d’un clignement de paupière ; ça devrait
être bien plus cher ! En 1900, la différence des revenus allait de 1 à 30
(ce qui était déjà énorme), maintenant, la différence va de 1 à 300. Pourquoi, alors, ne pas réajuster le prix des places à l’opéra ? Des places
à 10 € et des places à 3 000. Ou des places à 1 € et des places à 300. Ce serait logique. Ça reflèterait la
réalité. Eh bien, non. Et il y a une explication à cela. Ils ne veulent pas la montrer, la
réalité, il faut la cacher. Ils ont peur de la révolte (du nombre). Il faut
faire croire que tout le monde est « ensemble », en France, vous
savez : « Liberté, Egalité, Fraternité » — ou en Amérique (vous
savez, le mythe américain) — ou partout. Le monde ne se révolte que peu. Car
il est « ensemble » (la religion) et que cette fiction est aussi
peut-être une réalité. Mais comme il est grand, l’écart de cette réalité ! Voilà à quoi je laissais
aller mon esprit, la tête contre la pierre en écoutant religieusement Madama
Butterfly. Et
puis, soudain, je déchiffrais un surtitre : « …vers le firmament, vers
la mer ». Parfait ! (je peux me rendormir). C’est bon signe, me
disais-je. Et puis, plus tard, je croyais lire aussi : « avoir un
coquelicot… » Oui, Les Rouges,
le livre de Pascale Fautrier, on en revient toujours là : Que faire de
cette guerre des classes que les riches gagnent ?
Labels: paris
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