Sunday, March 02, 2014

J oie, silence, perméabilité, faiblesse


Il y a 2 troupes, l’une payée (très peu, mais enfin), l’officielle, participants : Jeanne (soprano), Bertrand (contre-ténor), Simon (acteur, pas payé, lui, mais défrayé), Louis (trompette), Ana (danse), Mario (Violon).
Et une deuxième, non payée, de guests ou, mieux, de « squatteurs », plus nombreuse, ce sont des gens qui ont accepté — et désiré — être là même sans money (sauf tombé du ciel). Participants : Soleïma, Fernanda, Sigrid, Damien, João, Bernard, Boris, Pietro, Perle, Ambroise, Gus, Philippe, Joana, Christian (Mualu), Alexandre.
La difficulté est énorme, soit c’est génial, soit c’est nul. Ce qu’il faut, c’est s’en foutre de la difficulté, on ne s’en occupe pas, parce qu’on n’a pas le temps de s’en occuper. On a, en effet, 6, 7 jours pour faire le spectacle (le 19 étant probablement consacré au montage et nous jouons déjà les 27, 28, 30 en avant-premières et en filages film, photos). Il faut donc que tout soit prêt d’avance, que vous n’ayez rien à « faire » (seulement jouer). C’est-à-dire, qu’est-ce qui doit être prêt d’avance ? Les costumes (je vous ai déjà dit qu’idéalement le spectacle, ce son et lumière, se devrait de n’être que costumes, que des fringues avec personne dedans. Ce que dit Georges Didi-Huberman va dans ce sens : « Le mystère n’est pas derrière la porte, il est la porte elle-même (si la porte est aussi belle et intéressante qu’un tableau de Vermeer). » Fait d’avance, le dessin, le tableau, « Les femmes comprennent cela : / On n’est pas duchesse à cent mètres de son carrosse » (Wallace Stevens). Et, deuxièmement, donner l’impression (pur bluff) d’une troupe parfaite, une troupe africaine, venue d’un pays — le Congo, par exemple ! — où les gens ne se méprisent pas. C’est impossible en Occident où nous sommes programmés à l’isolement — donc désirer le miracle, l’absolu miracle que vous croyez en Dieu ou pas car il n’y a que cette solution. Aide-toi, le ciel t'aidera.
Si on a ces 2 choses, apparence et amour (passer de l'absurde à l'amour), tout, absolument, est possible, tout peut surgir car il s’agit, avec cette troupe, de faire entrer le monde extérieur à l’intérieur du théâtre. Un certain envahissement. Du monde extérieur. Le risque pris avec le monde extérieur.
Dans mon esprit, il y aurait donc 3 parties, la première qui est celle que nous avons déjà faite en septembre — qui s’achève justement sur l’arrivée de cette foule extérieure, cette démultiplication des pains (des saints) qui ouvre sur la deuxième partie dont je ne sais rien. Puis une troisième partie de nouveau plus chantée (ou dansée)… Mais les choses seront peut-être moins nettement séparées… Une difficulté que je rajoute, ce serait — je viens de le lire ds une critique parue sur le film (que je n’ai pas encore vu) The Grand Budapest Hotel —, ce serait de jouer très vite, que cette foule soit, en plus, une foule d’une énergie très violente, très virtuose de manière à jouer beaucoup en peu de temps (que ça ne dure pas 4 h). C’est-à-dire pouvoir — en plus ! — jouer plusieurs personnages, changer d’apparence plusieurs fois, dans un tourbillon métaphore de la rue. Bref, au boulot ! Vous avez intérêt à vous préparer des cartouches ! Je ne vous envie pas. Vous serez heureux si le miracle se produit, mais sinon… Il faut, en qq secondes, exister dans le cœur des gens comme s’ils vous avaient toujours connu, reconnu… Tricky ! J’ai une fois dans ma vie joué un grand rôle (avec Julie Brochen) et c’est là que j’ai réalisé que c’était de loin le plus facile : le public dort (dans une pièce classique), mais, en dormant, pense à vous, rêve à vous, ça se fait tout seul. Là (et encore une fois dans l’hypothèse où on y arriverait), c’est fort de café ! Il s’agit de vivre comme des plantes, comme des parasites, des poux, dans la chair et la peau de ces bienheureux spectateurs, des bêtes familières… Ça a beaucoup à voir avec le fantôme… Une seule solution : tricher, faire (absolument) croire à une troupe, non pas seulement à une foule, mais une troupe (sinon le spectateur ne supportera pas de voir encore qq’un, encore qq’un, etc.) Leonard Cohen dit : « If you don’t become the ocean, you’ll be seasick every day. »  Quel grand homme ! Je vous rappelle les inspirations que je vous proposais (volontairement limitées à 3 parce que sinon) : Le Diable probablement, Robert Bresson, Le Maître des anges rebelles, Bruno Perramant (expo à la galerie In Situ, 17-19, rue Michel Le Comte, près de Beaubourg) et L’Heure où nous ne savions rien l’un de l’autre, Peter Handke. (Aussi Zurbarán, à Bruxelles, et toute la peinture classique, évidemment, au moins jusqu'à Monet.) Toutes les musiques et toutes les poésies. Je vous conseille d’apprendre un beau poème ou 2 (dans les langues maternelles) pour avoir qqch à sortir des lèvres — pour le cas où ces hologrammes, ces fantômes soient vivants ! Le 6, 7, 8, nous avons la salle jusqu'à 16h30, mais avec un décor dedans malheureusement. On fera avec. Voici le planning pour le 6. Le 7 et 8, je vais vraiment voir tout le monde, je reprécise au moins le soir du 6 dans quel ordre ce sera ou si c’est tous ensemble tout le temps (sauf ceux qui ne sont pas là, ces journées n’ayant pas été demandées obligatoires). Peut-être qu’il faudrait trouver le moyen de se voir entre le 9 et le 19 dans une salle quelconque... Mais la question des costumes, de l'apparence n’avance pas… c'est une épine, ça...

Planning du 6 :
9h, Mario
10h00, Mario + Jeanne + Bertrand
11h30 Damien + Pietro (si là) + Boris + Christian (Mualu)
13h Ana
14h30 Ana + Mario + Damien + Pietro + Boris + Christian (Mualu)
15h30 Sigrid + Soleïma + Fernanda + Joana + Perle + Damien + Pietro + Boris + João  + Christian (Mualu)
17h fin.

Un seul assistant nécessaire le 6 (surtout pour ouvrir aux gens), choisissez, Simon ou Gildas… Youness, tu passes quand tu veux (sauf dans les seul à seul Mario, Ana)…

Tenez, 3 citations de Peter Handke que je trouve parce que j’ouvre enfin, ce matin, ce livre posé à mon chevet depuis quelque temps (Hier en chemin, un journal de voyage) :

« et me voilà depuis près de 2h maintenant ds le Jardinillo d’Alcázar, tout au fond, près du dernier arbre, et je me sens devenir toujours plus pur (comme il y a 14 mois au square des Batignolles), rien qu’en restant là, à regarder, réfléchir, revenir ou anticiper — joie, silence, perméabilité, faiblesse — selon mon idéal. »

« en cette heure de début de soirée, à l’étranger, j’ai pu être une fois encore tout entier dans l’événement, tout entier dans (le secret de) l’image. »

« Dessine encore et encore sur le canevas de la paix éternelle »

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