Saturday, April 12, 2014


« Est-il besoin de préciser que le point névralgique de ce mécontentement, j’allais dire son point fort, est qu’il exclu de lui-même et d’emblée toute idée d’apaisement. Il n’y a pas d’ « arrangement avec l’Impossible », pour reprendre un mot de Cioran »

A part ce que j’ai dit à Bertrand et à Jeanne, pour les scènes mondaines, soignez bien les sorties et les entrées, on est dans le royaume de Dieu, dans le château des âmes et des esprits des catacombes et des pyramides, des villes englouties et des Pompéi recouvertes — ou des grottes. On n’est pas dans un théâtre avec des sorties coulisses pour se changer et revenir comme une fleur. Ça, ça craint. Faites en sorte de jouer ces sorties et ces entrées d’une manière très, très fine, très soigneuse, ce sont des âmes ou des fragments d’âmes qui se détachent du groupe, qui restent et qui se détachent à la fois, comme si, peut-être, votre corps restait (à écouter Damien, par ex) et votre âme s’échappait. Quand vous revenez aussi, il faut qu’il y ait eu un voyage, un énorme voyage… Cette note concerne Ambroise, Soleïma, Simon (à qui j’en ai déjà parlé) et Perle (qui est la seule à avoir bien joué, hier, ce que je demandais). Jeanne, j’y pense, ne bouge pas la tête quand Simon arrive, c’est pas assez mystérieux, on comprend pas pourquoi tu ne te retournes pas avant si tu as l’air si « aware ». Non, en fait, tu ne sais pas ce qu’il t’arrive, ton destin, tu ne le décides en rien, tu ne sais pas, tu as la disponibilité d’une bête devant son destin (il faut) ou encore — pour reprendre Arthur Rimbaud — : « Rires des enfants, discrétion des esclaves, austérité des vierges » et le temps : massif et immense, celui dont on ne sait rien, notre seul dieu ; il passe et nous l’attendons. Sur l’attente, Marguerite Duras : « L’attente est un absolu de l’individu. Tout le monde attend. Et on attend rien. On attend que passe le temps. C’est complètement positif, ça. Que passe le temps avec ce qui l’amène. C’est-à-dire on attend l’inconnu du temps, donc l’inconnu de soi. Quand vous avez envie d’écrire, à votre âge, à 16 ans, quand vous avez envie de pénétrer dans le monde de l’écriture — et non pas dans le monde de la littérature (c’est très juste, cette différence) —, ce n’est pas pour dire certaines choses. De même que, quand vous « attendez le temps », ce n’est pas pour « vivre » certaines choses. Rien n’est à la hauteur de l’attente. Rien au monde. Même l’attente d’une personne âgée, simple… Quand vous attendez d’écrire, quand vous espérez écrire, vous espérez rentrer dans le monde de l’écrit. C’est comme si on espérait parler et qu’on ne sache pas parler. Qu’on espère lire. C’est une dimension aussi importante, aussi capitale. Et la chose rare, évidemment, c’est qu’on y réussisse. C’est-à-dire qu’on réussisse à rentrer exactement dans l’écriture de tout le monde et pas dans l’écriture de soi. Seulement, contradictoirement, c’est à partir de soi-même, à travers cette particularité de soi qu’on touche le général. C’est en écrivant ma vie, en parlant de mon enfance, de ma mère que je suis au plus général de moi. C’est ça, l’écriture. »
A ce soir, ¼ avant 8h pour « se relier », oui. A l’heure ! Sans panique, please…
Voici un message de qq’un qui a vraiment été touché (je souligne ce qui, moi, me touche le plus) :
« C'était vraiment comme porté par des bras bienveillants pour être mis en face de choses merveilleuses et cruelles. J'en suis encore extrêmement ému. Et ce chanteur nu contre la porte ouverte qui d'un coup ressemble à un Rodin et cette manière de laisser le public seul parfois... Non, vraiment, c'est puissant et indescriptible à moins de se mettre réellement à écrire ! »

Pensez au public.

Ce soir, notre cœur saignera rouge...
Dernière, ce soir, samedi 12, de 1er AVRIL, aux Bouffes du Nord.
Merci à l'infinité des retours et à la démultiplication des pains (et des poissons !) opéré par le public qui se charge soudain (c'est ce que j'espérais) de créer le spectacle à notre place. On aurait pu, comme ça, tous ensemble, créer un vaste mouvement, une nouvelle religion (du rien), mais on s'en va déjà car la vie passe vite... Encore ce soir à partager la porosité de nos âmes, les embrasements de feu, de glace, les états de la matière, l'inconnu... cœur à cœur avec vous ! Merci ! (Et, comme disait Marguerite Duras : « pour une fois que nous ne sommes pas morts... »)

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