Chers amis,
Demain, samedi 5, il faut
qu'on se parle et que je puisse vous donner des notes précises, souvent que
j'ai depuis plusieurs jours, mais que je n'ai jamais l'espace de placer. Il
faut de la concentration, ne serait-ce que 3/4 d'heure pour les entendre. Y
a-t-il une alliance possible entre la lucidité et la joie ?, c'est le thème de ce spectacle, et particulièrement
pour cette scène plus fragile que les autres et qui donc peut paraître plus
faible. Cette scène pour laquelle il faut être à la fois lucide (ne pas se
voiler la face) et joyeux (dans la plénitude). J'essayerai d'appeler les gens
un par un (ceux qui ont des notes) dans la journée, mais, le soir, il faut
vraiment — et à défaut de pouvoir répéter — qu'on se consigne. Ce serait
dommage de laisser une brèche pour la critique. Je suis orgueilleux : j'ai
voulu qu'il y ait une scène de groupe bien que je la sache impossible. Mais,
voilà, la solution est dite dans le texte que je raconte, il faut laisser les
choses dans leur impossible — « pas d'arrangement avec
l'impossible », dit Cioran — et faire face à cet état des choses : y
a-t-il une alliance possible entre la lucidité et la joie ? (« Le gai
désespoir », disait Duras.)
La difficulté, c'est de ne
pas faire de raccord, évidemment. Sans doute mardi faudra-t-il en faire si on
ne trouve pas de solution « théorique » applicable demain...
De manière générale, il
faut jouer beaucoup plus
l'aristocratie, les fantômes de l'aristocratie, l'Italie, le passé toujours
plus fabuleux, les personnages bourrés de fric (c'est-à-dire : exactement le
contraire de ce que vous êtes). L'argent, la folie de l'argent, les héritiers,
les gens qui ne font rien et qui, ne faisant rien, voient leur fortune se
démultiplier. Et puis la mort, Visconti, et puis une extrême concentration
d'être à la fois vivants et morts, comme dans La Chevauchée sur le lac de
Constance, comme dans Le Temps et
la Chambre, comme dans un spectacle
du théâtre du Radeau, Choral, par
ex, comme dans Dostoïevski par ex. Je vais dormir et la nuit me portera conseil
(j'en suis sûr). Je trouverai des choses pour vous aider (à briller comme des
fantômes phosphorescents de chair et de sang que vous êtes). Mais je ne peux
pas tout. Aide-toi, le ciel t'aidera. Aime ton prochain comme toi-même,
c'est-à-dire comme toi-même tu dois t'aimer. Vous pouvez vous amuser à jouer dans cette scène.
Quand vous le faites, c'est beau. Il y faut de la détente. Et plus vous jouerez
bien, plus vous disparaîtrez. Un comédien (tout le monde le dit), aime sans
doute plus disparaître (derrière le rôle) qu'apparaître. C'est plutôt pour
disparaître qu'on joue. Vos rôles, vos fantômes ne sont pas loin, ils sont là.
Aimez-les. Servez-les. Avec confiance.
Ah, encore une chose : il y
a quelques Français dans cette scène (Louis, par ex, clairement français), mais
ce n'est pas la majorité, c'est jet set, c'est cosmopolite, c'est italien...
Venez à 18h30, ce groupe,
pour qu'on se parle de 18h45 à 19h30. Ça vaut le coup. Il s'agit de votre
splendeur.
Encore une fois, j'aurai
sans doute une idée dans la nuit...
Bises, love,
YN
Labels: bouffes, correspondance
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