Thursday, January 01, 2015

M arie Collin, Aurélia Dury


Merci !
Merci à chacune d'entre vous, Marie, Aurélia, de m’avoir accompagné dans ce projet réalisé — je ne dirai pas qu’il ait été sans embuches ni chausse-trappes, mais, enfin, qui me donnera encore beaucoup de joie ! Pour cette joie qui est une profonde sensation d’exister, vous avez chacune une place réservée dans mon cœur, réservée et définitive.
Avec la force que m’a donnée Charles Baudelaire, je me sens plus prêt à affronter le monde (je veux dire à le comprendre). Ce sont des mantras, la plupart des choses, et la manière que j’ai eu de les faire résonner a été de les considérer, ces vers, ces choix de mots et d’applications comme des mantras… Le monde est de plus en plus simple si l’on considère qu’il est le même qu’a connu Baudelaire, mais c’est aussi pour ça que Baudelaire est si complexe. Hier, la représentation a été très belle. Une dernière parfaite. On se demande alors pourquoi on n’a pas fait ça à la première. Si la dernière avait été la première, on aurait eu un triomphe. Mais nous abordions la première — tous — plein de doutes. Et ces doutes nous ont empoisonnés. Et, cela, malgré les trois avant-premières (il en faudrait plus). Noyer la première dans un flot d’avant-premières. Ça devrait être possible. J’ai bien réussi cette année à noyer mon anniversaire par le fait que c’était le même jour que cette première, très peu de gens s’en sont aperçus (ça m’a fait des vacances). C’est un spectacle où je dis des choses capitales ; par exemple, cette chose : « Moi, je veux travailler sans argent et sans violence ». J’étais mon propre témoin dans ce spectacle. Je reçois à l’instant ce témoignage (de Monica Espina) : « Bonjour Yves-Noël, je viens vous remercier du moment de pur bonheur que vous nous avez offert hier. Je suis partie vite après parce que j'étais très bouleversée. Comme quand on se réveille d'un rêve intense et que la réalité menace de nous faire perdre l'émotion qui persiste. Le français n'est pas ma langue maternelle. Je garde encore en moi des « zones » où il se glisse avec beauté, mais il ne m'y attrape pas. Je ne parle pas de « sens », mais des échos intimes qu'une langue d'enfance éveille en nous. Pourtant, hier, comme par magie, vos mots produisaient des petits courts-circuits qui réanimaient ces lieux endormis. J'ai vécu un vrai voyage, sensible et généreux. Ceci n'est que mon expérience. Mais j'ai observé que le public sortait aussi transformé, comme « lavé » de l'intérieur. J'ai vu des visages étincelants ; des très jeunes personnes — dont ma fille — les yeux brillants et les traits apaisés. Peut-être que, dans cette obscurité habitée, chacun a trouvé sa propre lumière ». C’est exactement pour ce genre d’« avènement » que je fais ce métier : redistribuer ce qui existe en chacun, enfoui, déjà là. C’est un spectacle important pour moi car un de ceux où l’action du public a été la plus décisive, peut-être celui où elle l’a été le plus. Le public écoute : le spectacle existe ; il n’écoute pas : il n’y a rien. Je crois que c’est exactement la définition de la beauté. Il n’y a rien ou bien il y a quelque chose. Ainsi comme l’inventait (d’instinct) Isabelle Barbéris pour le programme (alors que le spectacle n’était que dans les limbes) : « Indistinct, indiscret (mais secret), indifférent, incommensurable et irrécupérable sont les dimensions du spectacle auxquelles nous ne donnerons pas accès afin de ne pas le rendre a priori éternel. No secret of fabrication ». J’aime être spectateur de mes spectacles, vous le savez, en y participant en tant que metteur en scène, et Dominique Uber me l’a appris hier : jouer ou regarder un de mes spectacles, pour elle, a-t-elle constaté, est la même sensation. Ça m’a touché et ça m’a rappelé cette phrase de Marguerite Duras : « Lire et écrire, c’est pareil ; maintenant, on le sait ».
Tout à vous,
meilleurs vœux,

Yves-Noël 

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