« Il n'est guère
intéressant, par exemple, de raconter dans une longue nouvelle comment j'ai
manqué ma vie en moisissant moralement dans un coin, faute d'un milieu
approprié, déshabitué que j'étais de la réalité dans mon souterrain, et plein
d'une animosité vigilante. Dans un roman, il faut un héros, mais ici on a
rassemblé exprès tous les traits d'un antihéros ; et surtout, tout cela
produira une impression déplorable, car nous sommes tous déshabitués de la vie,
nous boitons tous, plus ou moins. Nous en sommes déshabitués à un tel point que
nous éprouvons parfois une sorte de dégoût pour la « vie vivante »,
réelle, et c'est pourquoi il nous est insupportable qu'on nous la rappelle. Nous
en sommes venus à considérer « la vie vivante » comme un labeur,
presque comme une fonction, et nous estimons tous in petto qu'il vaut mieux
vivre d'après un livre. Et pourquoi nous agitons-nous, pourquoi faisons-nous
des folies, que demandons-nous ? Nous n'en savons rien nous-mêmes. Si nos folles
demandes étaient exaucées, nous en pâtirions. »
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