Wednesday, November 11, 2015

J e cherche un homme


J’ai compris pourquoi le spectateur était tellement une espèce en voie de disparition (il va disparaître avec le réchauffement climatique). C’est parce que la société de consommation (La Société du Spectacle) lui propose maintenant de tout faire lui-même. Ça flatte son narcissisme. Quand je me suis arrêté près du canal hier à Sol Sémilla pour manger une assiette de crudités bio (ouverture des commerces le dimanche), à côté de moi sur la longue table commune, il y avait un duo de jeunes hommes dont l’un expliquait qu’il pouvait grâce à un logiciel faire tout un orchestre… Eh bien, c’est très bien, finalement, tout le monde écrit, tout le monde fait des photos, tout le monde filme, tout le monde compose de la musique, des partitions d’orchestre, des opéras... j’imagine qu’on peut aussi dessiner ou faire de la poterie… Et, ça, ça l'occupe, le spectateur, ça l'occupe ! C’est pour ça que personne n’a jamais le temps. Je crois faire mon malin en disant que je suis occupé tout cet automne au Point du jour, mais tout le monde est dans ce cas, tout le monde CREE. Alors, bien entendu, il y a un philosophe qui résonne (dans ce vide), qui a toujours résonné, mais qui résonne, là (dans ce vide), c’est Pascal. Le texte sur les divertissements. Avec cette phrase terrible : « Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Phrase à laquelle faisait écho Marguerite Duras quand elle disait : « Je fais des films pour occuper mon temps. Si j’avais la force de ne rien faire, je ne ferais rien. » Ce que je propose, moi, c’est un spectateur qui aurait la force de ne rien faire. C’est pour cette expérience (la rêverie de cette expérience) que je propose à quelques personnes de se réunir (comme on faisait dans le temps) dans un théâtre, dans le temple d’un théâtre, dans la chambre du temple d’un théâtre. A propos de temple, Valérie Lemercier que j’ai vue hier soir dans le splendide théâtre du Châtelet, immense comme une gare (bon, j’étais placé près de la climatisation glacée) a trouvé le truc : elle ne filme pas — jamais — ses spectacles. On la voit partout, à la télé, au cinéma, mais, pour voir ses spectacles, il faut se déplacer. Ce qu’elle y fait n’a lieu que sur scène et dans la salle d’une salle de théâtre, dans le temps de cerveau disponible de ceux qui sont là. Elle a un public de snobs. Des dizaines et des dizaines de milliers de snobs, oui, mais de snobs. C’est ce dont je suis convaincu : seul les snobs peuvent encore aller au théâtre. Les autres, le grand public, l’immense majorité des suiveurs, les moutons de Panurge, ils sont occupés à CREER. Ils sont bien bien occupés à faire leurs concerts, leurs films, leurs expos-miroirs et, moi-même, je perds beaucoup de temps à écrire sur ce blog. Le capitalisme agressif et grandissant nous boira jusqu’à la dernière goutte de sang avant que les robots nous exploitent à mort comme de la graisse.




PS : Aussi, comment la publicité propose aux femmes de se maquiller comme à la scène. Ça se voit souvent dans la rue des maquillages de scène...

Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home