Monday, October 01, 2018

B aisse d'intensivité de la diffusion des apparences


Suicide : non, je te l’interdis ! 
Tu connais le mot de Cioran, on me l’a cité il y a quelques jours : «  Pourquoi nous retirer et abandonner la partie, quand il nous reste tant d'êtres à décevoir ? » Il est vrai que tu n’es pas parti pour décevoir les autres, toi…
Lâche aussi, je te l’interdis ! Ça n’existe pas en temps de paix. Il n’y a qu’en temps de guerre, dit-on, qu’on peut s’en apercevoir et on ne le sait pas d’avance (si l'on est un salaud ou un héros). Ne pas te juger.
Oui, Nerval, c’est sublime. Qu’est-ce que j’ai lu l’autre jour ? Ah, je ne retrouve plus. Ça devait être une citation dans le dictionnaire, mais je ne sais plus de quel mot… Pourtant je vois la phrase… aux allures de papillon, de tissu froissé...
Sinon autre argument. Il y a quelques jours, un ami qui trouvait sans doute que j’avais écrit un texte un peu désespéré pour présenter mon spectacle de Marseille (que tu n’as peut-être pas reçu *, la moitié de mes envois passe à la trappe) m’a envoyé une phrase de Thoreau (tu sais, celui qui vit dans les bois) : « Ne pleure pas mon enfant car où donc celui qui te désignera la partie restée inachevée de ton œuvre ? »
Viens faire du piano à Lausanne ! J’y donne un spectacle de quatre heures sur Baudelaire et Racine, c’est fin octobre-début novembre, on pourrait bien rajouter une demi-heure (au point où on en est) pour que tu joues ! faire de ta musique inouïe au milieu d’un art poétique et lumineux extrême (Baudelaire se donne dans le noir total et Phèdre sous un ciel baroque…) 
Je suis content d’avoir de tes nouvelles, même si elles marquent une inquiétude. Je vais bien. Je travaille. Je m’étonne du monde (qui me saoule à Paris où je n’ai pas assez de protection). C’est mal barré (encore une raison de ne pas se tuer aujourd’hui : ce sera pire demain).
Je t’embrasse, 
Yvno

* Marseille, ville de province extrême, recèle dans les tranchées de ses rues, en arrière-saison, le festival le plus branché de France. J’y passe cette année en coup de vent, j’y accours, pour m’y livrer à un exercice difficile : faire connaître un jeune auteur, Théo Casciani, vingt-deux ans, dont le premier roman, Pourpre, va être publié. C’est difficile pourquoi ? car tout ce qui est (vraiment) nouveau est inconnu, ne ressemble à rien — c’est même à ça qu’on le reconnaît vraiment, le nouveau — et il me faut garder ce « venin parvenu » (dit Racine) dans l’état d’empoisonnement pur. Et proposer cette expérience au public : ne rien savoir, ne rien reconnaître, ne rien entendre, rien. L’écrit contre l’écran. 
Car, à la fin, la littérature gagne car elle traverse la question

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