Friday, November 22, 2019

E t Dieu créa une note d'intention


Hey, salut, Raphaëlle ! Oui, ça me va de relire le choix que tu as fait ! Vous pouvez donc le garder, si vous voulez… J’ai corrigé un peu, parfois une virgule ou un tiret, j’ai mis, ci-dessous, en rouge les corrections, j’ai mis un x quand il y a une suppression et j’ai rajouté pour chaque paragraphe des guillemets et trois points entre pour montrer qu’il s’agit d’extraits. Il y a peut-être (sans doute) des coquilles que je n’ai pas aperçues. Si tu en voies, n’hésite pas, pas de quartiers !
A bientôt, 
Yves-No
Salue Joëlle pour moi ! 



« Chers amis, 

Voici un email beaucoup trop long pour nos capacités de concentration : donc il est conseillé de le lire par petits bouts — ou de n’en lire qu’un bout — ou, mieux, de ne pas le lire du tout ! Il est bien sûr écrit plus pour me mettre, moi, les idées au clair — bien que le résultat soit sans doute que j’enfume au contraire le peu d’idées que je croyais avoir. Bref, je ne le donnerai pas pour la publication ! »  


« Maintenant vient un temps de rêverie sur ce que nous allons bien pouvoir faire ensemble sans encore le faire. Je vous engage à beaucoup rêver de multiples spectacles possibles (voire invraisemblables) ;
Il faut inventer tout un projet. Le projet serait d’abord d’inventer un projet ou une multitude de projets pour ne choisir peut-être aucun de ceux-là, mais celui qui passera, pas forcément différent, mais vierge et vivace et bel aujourd’hui. Presque choisir au hasard (ou peut-être tout à fait laisser choisir le hasard). Il faudra aussi trouver un titre, à un moment. J’en ai déjà plusieurs. Et on en trouvera plein.
Mais la méthode (bien datée) que je propose (rêver de TOUS les spectacles) n’est pas gravée dans le marbre (mais l’habitude) ; elle pourrait, elle aussi, changer. » 


«  De toute façon, ma méthode (et, encore une fois, ça ne concerne que moi), c’est — j’en ai déjà parlé (et voilà encore une bonne raison de ne pas lire ce mail ni les suivants (s’il y en avait) : je répète tout en boucle ; vous devez commencer à me connaître !) —, la méthode ce n’est pas de poser des idées pour trouver ce qu’on va faire, mais au contraire pour ne pas trouver ce qu’on va faire, pour évacuer. Imaginez l’idéal : on aurait posé sur le papier toutes les idées,  toutes les possibilités de France et de Navarre, on aurait tout dit, et donc, comme c’est pour ne pas faire les choses qu’on les dit... — vous avez saisi ? Avoir alors à jouer à partir de rien, à partir d’une table rase, tout a été évacué, une somptueuse maladie d’Alzheimer (je n’en suis pas loin). L’idéal. Mais même ça est chiqué. »  


«  Et puis il y a Tchekhov. 
Ce qui est extrêmement difficile avec Tchekhov, c’est que c’est réel, affreusement réel. 
Tchekhov disait : « Il serait temps que les gens qui écrivent, en particulier les artistes, reconnaissent qu’en ce monde on n’y entend goutte ». C’est très important. Je souligne : en particulier les artistes. Et dans Les trois sœurs : « Les oiseaux migrateurs, les grues, par exemple, ils volent, ils volent, et quelles que soient les pensées, nobles ou pas, qui leur passent par la tête, ils continueront de voler, sans savoir ni pourquoi ni vers quoi ». C’est ça, le réel, on ne sait pas ce que c’est, mais c’est insaisissable, incompréhensible, ça surprend toujours et, nous autres, les humains, nous lui préférons le refuge de l’illusion. « Le réel n’a jamais intéressé personne », a dit Jean Baudrillard. Mais vous avez commencé à comprendre que c’est ce réel, qui, moi, m’intéresse — et vous-mêmes que j’entraîne avec moi. Pas les illusions (et Dieu sait si j’aime le show-biz et les paillettes !) (et aussi les fantômes !) C’est le tragique, en fait, mais au sens où Maeterlinck écrit que le véritable tragique, pour lui, commence au moment où, à la fin des contes, s’inscrit la phrase célèbre : « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Après que tous les combats possibles aient été menés, illusoires car circonscrits, là où il n’y a plus de combats possibles, être heureux face au réel, c’est pour lui le véritable tragique. La devise de Clément Rosset, je la lis dans un livre d’entretiens que je viens d’acheter : « Rassurons-nous, tout va mal ». Variante — qui résonne avec l’époque (x en fait, toutes les époques) — : « Tout est foutu, soyons joyeux ». 

C’est évidemment le grand conseil : se foutre de tout. Je vous ai raconté, déjà, ce que disait Marguerite Duras à Yann, son copain pas du tout acteur x qu’elle filmait amoureusement et qui avait x peur x tout à fait comme un lapin pris dans les phares d’une bagnole. On l’entend crier, Duras, dans le making-off : « Mais Yann, il faut que vous vous en foutiez ! Vous croyiez qu’ils s’en foutent pas, les grands acteurs ? Ils s’en foutent ! C’est ça, le secret ! Il faut s’en foutre ! Vous croyez que je m’en fous pas, moi, mais je m’en fous ! » 
Vous le savez déjà, le théâtre est immense et mérite une passion x, mais aussi s’en foutre.

Ecrivez vos rêves pour les effacer. Faulkner dit : « Ecrire, c’est épuiser un rêve ». La scène sera cet épuisement. Aucune attitude de sérieux. Le sérieux vient comme le trac avec le talent

Vous avez toute ma confiance, 

Yves Noël » 

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1 Comments:

Blogger Karl Shift said...

Je pense que vous devez également consulter ce site https://solitaire247.fr pour passer du temps à jouer au solitaire

8:53 AM  

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