Saturday, March 11, 2023

U ne sorte de sculpture sociale


Socio-éducatifs, c’est-à-dire des projets avec des amateurs... Les plus forts sont ceux avec Emilie (les handicapés) et Sur le Carreau pendant deux ans — qui s’est décliné en septembre dernier dans un autre projet ouvert à tous, celui avec la sculpture d’Elisabeth Saint-Jalmes, L’Abri-trou. Auparavant, il y a eu le dernier travail que j’ai donné à l’Arsenic, à Lausanne, qui s’appelait : C’est le silence qui répond. C’est un spectacle qui s’est donné pendant une semaine avec une troupe variable d’amateurs (certains ne venaient qu’un soir, d’autres, accro, arrivaient à se libérer pour presque la totalité des interventions. Que des guests. Et tout le monde du public pouvait participer. Il suffisait d’avoir pu dégager avant la représentation où l’on venait au moins une séance de répétition. Au début, j’ai pensé qu’il n’y aurait que des participants, que, pour voir le spectacle, il fallait y participer (venir à une répétition), mais on m’a fait remarquer au théâtre que beaucoup de gens venaient au dernier moment et que beaucoup de gens ne voulaient pas non plus « participer » autrement qu’en regardant. Bien sûr nous allions à la recherche d’un mélange de gens qui nous intéressait (une sorte de casting sauvage des métiers et des manières de voir le monde les plus divers possible). C’était dans une installation lumineuse extrêmement forte et belle qui unifiait la splendeur. 




C’est un spectacle raté. Il n’y a rien à « voir ». Pas d’interprètes, pas d’intelligence organisatrice, seulement vous — qui débarquez — et l’espace vide de la lumière en mouvement perpétuel. « Nous sommes de la même nature que les montagnes », nous le savons. Comment voir ce qui est ? Beauté absolue, ce qui est. C’est donc une cérémonie, une célébration, ou peut-être, exactement le contraire, un temps de « suspension » des cérémonies. Venez comme vous êtes ou venez à votre meilleur, fancy dress, costume, smoking, etc. — ou sans rien sur vous aussi bien — ou le costume de votre métier. Un vestiaire sera à votre disposition. Venez avec un objet qui vous est cher, venez avec un animal qui vous est cher, avec une plante qui vous est chère si elle veut bien faire le voyage. Obtenez votre propre consentement et celui de vos proches. Aimez les autres comme vous-mêmes. C’est une arche de Noé, c’est un refuge dans la vie ou encore ce sont des « vacances dans la réalité ». Il ne se passe rien ou tellement de choses, comme le définit Georges Pérec (‘Tentative d’épuisement d’un lieu parisien’) : « Ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages ». C’est un spectacle raté, donc extraordinaire. C’est laissé dans «l’état de l’apparition» (Marguerite Duras, ‘Emily L’) avec les défauts, les scories, l’état brut de l’Art Brut, noyé dans la vie. Que voulez-vous, l’art a toujours voulu rendre la vie plus intéressante que l’art, c’est son hubris. L’Arsenic me laisse rêver. C’est rare. Venez rêvez avec moi. Vous rêvez, vous êtes, comme toutes les nuits, en train d’écrire le rêve, en train de jouer le rêve, en train de regarder le rêve, en train d’être le théâtre du rêve. Venez participer à ce spectacle d’ÉCRITURE DANS LA NUIT.

Yves-Noël Genod


Bien à toi, 

Yves-Noël

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