P ostface ?
Barbara disait : « J’ai pas de passé, j’ai pas de futur. Je n’ai que l’instant présent, très fort, violemment. Je crois qu’il faut pouvoir et savoir refaire sa vie à chaque matin. C’est très important. Il faut savoir aussi refaire l’amour à chaque matin, je veux dire par là : se reconquérir. Je ne connais pas de joie plus grande que celle de se donner, de se sacrifier, de se dépouiller pour ceux que l’on aime ou pour ceux que l’on ne connaît pas. Je pense que tout est amour. Enfin, ma religion, c’est l’amour ! » En déplaçant la difficulté de ce métier à l’essentiel, la vie, recommencer sa vie, Raphaëlle Rousseau — que je rencontre à l’école du TNB — dégageait l’espace de l’exactitude, de la trouvaille, de la non-retouche. Juste la robe qui convient, la fluidité. « Le personnage, on le voit arriver vers soi », disait Delphine Seyrig. Quand Raphaëlle s'est emparée de Delphine, j'ai eu l’impression que mon idole, plusieurs idoles, toutes les idoles de mon enfance pouvaient se re-matérialiser dans une nouvelle génération, traversaient les époques. Spectacle-étalon, si vous voulez, que cette Discussion avec DS. Le traitement d’amour que Raphaëlle fait subir à Delphine peut s’imaginer aussi pour d’autres. Les ombres agissent encore. J’ai été élevé par nombre de femmes qui se sont inventées, qui ont été pour moi des modèles, des mères de substitution. Femmes de lettres (comme on disait à l’époque) (Duras, Sarraute…) ou actrices (Renaud, Moreau…) On doit parfois s’inventer son matriarcat. Raphaëlle avait choisi le titre de ce premier spectacle que nous avons fait ensemble, à l’école du TNB. J’avais proposé une série de titres plus ou moins en rapport avec la nouvelle de Tchekhov dont nous nous inspirions (celle-ci s’appelle ‘Au royaume des femmes’) et Raphaëlle avait trouvé que J’ai menti était un bon titre. Aucun rapport apparent. Mais « J’ai menti » — je ne suis pas sûr d’y avoir pensé sur le moment —, c’est le paradoxe du menteur et celui du comédien. Le menteur qui dit : « J’ai menti » ment-il ? À quel moment peut-on croire une actrice qui joue ? Delphine Seyrig qui a interprété Se trouver, de Pirandello, sous la direction de Claude Régy, savait répondre à cette question : « Et rien n’est vrai… Ce qui est vrai, c’est seulement qu’il faut se créer, créer ! Et c’est alors seulement qu’on se trouve ». A une question sur son talent, Barbara avait répondu : « Qu’est-ce que c’est que le talent ? Est-ce que ce n’est pas entrer en scène et sourire ? » (Vous savez tous les secrets…)
Yves-Noël Genod
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