Wednesday, October 11, 2023

G lissant, Dante


Vous ne pouvez pas savoir ce que vos enthousiasmes, vos neuves puissances, vos disponibilités m’ont apporté... (tu peux le dire aux autres) et, en effet, c’est qqch qui, pour moi aussi, n’a pas de fin… Je regardais le bout de vidéo qui circule sur IG où Nan Goldin conseille (mais si tristement) aux jeunes de quitter les téléphones. D’une certaine manière, vous, vous êtes sauvés… Merci beaucoup pour tes mots. J’aime beaucoup Edouard Glissant que je ne connais pas assez, mais je cite souvent son concept du « Toutmonde » (tel que je l’ai compris) : le jour où tout — tout — sera lié, relié. Ce qui ne veut pas dire que les frontières disparaîtront, on veut les frontières, on veut le froid et le chaud, on veut le rouge et le vert (etc.), on veut les différences de sensations, de perceptions, mais on veut traverser les frontières, toutes les frontières, passer d’un état à un autre sans interdit… (Mais il faudrait justement que je révise comment il en parle, lui…)

C’était génial de réinventer le théâtre avec vous — et Shakespeare. On peut réinventer Shakespeare, c’est ça qu’il a été merveilleux de comprendre. On peut le remettre à disposition dans sa vie-même.
Emma Dante, faudrait vraiment que j’y aille, depuis le temps que j’en entends parler… Son nom me fait un peu peur. Comme si elle s’appelait Shakespeare. C’est incroyable, ce nom !
C’est beau, ce que tu dis sur le dévoilement et la perte. C’est toute l’astuce (qui vient de Régy, pour moi) : la perte fait partie du pays ; se perdre fait partie du plaisir ; on ne peut pas simplement « réussir », il faut aussi « perdre » ; on ne peut pas seulement être vivant, mais il faut aussi être mort ; pas seulement diurne, mais nocturne (Proust dit qu’on est des êtres « amphibies » parce qu’on vit à la fois le jour et la nuit) ; poétiquement, c’est plus fort. On traverse des frontières. Le théâtre est une question de seuils constamment traversés ; le théâtre, m’avait dit une fois Régy, c’est « le passage d’un instant à l’autre » ; plaisir de la migration d’un instant à l’autre. Il y a ce texte très agréable à lire de Virginia Woolf, Orlando, très enthousiaste, plein d’élan vital, où le héros change de genre plusieurs fois à travers les âges (je crois me souvenir que ça commence à l’époque de Shakespeare, justement, jusqu’à l’époque contemporaine de Virginia…) 

A bientôt, 

Yves-Noël

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