Saturday, June 18, 2011

Compte-rendu de stage

On me demande un compte-rendu de stage. Je l'écris volontiers. Quinze lignes. Mais je sais ce qu'il va se passer, ça me revient en le faisant. Il va se passer comme l'année dernière qu'on va me dire (gentiment) : c'est très beau, mais, pour l'Afdass, ça ne conviendra pas (ils n'y comprendront rien) : ça ne te gêne pas qu'on le réécrive ? Non, ou, oui, ça me gênerait, mais, pour l'Afdass, non, ça ne me gêne pas, faites au mieux, ce qui vous arrange et surtout ce qui les arrange, eux. Ne pas les déranger. Ils veulent du jargon. Sérieux.






La reconduction du stage « Jouer Dieu » (déjà formulé l’an dernier), à Pontempeyrat, n’a pas, bien sûr, donné lieu à la répétition du même. Cette année, aucune « forme » n’a été créée. Aucune présentation publique n’a semblé nécessaire. En revanche, a été exploré une sorte de décadrage, d’approfondissement de l’informe, comme un « stage en pays réel ». Une vision plus « cinéma », si on veut, pour se rapprocher de la vie même ou de l’écoulement du fleuve (comme en parlent, en ces termes, Nietzsche, Renoir, le peintre ou Renoir, le cinéaste). Si le théâtre est laboratoire, le théâtre peut aussi, bien sûr, être ambulant. Nous avons joué dans un théâtre de plein air construit sur le lac d’une ancienne carrière d’orgues basaltiques (volcan du Montpeloux), dans l’église claire d’un village haut perché du Forez (Montarcher), au bistrot (intitulé Liberté) d’un gros bourg presque urbain, Saint-Bonnet-le-Château, dans la prairie d’une rivière (pour Flaubert, Madame Bovary, Büchner, Léonce et Léna, Botho Strauss, Le Temps et la Chambre), dans une pente déboisée, sur un chemin moyenâgeux du XIIème siècle conduisant du pont du Diable au village de Chalancon (pour Antigone, d’Hölderlin), etc. Finalement l’intérieur de la vaste salle de l’hostellerie de Pontempeyrat ne s’est imposé que pour la pièce La Chevauchée sur le lac de Constance, de Peter Handke. Dans tous les cas et de la manière la plus précise possible, nous avons favorisé non pas l’errance, mais, au contraire, la volatilité de l’art, l’art de la vie. Nous avons voulu recueillir plus grand que l’art, plus humble, nous avons voyagé même immobiles. Nous avons poursuivi autant que faire se peut l’aphorisme de Lie Tseu : « Le parfait voyageur ne sait où il va. » Au soir, ciné-club pour nous encourager dans nos retrouvailles. Kurosawa, Pasolini, Lynch, Herzog ou Blier.

Yves-Noël Genod

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