Friday, October 28, 2011

Les Quartiers taxigéniques




Je suis un homme d’affaire. Aujourd’hui, j’ai déjeuné avec des hommes d’affaires – & Kataline Patkaï – au Café Chic, 126, rue du Faubourg Saint-Honoré (un peu au-delà de l’Elysée). Je vais essayer de résumer la situation. Philippe d’abord avec Kataline. Je suis en retard. J’ai tourné en Vélib’ dans d’immenses quartiers inconnus, d’immenses quartiers des affaires. Je les trouve devant des tasses vides, silencieux. J’ai l’impression que la partie est finie, qu’ils ont fini de manger. Panique peut-être parce que je n’espère rien de ce rendez-vous qu’un repas gratuit (mais il n’y a pas de sot profit). Meuh non ! Ils ont commencé par prendre un pré-café, un café en apéro (est-ce la mode ?) (ou alors ils sortent du lit ?) (ensemble ?) Je brise peut-être le jeu de Kataline, la tactique. Dès que je suis là, j’ai l’impression de prendre le dessus. Mais j’ai tout le temps cette impression. Comme à la radio. J’ai l’impression de parler tout le temps, de ne pas laisser la place aux autres, mais, quand je réécoute, en fait, non, pas tant que ça. Après moi arrivera Hervé. Lui, je demanderai à Kataline après le repas s’il n’est pas homosexuel. « Bien sûr que oui ! » Bon, je le dis tout de suite comme ça, ça situe. Moi, je suis aux anges. Je mange trop. Je bois trop. Je suis prêt à tous les excès comme une petite Edith Piaf qu’on flanquerait au Ritz. Pour vous en donner l’impression, j’ai même failli prendre un steak de thon, ce que je ne fais jamais, parce que c’est en voie de disparition. Mais Hervé me rappelle que ce n’est pas seulement ça, c’est aussi que c’est plein de plomb. Mais Hervé est prêt à en prendre quand même dans la même apparente « Allez, on se lâche ! » – D’ailleurs, excusez cette interruption, si je puis me permettre, c’est l’expression « se lâcher » qui m’y fait penser… Je viens de la lire dans Saint-Simon & le sens n’a pratiquement pas bougé. C’est toujours étrange, des expressions d’argot qui ne bougent pas (dans des textes, par ailleurs, plein de désuétudes, bien entendu). C’est dans Singulière conversation avec Mme la duchesse d’Orléans chez moi. : « En un mot, nous nous lâchâmes ! » On nous met en note : « exhalâmes ». – Bon, revenons. Pas de steak de thon, quand même. Je ne sais plus ce que j’ai mangé. De toute façon, j’étais bourré. J’ai fini l’assiette de Kataline, je me souviens, une entrecôte. J’ai dit oui aux fraises Melba, mais j’ai soudain aperçu l’heure et que Jean-Paul Muel m’attendait à la Ménagerie de verre. Tout à fait un autre monde. L’est parisien. On a filé en râlant. Impossible de prendre un taxi. Les riches ont des numéros, mais les pauvres n’ont que la rue – & le métro… Comme les rêves s’effondrent vite ! François Chaignaud avait dit ça, l’autre soir, quand nous rentrions de la radio (dans un taxi prépayé) : « D’aller à la radio, ça fait voyager dans des quartiers très taxigéniques. »

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