Friday, November 02, 2012

La Vie est la farce à mener par tous



« Après trente ans de durcissement, le capitalisme est presque parvenu à aplatir le sens de l'art, à écraser sa bande passante. La signification verbale en littérature, notamment, s'aligne de plus en plus sur l'univocité autoritaire de la publicité. D'abord, avec le triomphe de l' « autofiction », la voix narrative a été rabattue sur la voix de l' « auteur », réduisant la fiction à une espèce de la téléréalité. Maintenant, l'écriture dominante, priée de fournir à chaque page des effets de réel frelatés, prend modèle sur les formes les plus putassières du reportage : l'exploitation des faits divers sensationnels. Est-ce un hasard si, depuis une dizaine d'années, la mode littéraire est à la bêtise, à l'éloge de l' « idiotie », de l' « inculte », etc. ? Le marché culturel ne demande pas mieux que d'avoir une clientèle de gogos, sans conscience historique ni pensée critique, pour écouler sa production insipide. Si la poésie en pâtit, c'est qu'elle a pour condition le déploiement du sens dans tout son spectre : sensations, connotations, réminiscences, associations sonores et imaginaires, synesthésies. Le malentendu est son élément, sa bravade, puisqu'elle parle « littéralement et dans tous les sens ». Cela, la communication mercantile ne le tolère guère — elle ne le conçoit même pas. »

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