Tuesday, August 27, 2013

L es Nuages de stockage



« Dans son Discours de la servitude volontaire, l’un des plus beaux textes et aussi l’un des plus dérangeants de la littérature française, Etienne de La Boétie explique : « Chose vraiment étonnante — et pourtant si commune qu’il faut plutôt en gémir que s’en ébahir — de voir un million d’hommes misérablement asservis, la tête sous le joug, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et pour ainsi dire ensorcelés. »

L’ami de Montaigne parlait des rois, mais cette analyse joue tout aussi bien pour les espionnés consentants du Net. Pas de luddisme dans ce propos. « Libération » revendique sa part raisonnable de geeks et de ronchons antiweb parmi ses journalistes. Mais ce flicage quotidien par les géants du Web et des réseaux sociaux que nous valent tablettes et surtout smartphones inquiète. Une filature permanente et volontaire de tous ses faits, gestes, déplacements, emplettes, désirs avoués ou inavoués. Tout s’envole dans les nuages de stockage de Californie, et quelques publicités bien ciblées pour des godemichets ou de la peinture acrylique rappellent à l’internaute des navigations qu’il croyait secrètes. Ce flicage peut paraître anodin, mais la police comme les DRH de toutes les entreprises du monde savent ce qu’elles peuvent collecter de ces empreintes numériques. Le récent scandale Snowden a révélé l’usage que les Etats font de ces données avec la complicité d’Apple, Facebook ou Google, qui ne sont pas si cool et libertaires que leur image bien construite veut le laisser croire. Ce qui devrait inciter les internautes de tous pays à se libérer de ces chaînes algorithmiques. S’ils le veulent et le peuvent encore. »

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