G olgota
Ds le hall du Théâtre du
Rond-Point, je regardais le « grand public » : pas en forme. Les
gens baillaient, se mouchaient — les peaux jaunâtres, terreuses — avachis sur
les maigres assises, les parcimonieux sofas mis à leur disposition. Ces gens
venaient au théâtre. Ces gens consommaient du théâtre comme ils consommaient
des médicaments, la mauvaise nourriture, les cadeaux, les vilains textiles, les
matières cancérigènes, les produits de toilettes, les autos, les machines à
laver, tout ce que vend la pub, les parfums, tout ce que vend la pub et les
mamans aux enfants, les bombons, les politiques, les teintures pour les
cheveux, les désodorisants. Mais dès qu’on pénètre ds la salle, l’atmosphère
est changée. Une église — il paraît qu’il y a des odeurs d’encens, ce que, moi,
je ne peux pas percevoir, mais il y a de la fumée, un rideau rouge, des bougies
électriques et un nain déguisé en curé (Pierre Estorges, sublime), une rumeur
aussi, un espace : l’imaginaire. Puissance et merveille. Si je
m’arrêtais-là d’écrire ? Je sais déjà que le spectacle va être très bon et
je voudrais en profiter. Allez-y, si vous avez les moyens de vous faire ce
cadeau ! Le nain pervers s’approche d’un gros monsieur et lui demande une
petite pièce à mettre dans le tronc des bougies. Vilain nain !
Alléluia ! noir total dans la grande salle du théâtre du Rond-Point pour
Bartabas : vous croyiez qu’il n’y avait plus d’espoir ? Scène immense et
miraculeuse… Indiquez-moi les choses inouïes à voir à Paris, invitez-moi à la
campagne, les musiques sublimes, les peintures de rêve, les poésies des animaux,
emmenez-moi au bordel… Un silence vrai dans cette salle du Rond-Point, un
silence, un noir. On nous dit qqch. On n’est pas au spectacle, on est en pleine
vie, en plein rêve. Jamais vu qqch d’aussi beau, à part, peut-être, 1er
Avril, allez. Paradoxe qui n'en est pas un : avec les chevaux, c’est toujours répété et c’est toujours la
première fois. Ils ont été obligés de créer une acoustique, il n’y en a pas,
c’est donc très sonorisé, très réverbéré, c’est ce que je serai obligé de faire, moi aussi, quand je reprendrai en
décembre le spectacle créé à Avignon ds cette salle parfaite de La Condition
des soies, mais je fais la fine bouche parce qu’on peut trouver de la beauté à
cette illusion. J’avais mis mon téléphone en mode avion, d’ailleurs personne ne
m’appelait plus.
Labels: paris
0 Comments:
Post a Comment
<< Home