M ême chez Baudelaire
« Autant dire que, si
je trouve insanes les critiques faites ici si fréquemment à Rousseau, tournant
autour de sa « terreur obsidionale » et de son arrogance, et tout
autant nombre de justifications
condescendantes avancées pour l'en absoudre, c'est qu'il faut comprendre pourquoi
Rousseau, tout au cours des Confessions, évolue logiquement d'un registre à l'autre : pourquoi il a besoin de ce
théâtral, de ce drapé dramatique, de cet exclamatif invocatoire ou de ce
grandiloquent larmoyant. C'est qu'il en a besoin pour protéger l'autre : le murmure de l'intimité. L'un est le paravent sous
lequel l'autre peut s'abriter. L'ampoulé permet le discret. Il faut verser dans
le plus déclamatoire de soi pour — à couvert — livrer le plus intime de soi. Il
faut toute cette théâtralité dépensée pour que, à l'écart, ou dans
l'interstice, en tension avec elle, à l'abri d'elle et de ce qu'elle accapare,
son contraire puisse faire également son chemin. Car c'est lui bien sûr le chemin.
En quoi Rousseau ouvre effectivement la voie au romantisme et à la modernité :
il faut de l'exclamatif et du déclamatoire — même chez Baudelaire — pour faire
sa place à leur opposé. »
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