Monday, July 14, 2014

M ême chez Baudelaire


« Autant dire que, si je trouve insanes les critiques faites ici si fréquemment à Rousseau, tournant autour de sa « terreur obsidionale » et de son arrogance, et tout autant nombre de justifications condescendantes avancées pour l'en absoudre, c'est qu'il faut comprendre pourquoi Rousseau, tout au cours des Confessions, évolue logiquement d'un registre à l'autre : pourquoi il a besoin de ce théâtral, de ce drapé dramatique, de cet exclamatif invocatoire ou de ce grandiloquent larmoyant. C'est qu'il en a besoin pour protéger l'autre : le murmure de l'intimité. L'un est le paravent sous lequel l'autre peut s'abriter. L'ampoulé permet le discret. Il faut verser dans le plus déclamatoire de soi pour — à couvert — livrer le plus intime de soi. Il faut toute cette théâtralité dépensée pour que, à l'écart, ou dans l'interstice, en tension avec elle, à l'abri d'elle et de ce qu'elle accapare, son contraire puisse faire également son chemin. Car c'est lui bien sûr le chemin. En quoi Rousseau ouvre effectivement la voie au romantisme et à la modernité : il faut de l'exclamatif et du déclamatoire — même chez Baudelaire — pour faire sa place à leur opposé. »

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