R ester vivant, livre d'or, 9
Jocelyn Cottencin
Cher Yveno,
désolé de ce mot tardif,
mais pas vraiment d'espace pour te faire ce petit mail hier soir.
Arasse dit : « On
n'y voit rien », on pourrait même dire : On n'y voit rien et on
n'entend rien non plus.
Comme cette maxime que
j'avais faite lors du Journal d'anticipation : une société qui prévoit tout mais ne voit
rien, un journal qui ne prévoit rien mais qui voit tout. Une époque d'amnésie
et surdité.
Alors, Restez vivant, c'est tout le contraire, un moment ou l'on retrouve
la vue et l'audition, dans ce tunnel qu'a été 2014 pour moi, c'est une belle
manière d'enterrer ces 12 mois.
Encore une fois, tu réussis
cette facétie de faire partager un moment que l'on croit totalement éphémère et
qui ne peut se répéter.
Alors, oui, durant 2h30,
j'ai entendu et vu les mille voix et mille visages que tu peux avoir. Je me
suis senti extralucide, à voir des choses sortir du noir velours de la nuit, à
me laisser vagabonder dans le flot des mots et des sons.
Même le chemin de lumière
pour faire sortir les potentiels voyageurs fatigués a pris durant
cette brèche une autre couleur. La salle était devenue une sorte d'animal
ou mammifère en apnée et les apparitions de ce chemin avait des allures de
respiration à la surface pour mieux replonger dans le noir.
Ce que l'on croit, c'est
que tu te déplaces, que tu viens nous dire au creux de l'oreille ces mots. Il y
a aussi une récurrence de convocation de forces contradictoires, c'est cela
que j'aime. Quand l'on croit être entrainé au fond de la noirceur, il y a
toujours une îlot qui émerge de dérision, quand le rire gagne, pointe alors un
écueil de désespoir. Nous sommes toujours sollicités pour ne pas rester
statiques à un endroit dans cette « carte de tendre » noire.
Et évidemment j'étais très
heureux de pouvoir être là durant l'intervention lumineuse de Madeleine.
Je t'embrasse, à bientôt,
Jocelyn
PS : j'étais content
aussi d'amener Noé voir cette pièce !
— Ah, jamais tardif ! au
contraire... C'est très beau, ce que tu dis, et précis... l'animal mammifère en
apnée, la carte du tendre noire... Merci de ta poésie vivante (équivalente à ta
vie) et à bientôt ! hâte ! pour de nouvelles aventures avec toi...
Yveno
Labels: rester vivant correspondance
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