Bonjour Florence, Mégane, David,
Oui, on s’est mal compris : j’avais déjà réduit le texte de l’an passé à un extrait. Je l’ai réduit encore un peu (et retouché aussi le premier). Regardez donc si ce qui est ci-dessous rentrerait mieux. Attention j’ai trouvé une grosse coquille (que j’ai corrigée en rose pour que vous la voyez aussi, mais, bien sûr, ne pas mettre cette couleur). Il y en a sans doute d’autres. J’ai rajouté la distribution professionnelle de l’an passé (je ne suis pas du tout sûr d’avoir tous les mêmes l’an prochain). J’aime bien la photo. Je suis un peu superstitieux, j’ai peur que les gens qui y sont n’y soient plus. Du coup (dans le cas où tout le texte tiendrait sur une seule page) ce serait peut-être mieux de remettre le dessin de Didier Paquignon, ça protègerait mieux (je suis là pour ça, protéger, c’est mon rôle et, d’autre part, je sais que, moi, je serai là). Mais la photo que vous avez choisie est une possibilité aussi. J’aime toujours le petit poème « Less is more », mais vous pouvez le faire sauter — ou le remplacer par celui de Roberto Juarroz que je vous mets aussi ci-dessous, pas à la même place bien sûr, mais dans le cas où tout le texte tiendrait sur la première page et que vous choisiriez la photo que vous me proposez, alors il resterait en dessous de cette photo un espace vide dans lequel pourrait s’insérer ce beau poème. De qui est cette photo, d’ailleurs ? (si on ne sait pas, mettre DR).
Voilà, remontrez-moi la mise en page dès que vous pouvez.
Bien à vous,
Yves-Noël
Le malheur du monde, c’est l’éparpillement des individualités, la perte de la communauté. Sous la menace venant d’ailleurs et de partout (le virus), une communauté s’est rassemblée. Dès le 19 septembre 2020, la première rencontre au Carreau du Temple, j’ai proposé : « Nous ne sommes pas du tout sûrs de nous revoir, alors considérez cette séance non comme une « répétition », mais comme une « représentation ». » C’est une méthode — elle vient de Klaus Michael Grüber — que j’utilise souvent, plus ou moins bien comprise, mais dans le contexte, ici, elle l’a été. C’est ce qui fait pour moi la merveille absolue de ce travail. Dès le 19 septembre, les amateurs ont donné une « représentation » dont j’ai été le seul pince-moi-je-rêve, le seul témoin. Dès la séance suivante, j’ai fait venir des amis (Dominique Issermann...) pour que d’autres que moi en témoignent.Toutes les activités locatives de la Halle ayant été suspendues, nous avons pu tout l’hiver « jouer » ce spectacle avec des participants amateurs rejoints peut à peu par des solistes professionnels. Ça s’est fait avec « presque » tout le monde. Une abolition de la frontière spectateurs/danseurs. Nous nous sommes arrêtés le 31 janvier où nous avons plus officiellement donné une représentation pour les « pros ». Saurons-nous faire écho, résonance, exactement un an après, à ce qu’il s’est passé de miraculeux ? Cette fleur du paradis sera-t-elle restée dans nos mémoires ou bien tout aura repris comme avant, la course vers le mur, la chute de la falaise, le suicide consumériste ?
Yves-Noël Genod
Extrait de la note d’intention de l’an passé :
« Ce spectacle hors de nos rêves, je voudrais qu’il naisse aussi de la grande Halle du Carreau du Temple, de la matrice de l’architecture à l’état vacant, disponible comme un poème. Il faudrait se donner le droit de se baigner dans le « sentiment océanique du monde » 1. Nous sommes des babouins, dit le philosophe 2. Il ne nous faut que le paradis. Quelque gazon de territoire. Il faut nous toucher, nous épouiller car on dit qu’à nous isoler nous perdons de notre intelligence. Il faudrait des danseurs capables de contaminer les foules : la virtuosité que je recherche est celle qui se mélange. Qu’est-ce qu’a dit le Président ? « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Eh bien, nous traverserons cette « gare » avec alacrité parce que nous pensons que personne n’est vraiment quelque chose ou si peu. Il y a une très belle phrase de Barbara. Dans une interview, on lui parle de son talent et elle s’exclame : « Mais qu’est-ce que c’est que le talent ? Est-ce que ce n’est pas entrer en scène et sourire ? » C’est l’aventure d’une promesse de reterritorialisation de la solitude déchirante. Poème du lieu. Je ne maîtriserai pas ce qui va se passer. Non-maîtrise de ce qui va se passer. C’est tout ce qu’on se souhaite profondément dans la vie, vivre le réel, l’experiment, plutôt que, par exemple, cette manipulation des réseaux dits sociaux. Babouins, nous n’avons pas dit le dernier mot. »
1 – Le sentiment océanique est une notion psychologique ou spirituelle formulée par Romain Rolland qui se rapporte à l’impression ou à la volonté de se ressentir en unité avec l’univers (ou avec ce qui est « plus grand que soi »).
2 – Bruno Latour dans Libération du 13 mai 2020
Solistes professionnels (distribution 2021) : Janice Bieleu, Bruno Cezario, Maeva Lasserre, Lucille Mansas, Baptiste Ménard, Frank Willems, Wrestler
On dirait parfois
que nous sommes au centre de la fête.
Cependant
au centre de la fête il n’y a personne.
Au centre de la fête c’est le vide
Mais au centre du vide il y a une autre fête.
Roberto Juarroz
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