Monday, July 04, 2022

D ernier Hamlet (tu me demandais)


Hamlet Poem Unlimited

(headphones recommended for optimal experience)

C’est un film que j’ai très peu regardé (je le regarde maintenant). Je l’ai peu regardé parce qu’il ne représente qu’1h du spectacle qui en faisait, si mes souvenirs sont bons, au moins 2h1/4, peut-être 2h1/2 et puis aussi ce film n’enregistre pas les différentes versions qui pour moi s’additionnaient et qu’il m’était douloureux en voyant ce que le film avait enregistré un jour (ce jour-là, puisque nous avons eu de la chance qu’une cinéaste très douée et son assistante soient passées par là) de me remémorer toutes ces versions qui allaient tomber dans l’oubli (Aïdan mettait un point d’honneur à changer chance jour, chaque répétition, chaque filage, chaque avant-première le contexte des parties improvisées, quand il m’imite, quand il répond au téléphone, quand il engueule son assistant, les scènes au cours de théâtre, etc.)

Je me souviens que déjà — en 2018 (facile à retenir, c’était la saison de Metoo : j’avais décidé de ne faire qu’avec des garçons et qu’avec des moches) — je n’avais plus de public, je ne remplissais pas. Certes ce spectacle était «  difficile », bilingue, dans une lumière et une scéno fixe,  je ne jouais plus trop avec la superficialité ni la joie de vivre. 

À ton spectacle, j’ai été choqué par le public (bon : suisse) : on dirait qu’il n’ont pas besoin du spectacle. Ils viennent là comme ça, mais rien ne leur manque et ils le font bien savoir (comment jouer pour un public qui n’a pas de désir de se sortir de sa vie ?) Ils devraient se battre pour avoir des places. Supplier d’entrer à tout prix. Les compliments que tu as reçus aussi m'ont choqué. On aurait dit des sketchs du festival de Montreux. Celui qui te dit : « Ah, oui, chapeau, hein, chapeau de paille… » et celle à qui tu demandais d’en dire un peu plus, «  C‘est vrai, tu as aimé ? » : « Ah, oui, super, 5G... » On dirait qu’ils veulent en même temps qu’ils le font retirer le compliment… C’est un problème pour moi : où trouver un public à qui on changerait la vie (sinon à quoi bon ?) Ne serait-ce qu'un public qui deviendrait ami, ce que tu es toi devenu. J’avais ce public, en foule. Je ne l’ai plus. J’ai senti ce public (l’amitié) avec Vers le soir organisé en semi-privé.

Aïdan est tellement incroyable dans ce film, en exploration d’une très grave folie (ce qui m’avait inquiété, c’est qu’il ait fait des cauchemars après ce travail, mais quand je vois ce film et ce qu’il me propose en réponse à ce que je devais bien lui demander (dont je n’ai plus idée, mais visiblement qqch d’ambitieux ! Je me souviens de Lacan et de Twin Peaks saison 3), cela n’a malheureusement rien d’étonnant…

Evidemment si je rencontrais un comédien de cette trempe, il y aurait à faire !

Avant de lancer les auditions ou le stage, il faut que je vois les gens sur vidéo pour trier un peu et voir où ça va. Par exemple, attablés, tu sais, quand tu m’as présenté, j’ai eu envie de travailler (de connaître mieux) cette jeune fille qui disait qu’elle était peu libre, mais le garçon qui disait que, lui, il était libre, mais alors pas du tout, pas du tout (il se pourrait, mais ce serait surprenant, que ce garçon soit si bon comédien qu’il fasse oublier sa laideur immédiate, mais, enfin…)   

Bref, j’aimerais bien rencontrer des gens beaucoup plus forts que moi. Au moins plus beaux.

Ou alors il faut travailler avec des très jeunes ou alors des amateurs…

Je t’embrasse, chaton (comme le comédien qui m’imite dans le film prononce), 

Yvno

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