De ma mère, je ne saurai jamais (jamais plus) que pas grand chose. Déjà petit, j’aurais voulu enregistrer ma grand-mère avant sa mort. Celle qui parlait breton. Je me disais tout ça va disparaître (à jamais). J’avais voulu, mais je ne l’ai pas fait. Ma mère, on ne peut déjà plus l’enregistrer. Sa boîte crânienne s’est vidée, s’est effacée déjà beaucoup. Comme elle disait souvent — et continue de dire — qu’elle n’est pas malade (comme se vantait son père, contrairement à sa mère qui avait une santé fragile, un régime sans sel, etc.), une fois j'avais dit : « La tête… » « — La tête ? Quoi la tête ? » Et elle s’était mise à bouger la tête, à la secouer pour montrer que sa tête fonctionnait bien, exactement de la même façon qu’elle aurait bougé un bras. Je pense à elle maintenant parce que je lis dans l’infini livre du soir le mot « cruche » (« Si la pierre frappe la cruche, tant pis pour la cruche ») ; elle détestait cette insulte, en tout cas, me l’avait-elle dit… C’était au volley sur la plage et quelqu’un avait dit — parce qu’elle avait loupé le ballon : « Mais quelle cruche, celle-là ! » Sur des photos anciennes, j’admire la jeunesse des vêtements, leur contemporanéité. La mémoire, une boîte extraordinaire, mais pas fiable
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