Wednesday, April 24, 2024

Hier, Bobo m’a offert ce livre. Ça m’a fait peur. Que veut-il me dire ? L’Amant des morts. J’essaye de comprendre. Je lis la quatrième de couverture : « le goût du sexe, l’élan vers l’autre, la tentation du bien… » Il a hachuré délicatement certains passages au crayon de couleur orange, rouge ou bleu. Mais, rien, presque rien, ne fait sens. Je ne comprends pas pourquoi il a souligné : « dans l’infini silence d'une allégeance archaïque », etc.


Mais je réalise que, si je souligne à mon tour, mes entourements n’auront pas plus de sens pour autrui que les siens pour moi, aussi je me retiens. Exceptionnellement (mais non : pas non plus à la librairy), je ne lis pas le crayon à la main. J’ai honte soudain d’avoir prêté tant de livres annotés…

Ah, si, j’ai trouvé, dans les soulignements de Bobo, hachuré de rouge : « Tant d’amour et si peu de joie ! »

Ça fait sens. Pour lui comme pour moi


Le livre est très dense et on pourrait en souligner presque tous les agencements (si on avait la capacité vraiment de lire — et c’est d’ailleurs à cette capacité que je veux m’exercer : devenir livre)


J’ai presque rien autour de moi, presque que la dépossession

Il me semble que je pourrais être rentière si je m’y prenais bien. Il y a une phrase de ce livre de Mathieu Riboulet qui parle des Parisiens (p 14-15) : « ils auraient toujours, pour eux, et jusqu’au jour de leur mort, en premier lieu Paris, puis le temps et l’argent que la capitale dispense sans compter à ses enfants gâtés ». Oui, j’ai un loyer assez faible (je vis dans la presque chambre de bonne décrite dans le livre), il y a depuis peu une cantine qui s’est ouverte en bas de chez moi où je déjeune tous les jours pour 13€, je suis chômeuse longue durée, j’ai un peu d’héritage, les bibliothèques, surtout la plus belle, sont en accès libre, il me semble que lire et regarder les gens me suffiraient à l’infini…

Ce qui m’avait fait peur à Marseille (quand j’étais dans la force de l’âge) : rester sur le seuil, au bord de la mer, et ne plus rien faire de toute ma vie, il me semble que je pourrais le vivre maintenant à Paris, moins dangereusement sans doute, portée par la culture. Une phrase prophétique : « Tout le monde deviendra de plus en plus cultivé et vivra de plus en plus misérablement »


Dans le livre que je lis aujourd’hui, résonne encore le livre d’hier (c’était Echecs, de Stefan Sweig, traduit par Jean-Philippe Toussaint) — et sans doute aussi le livre de demain (7, de Tristan Garcia)


C’est curieux, je n’aimais pas Paris, mais je ne l’aimais pas, en fait, parce qu’il y faut toujours courir, bondir, rebondir, se déplacer… mais dès qu’on a une routine, dès qu’on ne fait rien, dès qu’on n’a le droit à rien, Paris devient un état de la nature merveilleux


Parfois quand je lis un livre d’auteur vivant, je me demande si mes auteurs préférés, à savoir Marcel Proust et Virginia Woolf auraient aimé… Vladimir Nabokov n’aurait pas aimé grand chose, c’est pour ça qu’il ne vient qu’en troisième position, bien fait ! mais Proust était capable d’aimer des (certes bien oubliés aujourd’hui) contemporains, Virginia aussi


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