Chez Elsa, c’était pas spécialement grand, mais elle avait un jardin, ce qui, l’été surtout, permettait de belles parties. L’hiver, au moment de l’anniversaire, eh bien, c’était l’hiver, mais on sortait quand même, sous le prétexte de fumer un clope ; moi, j’aimais bien aller dehors avec ceux qui fumaient, ceux qui buvaient, ceux qui baisaient, ceux qui parlaient sans filtre, ceux qui vivaient, enfin, toutes ces choses que je me permettais pas ou peu, « modérément » comme on dit pour la santé, mais ces gens qui vivaient en vitesse, immodérément, c’était eux qui m’attiraient, bien sûr. Mais il fallait que je fasse gaffe, il fallait que je me contrôle, moi, on ne me permettait rien, on ne me passerait rien, mon handicap me laissait souvent sans connaissance, oui, il me manquait la virtuosité de certains sens (nous en avons beaucoup plus que cinq et, des cinq, j’avais perdu l’odorat)
Quoi que j’écrive, cela raconte mon histoire sans que je le sache. Cette phrase n’est pas de moi, mais souvent je me demande si je ne devrais pas plutôt recopier les belles phrases qui me touchent comme si je les avais écrites. Ce que j’écris ici, que je retouche — quand j’écrivais sur mon blog, le principe était de ne jamais relire, de ne jamais retoucher, ici, c’est le contraire — m’apprend à lire. Ce sont des exercices, c’est très scolaire, en fait. Lire est difficile, il faut l’apprendre. Par exemple, j’ai relu la nuit dernière chez Elsa qui l’avait reçu en cadeau FOU DE VINCENT qui venait de lui être offert, estomaquée par le génie de l’auteur
Est-ce que Noël ne serait pas autre chose qu’un emballement ? C’est vrai, on emballe qqch à Noël. On aimerait que la neige tombe pour sa puissance aussi de réduire le monde en cadeau, de l’emballer (je prends cette image à Harry Mathews). « Il est né, le divinenfant »
C’était magnifique, on était allés voir CROWD, de Gisèle Vienne, à la Villette. C’est toujours merveilleux, les vieilles pièces réactivées, c’est si rare ; les interprètes ont confiance, c’est merveilleux cette confiance (j’ai l’impression que c’est ça, et non pas la pièce — inoubliable —, qui m’a rendu la soirée si merveilleuse). A la sortie, j’avais salué deux garçons (merveilleux) que je connaissais encore bien que je me sois maintenant si éloignée du milieu. Ils n’avaient pas changé, ce qui m’avait même fait hésiter en les voyant sur scène : ils me paraissaient trop jeunes. Maeva Lassere aussi, j’avais hésité aussi : c’était sans doute une jeune fille qui lui ressemblait. Il me semblaient que la pièce avait cent ans, belle comme une pièce de cent ans. Il y avait ça, aussi, qui formait son charme : c’était une pièce d’avant. Avant : le temps où l’on pouvait encore regarder les jeunes gens. La pièce jouait maintenant de cette nostalgie. Et puis ça m’avait plu qu’il y ait encore des spectacles, que ça marche toujours, le système. Oui, j’avais cru comme j’avais arrêté moi-même d’en produire et que je ne sortais plus (selon le même principe : il faut qu’on me le propose, qu’on m’y invite), j’avais cru qu’il y en avait moins, que c’était passé de mode. En fait, non, ça continuait (magiquement), plus peut-être encore, peut-être y -t-il encore plus de spectacles, je ne sais pas, pas moins…
Chez Elsa, j’avais relu un livre là aussi d’un autre temps, l’un de ses cadeaux (on le trouvait donc en librairie) et j’avais pensé à DI qui était son amie, un livre d’Hervé Guibert…
Chez Elsa, quelqu’un que je trouvais très sexy (avec une tête de chanteur) m’avait dit : « Oh, vous avez une belle écriture » au moment où je notais dans mon carnet la marque de whisky qu’il me conseillait, le whisky Laphroaig. Ah, l’île d’Islay… Je répliquais que je n’arrivais pas à me relire, mais, au fond, j’étais touchée et aujourd’hui, je m’aperçois que j’écris mieux, que j’écris un peu comme Hervé Guibert (dont l’écriture est vraiment admirable)
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