H étéros « comme ils disent »»
François avait dit une jolie chose, il disait qu’il détestait la province, mais qu’il aimait la province à Paris. « Ici, c’est même le village. » Il râlait contre les mini-envahissements de la ville dans ce village de privilégiés. Par ex, la mairie de Paris (satanée sale Hidalgo !) avait ajouté des structures pour accrocher les vélos près de la chambre de C. et ça papotait, ça papotait à cet endroit (C. avait fait sa chambre à l'emplacement du garage, faut dire). François achetait toujours ses pâtisseries à La Vieille France, près des Buttes-Chaumont, et, pendant un très long sketch, François nous avait fait Sylvie, la drama queen qui tenait cette boutique (tandis que son mari effacé en était le pâtissier). J'avais dit que Sylvie — aussi appelée pat François « la lionne » — me rappelait Madame Verdurin, mais je sentais qu’on me le comptait comme une faute. Ou alors Sylvie Vartan ? Je ne savais plus quoi dire, moi. En fait, Sylvie rappelait à Martine une autre Sylvie dont on avait parlé au début (quand nous n’étions que tous les 3), une Sylvie obsédée par la pédophilie, insortable, si j’avais bien compris, parce qu’elle avait l’art — le don ? — d’en détecter une victime chez presque tout le monde. D’ailleurs l’avocat d’affaires — prénommé Luc, au fait — avait voulu dire qu’il avait eu son premier rapport sexuel à 13 ans et il avait dit : « à 3 ans ». Son compte était bon ! C’était clair comme de l’eau de roche… Martine s’était écriée : « Sylvie ! Sylvie ! si Sylvie était là… » Il fallait expliciter, pour les gens arrivés plus tard, les allusions constantes que nous faisions à la première partie de la soirée... Un enfant s’appelait Jacques. Je trouvais ça merveilleux. C’est si rare, non ? Sa mère me disait qu’il y en avait quelques-uns, mais pas tant que ça, en effet. Jacques ! François disait que lui connaissait un Jack (il faisait allusion à Jack Lang). Le champagne était très bon, servi dans des coupes anciennes, fragiles comme des corolles. François venait de Reims et une partie de sa famille exploitait des premiers crus, deuxièmes crus, troisièmes crus — ou alors seulement des premiers crus, j’avais un peu décroché… Il nous avait raconté le dimanche des vendanges chez sa grand-mère...
Devrais-je le dire, dans le grand luxe de cette maison accrochée aux nuages — et son jardin d'azalées —, sous les tableaux d'un goût exquis, venait un moment, assez tard, où, quand nous étions tous bien pompettes à ce champagne millésimé (et les enfants à l’Orangina), notre hôte commandait un repas Deliveroo car il ne savait pas faire la cuisine du tout.
Christophe n'était pas là qui était le cuistot du lieu.
Ce repas sur le pouce, l'assiette sur les genoux, du poulet sec avec des frites molles, ou parfois des sushis, ou des pizzas, près du feu — en tout cas, pour ma part (l'avocat d'affaires était assez loin et demandait toujours de répéter) — pouvait donner la tristesse, l'abandon nécessaire à une atmosphère modianesque — mais c'est cliché de le dire — de temps perdu
Quand il était temps de rentrer, de redescendre en ville, tout le monde partait d'un seul coup (comme sur un toboggan)
(On adorait ces soirées)
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