Wednesday, December 10, 2008

Sylvain Pack

JEUDI 13 NOVEMBRE 2008

Pour Yves Noël Genod, un phénix à Paris.

Et quand bien même Yves-Noël Genod en aurait rien à faire et n'aurait rien à espérer. Que tout tombe, mythes, textes, décors, costumes, chairs... que cela se compile à main levée, que le présent soit absolument parfait, prêt à contempler. Qu'il n'y ait donc même plus la peine d'aller au théâtre et de payer pour voir des acteurs en transe, qui se grattent, pissent et chantent, se souviennent de vers oubliés, dans la plus grande détente d'une salle climatisée. J'aurais eu cependant cette chance d'apprécier cette chute libre, ce cante jondo. L'heureux signataire en Genod. Il semblerait qu'il ne s'en rende même pas compte tant cela glisse. Beaucoup d'écoulements, de souvenirs de vagues, de nudité (il faudra y revenir), mais quelques planches aussi du coup : bodyboard avec personne âgée, canoës sans doute, en tout cas, tout ce dont on peut se servir sur place sera ok, élégant, montré, distingué. Du furoncle à la gaffe énorme de mal jouer ce soir devant d'autres gens. D'autres gens, d'autres gens... complètement complices, ils le sont aussi.

Je me rappelle de plusieurs sommations de Peter Handke dans son Outrage au public pendant lequel son auteur assènait les lois d'un contrat inconscient qui nouerait le public et l'auteur. Ce qui m'avait fortement évoqué les règles mises en places par les héros d'un autre testeur de fermes relations contractuelles en la qualité de Sacher-Masoch. Eh bien, je crois que ni l'un ni l'autre n'ont à voir avec cet autre marionnettiste qu'est Yves-Noël Genod...
Peu de gens iront voir ces spectacles par hasard. La curiosité, les "on-dit" d'une expérience à chaque fois unique les entraîneront à s'asseoir parmi d'autres excités et d'autres habitués. Lui raconte que ce sont des pièces de répertoire, qu'elles sont toutes rejouables. Il a raison, peut-être, mais quel travail faudra-t-il pour retrouver ce qui fait l'extrême saveur de cette récolte spontanée. C'est une histoire dangereuse de pureté et d'innocence, c'est pour ça qu'il se déguise en Harry Potter tel un phénix à Paris. Est-ce le contraire de Peter Brook qui disait éviter à tout prix la pureté ou parlent-ils tous les deux de la même chose ? ... de la tentative du premier geste, du premier dessin. Serait-ce le sujet brûlant, le seul sujet qui vaille en art et en philosophie, celui de Faust ou de la folie, celui que Pasolini dénommait "réalité", celui que Borges appelait "illusion" ?

Yves-Noël Genod se donne entièrement à ce jeu. Je crois croire en cette bonté utile, remplie à ras bord de notre aujourd'hui. J'espère en ce désintérêt comme d'un entraînement à mourir si vivant. C'est beaucoup, je sais, mais les acteurs d'Yves-Noël semblent prouver ce plaisir si particulier : être au service d'eux-même, non pas d'un auteur ou de leur metteur en scène. Peut-être qu'ils lui rendent sa confiance et que cela se sent partout dans la salle, peut-être sont-ils un peu plus eux enfin, entre eux, ces hommes qui brûlent !

Sylvain Pack

Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home