Tuesday, March 20, 2012

La Simplicité d’être




Pamela voulait qu’on lui parle du printemps. Mais personne n’avait rien à dire. Moi, je savais que c’était les équinoxes, mais tout le monde le savait, je me disais. Alors Pamela a donné quelques phrases, distillées. « Nous vivons dans un univers silencieux. (…) Mais puisque nous sommes le silence, nous remarquons le son. Et comme nous ne bougeons jamais, nous trouvons le mouvement fascinant. Et comme nous n’avons pas d’opinion, nous trouvons la pensée fascinante. » Je pensais tellement au spectacle, quelle nostalgie ! J’écrivais dans mon carnet : Reprise en avril. Je ne voulais plus que faire ça : ce spectacle avec ces gens ! Alors, en attendant, je copiais des titres, des choses à dire aux acteurs. Il fallait que ma vie change. Il fallait que j’apprenne de Charles Zevaco (je voulais aller à l’usine), de Valérie, de Lucien, de Wagner, de Sophie (serveuse), de Romain (lui aussi fait des chantiers), je voulais retourner dans la vie. Je voulais continuer d’apprendre de Marlène et de Jeanne. Fréquenter Dominique. J’avais appris à les considérer comme mystérieux – après tout je ne savais rien d’eux – j’avais appris à ne rien savoir d’eux. Et Pamela m’en donnait l’explication : « C’est la perception qu’il y a un autre (l’altérité) qui nourrit ce malentendu (la cruauté…) » En fait,il n’y a pas d’ « autres ». Quand on est présent, c’est toujours avec plutôt qu’en opposition. Des choses comme ça, plus ou moins… Il y a un moment, j’ai pleuré. Quand Pamela a dit – c’était à quelqu’une et je ne savais pas si je pleurais de mon émotion à moi ou de celle de l’autre que je ressentais (je ne la voyais pas, j’étais un peu dans le fond) ou de celle de tous. Pamela a dit : « Parce qu’on ne peut pas vraiment voir combien nous sommes précieux. Mais nos amis le voient. Et les arbres le voient. Et le soleil le voit. Mais, nous, on le sait en dernier, en fait. » Larmes. Tout me ramenait au spectacle, sempiternellement. Comme Pamela demandait encore qu’on lui parle du printemps, une femme a dit qu’elle ne remarquait pas le printemps, qu’elle était, oui, hiver. « Tu es l’hiver, mais tu es un hiver très aimé », lui a dit Pamela. C’était un peu Dickens. « A very loved winter. » « Est-ce que l’hiver aspire à la chaleur ? » Non, il n’aspirait à rien. La femme hiver, c’est vrai qu’elle avait l’air de sortir d’un tableau de Brueghel, je me suis dit. Elle avait une bouille ! La pauvre, elle m’a fait rire. Son obstination à rester hiver. Mais toutes les femmes maintenant, du côté où je les regardais, me sont apparues très belles comme sorties de la peinture, oui, de Brueghel, pourquoi pas, du Moyen Age obstiné – et pourquoi pas ? –, très belles têtes soudain, le spectacle reprenait, très beaux apaisements. Je suis sorti assez vite, juste en embrassant Gérard, de cet hôtel du général La Fayette, soi-disant, rue d’Anjou, et je suis rentré en grillant tous les feux jusqu’à – jusqu’à cette partie de la ville qui ressemble « comme à un petit endroit ensoleillé dans la forêt », oui, j’entendais encore une phrase (sans la comprendre) : « C’est bon d’avoir un aigle, un compagnon eagle. » Pamela nous avait dit : « Merci d’être la vie elle-même que nous adorons. » Et, la semaine dernière, c’était moi qui le disais, qui avais ce privilège de le dire aux acteur, aux spectateurs. « Merci d’être. » Ce jeu, l’absolu et la légèreté. « Jouer comme dans les champs du Seigneur… » Oui.

Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home