Monday, October 29, 2012


« Dans le chef-d'oeuvre de Massenet, les larmes ne cessent de couler, et cela dès qu'au clair de lune l'idylle s'est à la fois révélée et brisée. « Tout mon être en pleure », dit Werther. Voilà qui nous mène bien loin des larmes habituelles de l'opéra, qu'elles soient furtives ou qu'elles éclatent en violents sanglots. Celles-là coulent lentement et inexorablement, une à une, patientes gouttes, dit Charlotte : en quatre actes, elles auront fait leur oeuvre. Charlotte ne peut les retenir en relisant les lettres de Werther, et ses larmes sont la seule part d'elle-même, le seul sacrifice qu'il ose lui demander. Elles couleront devant l'ange de la consolation qu'est Sophie. Elles couleront à la lecture d'Ossian. Elles couleront enfin devant le corps baigné de sang de Werther. Mais ces dernières, il les refuse : le voilà libéré et heureux. Werther est un long requiem, lacrimosa dies illa, jour plein de larmes que celui-là. Un requiem à un jeune poète, s'achevant in paradisum. Car Werther, bien sûr, ne pouvait être que poète : c'est-à-dire au-dessus du monde, mais à lui malgré tout asservi. La mort plane au-dessus de lui et Massenet a marqué son chant du cygne, que Rilke évoque dans les Sonnets à Orphée, de ceux qui vont mourir jeunes. »

Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home