Wednesday, October 02, 2013

P armi les grands de ce monde


Ils s’étaient réunis parce qu’ils fêtaient le numéro « spécial Jean Cocteau » * de « L’Officiel » qui les avaient déjà tous réunis. Une amie qui veille sur moi m’avait invité à lui servir d’objet secret que l’on montre, que l’on sort, appelons-là « l’amie ». Au final, je connaissais tout Paris. Que dis-je ? plus important : j’étais connu de tout Paris. Tout le monde partait et tout le monde allait « chez Karine » : « Tu vas chez Karine, je suppose ? — Ah, je ne sais pas, je vais demander à l’amie… — Oh, alors, elle y va évidemment… » Mais l’amie n’allait pas « chez Karine » : « Mais tu peux y aller, toi, tu t’es fait plein d’amis maintenant. » L’amie était parfois sévère avec moi (par jeu). Par ex, j’avais mis un petit blouson à paillette récemment acquis pour la performance de Carcassonne, mais qui allait aussi très bien pour la soirée : « Tu as fait un effort, c’est très beau. » Elle faisait allusion à la soirée àmylènefarmer où elle m’avait trouvé épouvantablement habillé. (Mais pour Bercy et pour étirer l’été, j’avais pensé à cette veste en poils de laine qui était pourtant Margiela, mais un Margiela de derrière les fagots et d’il y a quelques années.) Ou alors, quand quelqu’un faisait remarquer que nous avions la même couleur de cheveux, elle disait : « C’est parce que nous utilisons le même shampoing ! » et j’intervenais en disant : « Ah, non, le tien est bien meilleur ! » « Non, c’est juste que je l’utilise plus souvent que toi… » Eh oui, elle n’aimait pas mon côté grunge. Elle s’était habillée délicieusement en garçon, d’un costume et d’une chemise et cravate Dries Van Noten et, comme je lui disais que j’aimais ce choix : « C’est parce que j’étais sûr que tu allais t’habiller en fille ! » Bref, l’amie et moi, nous nous entendions bien. Elle faisait des photos, l’amie. Elle était « photographer » comme je l’entendais dire à quelques Bob dont j’oubliais le nom et la fonction instantanément. A un moment, elle m’a rappelé Marguerite Duras, je le lui ai dit. C’était parce qu’elle venait de photographier Arielle Dombasle et Bernard-Henri Lévy qui s’embrassaient et, moi qui n’ait jamais réussi ce genre de photo, j’étais bien obligé de reconnaître que c’était sublime. Elle n’en était pas sûr, d’ailleurs : « Je ne sais pas… » Elle avait immédiatement passé la photo en noir et blanc et comme je lui demandais avec quoi (quelle appli) elle faisait ça : « Je ne te le dirai pas ! » (je crois qu’elle me l’avait déjà dit, d’ailleurs, mais je l’ai oublié). Marguerite Duras avait demandé, après La Pluie d’été au théâtre, je crois, si une phrase  qu’elle avait écrite ne faisait pas « trop intellectuel ». Il y était question de « fauteuils navrants ». Et, moi, avec mes 15 ans et mon fanatisme, j’avais répondu, d’égal à égal : « Ben non ! Pourquoi ça ferait intellectuel ? » « Parce que c’est moi qui l’ai écrite ! » D’ailleurs, tout était pareil, pour moi, dans cette soirée, à l’une de celles qui tournaient autour d’Yves Saint Laurent et dont je lisais les récits dans les biographies. Il n’y avait pas Yves Saint Laurent, certes, mais il y avait tous les autres. Il y avait Karl, par ex. Il y avait aussi des actrices qui sortaient de tournage, par ex, l’une justement du deuxième jour de tournage du Saint Laurent de Bertrand Bonello. Il y avait aussi Kristin Scott Thomas qui, elle aussi, avait eu son deuxième jour d’un film qui se tournait à la Manufacture des Gobelins (dans l’appartement « de fonction » sublime et abandonné). Je restais le plus longtemps possible auprès de Kristin Scott Thomas tellement elle était belle (mon Dieu, ses yeux !) et tellement elle représentait « l’actrice » au sens où Delphine Seyrig disait : « Le dénominateur commun que j’ai avec toutes les femmes, c’est d’être une actrice ». Kristin Scott Thomas, c'est ça. Elle ne restait pas longtemps parce qu’elle se levait tôt. D’ailleurs beaucoup de monde disait qu’il se levait à 5 h ou à 6 h. C’est un petit nombre de gens, en fait, qui fait les plus belles choses — et ces gens sont des travailleurs…



* orchestré par le délicieux Vincent Darré. L'édito commence  ainsi : « Nous voulions un numéro libre et original », ce qu’il est, lui (un numéro libre et original). Je voudrais que Stephen s’en inspire… Il m’a dédicacé le numéro (libre et original) : il m’a demandé : « Il y a un s à Yves ? — Oui. — Noël comme Noël ? — Oui. » et il a écrit : « Pour Yves Noël, le sapin de cette soirée, tendrement, Vincent » Je brillais... C'était Noël !

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