Tuesday, July 15, 2014

L e noir vous va si bien, Yves-Noël Genod


Merci, Amélie !

« Toute la culture »
Amélie Blaustein Niddam
[AVIGNON OFF] LE NOIR VOUS VA SI BIEN YVES-NOËL GENOD
Il commence par « Sous une lumière blafarde », celle de La fin de la journée qui est pourtant si claire à Avignon. Puis c’est le trou noir, total, dans la rondeur de la salle en pierre de la Condition des soies, il nous plonge dans les ténèbres, nous rend aveugles, disposés à une écoute suprême. Champagne ! Yves-Noël Genod récite les Fleurs du Mal à Avignon : c’est une fête, et cela s’appelle Rester vivant.
Note de la rédaction : ★★★★★
Yves-Noël Genod est la voix du poète. En 2013, dans un hôtel particulier qui fut beau, il avait lu des extraits de La Confession d’un enfant du siècle. Au Théâtre de la Bastille, en 2012, c’était Rimbaud qu’il invitait. Dans ce festival troublé, il nous pousse encore plus au fond, dans les méandres de l’angoisse et de la nuit. Il devient la voix de notre conscience, car tous ont en tête une poésie ou ne serait-ce qu’un vers de Baudelaire, venu à l’heure des ravages adolescents pour offrir un mot pour dire ce que l’on ressent.
Yves-Noël Genod est metteur en scène. Il sait diriger les acteurs, créer une atmosphère. Le noir est, avec l’or, sa couleur préférée, on le devine. Il avait fait danser la brume ; ici, il rend la nuit limpide.
Alors, on se glisse dans le son comme on entre en méditation, les poèmes nous transpercent et, écoutés de la sorte, comme jamais vous ne les avez écoutés (c’est-à-dire dans une posture quasi religieuse, en communauté, et dans le silence) ils sont lavés de leur célébrité. L’on touche au romantisme, celui qui ne s’accomplit jamais.
Le bonheur est loin, la mort est celle avec qui l’on danse. L’une des forces du magicien qu’est Yves-Noël Genod est de nous entraîner dans une danse qui n’a rien de macabre, où le noir est notre ami et où la lumière nous semblera bientôt hostile.

« Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d’étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l’envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux;

Et plus tard un Ange, entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes. »

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