R ester vivant, livre d'or, 7
Antoine Thiollier
Une amie venue au
Rond-Point hier soir m'écrit ça : « Ça m'a rendue très sereine, ouverte et
joyeuse ! Même ce matin. C'est pas psy du tout, c'est comme avoir voyagé. Ça ne
m'a pas guéri de la peur du noir, mais j'ai découvert qu'il y avait différents
types de noir et, un noir de théâtre, ça fait pas peur même quand y a des trucs
qui font peur. C'est comme le train fantôme. Ça te fait plaisir d'avoir peur
!... C'est comme avoir voyagé... » = VRAI
Nina-Paloma Polly
Bravo, bravo, bravo ! Le
travail sur la voix et le son est magnifique, et les lumières et l'obscurité
aussi. C'est drôle, au début, j'étais gênée car je ne savais pas si j'étais
mieux les yeux ouverts ou fermés, et finalement, à la fin du spectacle, je
n'arrivais plus à me souvenir si je les avais gardés ouvert ou fermés ou si
j'avais oscillé entre les 2... J'ai l'impression de sortir d'une méditation
ou des abysses, et ce qui au début m'apparaissait inconfortable est petit à
petit devenu un endroit agréable que j'ai quitté à regret à la fin du spectacle
. Une seule frustration, j'aurais aimé pouvoir m'allonger sur le sol ! Merde pour les autres soirs !
Régina Blaim
Bonjour
Merci beaucoup pour hier
soir. Je me suis fait une crise de timidité aussi je n'ai pas eu l'occasion de
te saluer. Il y avait de la flamboyance, de la volupté. Le noir permet à la
voix de se faire chair. Un moment d'intimité avec moi-même, en sorte.
Un grand merci !
A bientôt, j'espère,
Magali
José Castrillo
Hier soir, j'ai été très
troublé et ému... je vais d'ailleurs courir m'offrir la pléiade de
Baudelaire... très troublé aussi
quand ton « danseur » a approché sa main de mon visage...
Je récitais in petto les
textes que je connaissais par coeur et parfois dans le noir, je me laissais
vraiment à danser avec mes bras, des ébauches de gestes que j'ai pu voir chez Pina ou ailleurs... tu devrais porter des lunettes infra rouge pour regarder ce
que fait le public... :-D
On pourrait presque faire
l'amour avec son voisin / sa voisine sur Les Bijoux
Adrien Dantou
Rester vivant, Très beau
spectacle dYves-Noël Genod à voir au théâtre du Rond-Point !
Fabienne Louvat
Être vivant.
J'aime les gens de
théâtre... Hier soir, j'étais au Théâtre du Rond-Point. Je pense avoir reconnu
quasiment un spectateur sur deux. Personnes que j'ai du croiser sur Avignon au
moment du festival... Donc ce sont les mêmes qui jouent et qui vont voir...
Je pense à la chanson de
Brel Ces gens-là, juste parce
qu'en les regardant, on devine beaucoup de leur vie... De leurs bonheurs et de
leurs peines. De leur difficulté avec le monde, de leur difficulté à être et
donc paraître. De leur aisance aussi. Les gens du théâtre ont une aisance
enviable. Et j'aime les regarder. Parfois, j'aime moins les entendre...
J'attends pour la pièce
d'Yves Noël Genod Rester vivant.
Hier on me disait, venez directement, on vous trouvera toujours une place. Tout
à l'heure on me conseillait de venir malgré le fait que ce soit complet, et, là,
on me dit attendez, mais il y a peu de chance qu'on vous trouve une place.
Seulement, voilà, Rester vivant,
c'est 2h30 dans le noir. Et moi je ne peux pas savoir à l'avance quand je vais
être prête à encaisser 2h30 de Baudelaire dans le noir. Maintenant, c'est le
moment et je ferais des pieds et des mains pour faire partie du voyage. J'ai
passé la journée dans Paris, j'ai vu les lumières, l'opulente consommation due
à la période, les petits chalets en bois, les couleurs, les lumières... Je veux
du noir, du beau ou du laid (avec Baudelaire, pas facile d'en faire la
nuance...) Bref, c'est ce soir.
À la caisse, pas un regard
de compassion, l'habitude des caprices de spectateurs sans doute... Mais à
l'entrée de la salle, la jeune fille a bien vu mon besoin. Oui, mon besoin, pas
mon envie. Après 40 minutes d'attente, la voilà qui me pointe du doigt et je
sens la possibilité d'une place. Je l'ai ! Pause clope...
Quand je reviens pour
entrer dans la salle, Yves-Noël Genod est là, me tend une coupe de champagne
ainsi qu'à la dame qui me précède et qui me pose des questions sur le
spectacle. C'est une amie qui lui a donné sa place à la dernière minute.
Savez-vous ce qu'on va voir ? Euh... rien. On ne va rien voir.
La salle est déjà obscure
et il est impossible de savoir où la rangée de chaise s'arrête. Je tâtonne
jusqu'à trouver la dernière chaise. Celle tout au bout, la plus éloignée de la
porte par laquelle s'échapper. Je ne sais rien sauf que je veux rester là,
peut-être même jusqu'après la fermeture du théâtre. Je m'assois et mesure une
première torture. La chaise en bois. 2h30 de chaise en bois. 5 minutes pour se
conditionner, faire avec. Faire de cette chaise mon amie. Le spectacle
commence.
Être vivant, c'est ça le
titre. J'ai mon corps qui fourmille, je suis dans le noir, et mon corps qui ne
prend pas la forme de la chaise morte. Je ne me bats pas pour rester vivante,
je suis. J'ai l'impression que le spectacle a commencé depuis 15 mn. J'essaye
d'abord de comprendre, d'envisager la suite. De me dire que j'aurais été mieux
allongée par terre. Que j'avais envie de ce confort-là. Le noir me plonge
d'abord à l'intérieur de moi-même. Je mets un certain temps avant d'entendre ce
qui se joue. Je ne vois rien. J'entends la voix d'Yves-Noël à l'autre bout de
la pièce mais il est là à côté de moi. Je le sais, je le sens. Pour l'instant,
Baudelaire, c'est l'alibi de mon expérience. Pour l'instant, Baudelaire, c'est
le cadet de mes soucis... J'enlève mes chaussures. J'accepte de fermer les
yeux. Et j'entre.
J'entre dans la voix, ses
rythmes, ses tonalités. J'entre dans la voix avant d'entrer dans les mots.
Baudelaire et moi, c'est pas gagné. Mais Yves-Noël et moi, par contre... Et
puis ça se fait, petit à petit... Je ferme les yeux, mais je ne m'endors pas.
Pas une seconde. D'ailleurs, la seconde, j'en fais des minutes, pour que ça
dure plus longtemps. On s'en fout, on fait ce qu'on veut. Je sais que ça dure
2h30 mais je ne sais pas à quelle heure ça finit. Je voudrais avoir 4 oreilles
pour ne rien manquer. Bien sûr qu'on tend l'oreille quand on ne voit pas. Je
regarde le noir du plafond. Je me tends. Pour entendre, pour que ça passe
jusqu'au bout de mes orteils qui fourmillent. Pour que ça ne reste pas coincé
dans ma gorge, dans mon ventre. Je sais que Baudelaire et Yves-Noël me veulent
du bien. Pas peur du contre-effet. Je me laisse traverser, et ainsi je passe à
mon voisin... Comme cette voix qui s'éloigne de moi jusqu'à ce qu'elle
revienne.
Je pense divin, sublime.
Un point rouge dans le noir
m'indique qu'il est 1h15 de spectacle (toujours pas l'heure qu'il est). Je peux
partir. Je reste. La chaise n'est toujours pas mon amie, mais je l'ignore. Elle
n'a plus d'effet sur moi. J'ai perdu mon corps. Il est quelque part dans les
mots de Baudelaire. Je suis dans
ma tombe, parfois dans la sienne. Je ne sais plus, ça m'est égal et je suis
bien. Volontaire, présente.
Cela fait un moment que le
voyage a commencé et j'en redoute déjà la fin. Comment vais-je me sortir de là
? Comment vais-je pouvoir retrouver les chalets de Noël, le métro et l'autre
réalité ?
J'ai déjà vécu le spectacle
ultime, et celui-là est à haut risque. Seulement, il ne ressemble pas à
l'autre. Je ne suis pas pressée de savoir...
Je sors de la salle, erre
quelques minutes dans le théâtre, mais je ne suis pas ailleurs. Je suis bien
là, au milieu des gens qui dînent encore. Je cherche les toilettes et ça
ressemble bien à des toilettes. Les chalets sont les mêmes qu'avant et le métro
est supportable.
Mince alors... C'était donc
léger... C'était donc juste une douceur, un sucre... Une flûte de Champagne.
Être vivant, perdre le
temps, abandonner le corps... seraient comme être mort.
Ce matin, c'est la paix.
Yuming Hey
Encore merci pour ton
spectacle, il me reste beaucoup de mots, d'images fortes, de lumière !
Labels: rester vivant correspondance
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