Thursday, May 18, 2023

R obert, Musset & co


Bonjour Marie, bonjour Marianne, 


D’abord, bravo à vous et vos équipes pour vos deux expositions sublimes — elles m’ont révélé toute une planète très mystérieuse, un état des choses mystérieux de cette première moitié du XIXème siècle, oui, une matière très vivante, abordable, tout d’un coup d'une richesse révélée, un patrimoine — bravo ! L’histoire de ces deux garçons, Léopold et Aurèle est magnifique.

Je suis content aussi de mon choix du Musset, c’est encore plus en rapport avec Léopold Robert que j’espérais (ne serait-ce, par exemple, que Léopold soit tombé amoureux d’une Bonaparte). D’ailleurs, le texte de Musset sur Léopold Robert à Venise est le plus beau dans le livre d’Alain Corbellari*. Pour la communication il faut certes mettre le titre : Disparaissez-moi !, mais dire immédiatement qu’il s’agit d’une lecture de ce texte de 17 pages sur le « mal du siècle » qu’Alfred de Musset a d’ailleurs d’abord publié seul dans une revue avant d’en faire le prologue de sa Confession d’un enfant du siècle. C'est l’idée que l'auteur parle au nom d'une génération. On peut utiliser cette citation : « comme il y en a beaucoup d’autres que moi qui souffrent du même mal, j’écris pour ceux-là, sans trop savoir s’ils y feront attention ».

Maintenant, je n’ai pas vraiment trouvé de solution de diffusion. C’est de ma faute, d’habitude je ne décide jamais de rien sans avoir vu les lieux. Là, j’ai été léger, j’ai cru qu’on trouverait bien un endroit, un coin tranquille… mais, ces endroits,  je ne les ai pas trouvés. Donc, si vous le voulez, on peut annuler. Je le comprendrais.

D’abord, à la Chaux-de-Fonds, eh bien, même en travaillant dans la salle de l’expo qui est la meilleure acoustiquement — que vous m’avez indiquée, Marie — on n'entend rien. On ne perçoit rien. J’en ai même apostrophé grossièrement Marianne qui avait la bonté de faire les essais avec moi : « Mais enfin, Marianne, ce n’est pas possible, vous mangez les mots, je suis à 1m50 de vous et je ne comprends pas ce que vous lisez ! »
J’ai l’air comme ça de faire ma Maria Callas qui, raconte-t-on, avait refusé de chanter au Palais Garnier parce que le plancher grinçait, mais ce n’est pas tout à fait ça ; c’est simplement que, le public, si je le fais — même si, grâce à Dieu, on peut couper la soufflerie de la clim et fermer l’accès à l’expo pendant la performance —, ce n’est pas la peine de le convoquer parce qu’il ne va strictement rien se passer. Faire cette lecture ou rien, ce sera pareil. Pas d’acoustique pour l’écoute. 
Il y a une solution que j’ai trouvée in extremis, qui serait parfaite, mais ne va sans doute pas être possible, ce serait de jouer dans une pièce du rez-de-chaussée qui sert à la présentation d’une œuvre (voir photo). Là, on entend parfaitement. Pas de souffrance auditive. Mais cela demanderait de déplacer les éléments de l’œuvre posés sur un socle (bien sûr, mais c'est facile, suspendre la vidéo). Ce nest pas à l’intérieur-même de l’expo Robert comme envisagé, et ce serait pour peu de personne, une vingtaine sur des chaises ou un peu plus assis au sol sur des coussins — ce qui serait mieux —, 25-30 en comptant ceux qui peuvent rester dans la porte (et entendre quand même). Je pourrais aussi jouer deux fois de suite pour permettre un accueil supplémentaire,  par exemple à 16h comme c’est prévu et à 17h pour ceux qui n’ont pas pu arriver à 16h ou d’autres si on peut faire passer l’info de ces deux séances au lieu d'une…
Franchement, je ne vois pas où jouer ailleurs. Antonia disait tout à l’heure qu’il y avait un jardin, mais, là encore, à moins de quelque grotte, il n’y a pas d’acoustique dans les jardins… Le 2 juin, Marianne, tu es censée me prendre à 9h en bas pour m’emmener à La Chaux, ce qui laisserait du temps de répétition sur place avant la générale de 14h, mais on a déjà bien essayé dans les salles de l’expo sans trouver aucune solution. Et, le micro, une dame du musée dont malheureusement le nom m’échappe, m’a dit que ça n’arrangeait rien (on pourrait de toute façon monter le micro que j’envisage d'utiliser à Neuchâtel (voir photo), mais, c’est vrai, je ne pense pas que ça sauve la baraque).

A Neuchâtel, on a trouvé une salle dans l’expo où, avec ce micro donc, je pourrais tenter quelque chose que je n’ai pas faite jusque là, c’est-à-dire accentuer le grand-guignol de la mort et de la destruction très présent dans le texte, en jouant de la résonance de crypte de la salle… transformer la contrainte en une chose voulue… comme, un peu, un sermon de Bossuet, peut-être (un truc pour faire peur à Marianne, quoi). Mais c’est risqué, dans le sens que je dois ralentir la diction (sinon on n’entend rien), ce qui met la performance plus près d’1h que de 45 mn et je ne suis pas sûr que les gens supporteront ça plus d’1/4 d'h. A vérifier à la générale. C’est risqué, mais peut-être qu’il y a là un challenge, l’étrangeté de la résonance, je peux, peut-être en jouer… A Neuchâtel, il y a bien des salles (au rez-de-chaussé) dont l’acoustique est bonne, mais elle seront occupées justement ce jour-là, le 4, par une manifestation autour du clavecin. 
Cela veut dire aussi — je ne sais pas si c’est même envisageable — la suppression totale pendant 1h des visites de l’expo Robert — et aussi pendant la générale du vendredi —, une seule personne qui marche dans la pièce à côté et on n’entend plus rien… Ce qui veut dire aussi ne laisser personne entrer — rejoindre la performance — après son début. Il faut que tout soit figé comme le château de la Belle au bois dormant pour qu’on ait une chance d’avoir l’expérience du tréfonds.

Voilà où j’en suis. Une solution parfaite à la Chaux-de-Fonds, à condition de le faire pour un petit public et d’éventuellement de la doubler. Mais comment prévoir l’affluence ? j’ai compris que les gens ne s’inscrivaient pas à l’avance, que ça dépendait de la météo, etc.
A Neuchâtel solution risquée, intéressante je l’espère, mais pour laquelle il faut prendre des mesures draconiennes (pas un bruit). Sinon il y a aussi à Neuchâtel, des espaces de réserve où, si petit nombre, ça pourrait pour moi très bien se faire et se doubler (voir photos). J’ai raconté à Marianne, je crois, que, pour la conférence sur la poésie suisse (Vers le soir) que je donne maintenant dans des salons privés, que je devais initialement jouer en plein air sur la place du Château pendant le festival de la Cité à Lausanne, j’ai eu la chance qu’il pleuve à cordes (mot qu’on ne prononce pas dans les théâtres), ce qui fait que j’ai amené la cinquantaine de personnes qui avaient fait le déplacement sous la pluie dans ma loge voisine, heureusement vaste, sèche et calme et que le succès de cette forme vient de là (sinon ç’aurait été juste un bide — ce que ça a été le lendemain où il n’a pas plu suffisamment pour que je refasse le même coup).

Pardon de ce long mail. On peut se joindre plus rapidement par téléphone : 0033 6 ...

Très cordialement, 

Yves-Noël

* qui se trompe sur un point page 108, il parle du « tamis impeccable du goût » dont parlerait Baudelaire, mais le texte de Baudelaire parle, lui, page 111, du « tamis implacable du goût » (là, on reconnaît Baudelaire).

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