Sunday, June 22, 2025

Le lendemain du solstice, j’avais revu Nicolas Moulin. Il y avait des années (il était venus à mon spectacle d'Adieu à la Seine sur la péniche Pop et m'avait rappelé qu'on s'était vus aussi chez Marian Goodman lors de la sortie du livre de François Jonquet). Ils avaient quitté Berlin il y avait 6 ans, les loyers avaient doublés, mais au lieu, comme beaucoup d’autres de rejoindre Athènes, ils étaient, Marie et lui et leur gosse, Malik, maintenant 11 ans, silhouette identique à celle de son père, longiligne, cheveux longs sous casquette, dégingandée, sans qu’on comprenne si c’était l’enfant qui mimait le père ou le père l’enfant (un arrangement, un peu des 2 sans doute), eh bien, ils étaient venus s’installer dans le village d’enfance (de Nicolas), à Valmondois, dans le Val-d’Oise, à qqs kms d’Auvers-sur-Oise où Vincent Van Gogh avait fourni les 2 plus belles années de sa vie avant d’y mourir et dont on reconnaissait le regard, la présence, même dans les champs maintenant infestés de pesticides, d’engrais et de la destruction violente de l’agro-alimentaire (parler d’agriculture paraît trop beau)
 
Une des magies de Paris (qui en regorge), c’était aussi de pouvoir monter dans un RER, à la Gare du Nord (c’est-à-dire chez moi) et, comme un voyage dans le temps, de se retrouver, après 3 1/4 d’h, dans un village nervalien. Gérard de Nerval pour qui c’était déjà un voyage dans le temps que de revenir dans le Valois (un peu plus loin, en fait), en fiacre, après une représentation théâtrale dans laquelle il admirait une actrice, comme il en est fait le récit dans SYLVIE, l’une de ses meilleures nouvelles, écrite à la fin de sa vie (tirée de l’ensemble LES FILLES DU FEU). « Le narrateur est un jeune homme originaire du Valois monté vivre à Paris. Il y vit un amour chimérique pour une actrice de théâtre, Aurélie. Un soir, il décide de retourner sur les terres de son enfance. En chemin, il se remémore certains souvenirs de son passé : les femmes qu'il a côtoyées, le bonheur qu'il aurait pu saisir mais qu'il a laissé filer. En quelques heures, il revivra des scènes semblables à celles de sa jeunesse. Au cours du récit, les frontières entre le monde réel et un monde fantasmatique seront brouillées. »

Ça m’avait ému de voir le corps de Nicolas (que j’avais très bien connu) couvert des dessins de son enfant. Lui qui n’en voulait pas, d’enfant (ça lui avait été imposé par Marie), il en était immédiatement tombé amoureux. Il avait demandé à son fils de dessiner au feutre directement sur son corps et la taoueuse, ensuite, n’avait eu qu’à fixer les dessins ; l’enfant avait 4 ans quand il avait dessiné pour la première fois, il avait maintenant 11 ans. Nicolas aurait bien continué — il voulait un côté plein de tatouages et l’autre vide, mais la tatoueuse de toute confiance (une amie) avait bel et bien disparue

Nicolas Moulin avait répondu au sujet du bac philo dont Legrand corrigeait les copies : « Notre avenir dépend-il de la technologie ? » en disant : « Toute nouvelle technologie qu’on invente est forcément néfaste parce qu’elle nous dépasse. » C’était une très belle phrase, je l’avais notée. Il parlait d’un probable « plafond de verre », d’une régression énorme philosophiquement, de destruction, il disait : « On n’est pas mûrs pour les outils qu’on invente. »
Comme je lui demandais s’il était anar, il répondait : « Je ne crois pas assez au genre humain pour me définir comme anar. » « Je suis un peu anar, mais sans plus. » Il me parlait des peintres qu’il aimait, Félix Vallotton, le Suisse normand, et Walter Leistikow qui peignait des espèces de « coucher de soleil sur un lac », entre le sublime et le morbide

Labels: , ,

0 Comments:

Post a Comment

<< Home