Saturday, August 06, 2011

Jeanne Robet



est l'auteur d'une œuvre sonore hilarante que j'écoute très souvent (cliquer sur le titre).

Comme le vent mouvant

« Send an occasional visiting card to eternity or a few stanzas to the living
so they won’t suspect we know they don’t exist.
Sign them Sincerely Yours, Warmest Regards, Thinking of You or
Deepest Regrets. »

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Family vacation

Une famille enchâssée dans le paysage. Une famille qui a la possibilité (unique) de revivre éternellement son enfance. Pourtant, dès que la dépression est levée, tout devient merveilleux. D’écrire la phrase précédente, la première phrase a suffi à lever un voile, voir un sourire par la portière, voir un mouvement vivant sur le fauteuil. Il y avait aussi ce mot, cet example, trouvé dans le dictionary puisque je travaille mes mots anglais, to wreathe : his face was wreathed in smiles. J’essayais d’imaginer ce que c’était que ce visage couvert de sourires – de sourires au pluriel – ou bien alors entouré de sourires ; je comprenais mieux l’exemple : He sits wreathed in smoke. Oui, la fumée, la fumée du désespoir, je la comprenais. Je comprenais aussi wreath, le nom, an arrangement of flowers, leaves, or stems, fastened in a ring and used for decoration or for laying on a grave. Dans le TER, tout le monde lisait, tout le monde lisait calme. Tout le monde respirait, tout le monde respirait.



Plein de projets gracieux, les gens étaient. Le garçon, la fille. La campagne dernière, pleine de lourds mélanges nuageux, offrait « l’indiscernable paysage de mort », l’over-paysage, le débordement chu. C’était un flash de la remembrance. A flash of understanding or remembrance passed between them. J’avais envie d’aimer, c’était impossible, mais délicatement impossible – comme un filet de sang dans les veines d’un enfant. L’espoir intense.



Rennes, la pluie proposait des larmes de vie. Terminus.



« La découverte de la trahison est un nouvel état, qui ne peut nullement modifié les états « antérieurs », bien qu’il puisse en modifier le souvenir. » « Le malheur d’aujourd’hui n’est pas plus réel que la félicité passée. » Je n’avais plus d’encre dans mon ordinateur. Je recopiais des phrases, au hasard, en attendant que la lumière s’éteigne. Je recopiais les nouvelles phrases – là où j’en étais – du livre que j’avais ouvert. Il s’agissait – je me reconnaissais bien là – de « détricoter » le livre – cela prenait un temps fou. Le livre de le défaire.



Ulysse revenait de voyage et, moi, je détricotais sans fin les livres que je lisais. Je ne lisais plus de livre depuis un certain temps. Mon association s’appelait Le Dispariteur. Si ça n’avait pas été aussi complexe d’en fonder une nouvelle, je l’aurais appelée Plaster of Paris. (Je l’écris là pour m’en souvenir.) Maintenant que ma solitude est presque totale… que la lumière est presque éteinte. J’avais eu le temps, à la gare, de lire le très bel éditorial de Nicolas Demorand sur la nouvelle crise qui s’annonçait (en plein mois d’août !) J’avais relu aussi le petit article en première page de « Canard enchaîné » qui m’avait tant amusé. Sur les riches qui mettaient la main à la poche, « Les Tricolores dorés » (leur association) , « les dénégations des intéressés ». J’attendais de mourir, du moins, je pouvais l’écrire.



« Chaque instant est autonome. Ni la vengeance ni le pardon ni les prisons ni même l’oubli ne peuvent modifier l’invulnérable passé. » Encore une fois, j’admirais Borges de me parler à voix haute. Mais je pensais, cette fois, en général. Penser quelque chose, c’est toujours tomber, dans un livre, sur l’extrême identité de ce que l’on pense.



Désintégrer le temps, c’est cela qui est effrayant (épouvantable) dans le cercle de mon enfance – et cela qui pouvait être aussi le paradis (mais je n’y crois pas).



Il y avait une chose pourtant qui était vivante, c’était le pré ; délicieusement vivante, cette chose était le pré. Il y poussait des fleurs familières et pourtant sans nom. Des fleurs qui n’étaient pas dans le livre des plantes médicinales du Finistère, des fleurs qui ne servaient à rien – qu’à une très légère vibration de la vie (et sympathique). Mais le pré n’était pas tout à fait mon enfance, était son à-côté, son renouvellement, son ouvert, son amélioration. Les moutons avaient disparu, mais le pré était resté. Et, à l’époque, le pré était interdit, mais le pré était ouvert. Je m’éloignais du livre de Borges, je voguais dans le cerveau de mon voisin. Mon voisin familier et irrémédiablement obtus, l’enfant trouvé de la sagesse.



L’enfant, qui était-il ? Il me posait des questions, souvent. Il me posait des questions de temps en temps. Il s’endormait dans son nid. Il me demandait quand le train arrivait. Il n’était pas un sans-abri, mais il avait choisi de rester dans le sas, dans le sas où, moi, j’étais aussi pour retrouver un peu d’électricité, dans le sas au bruit ancien de rails. Il attendait un coup de fil. Le monde l’ennuyait, mais sérieusement. Il avait de grands yeux troublants, de grands yeux attachants. Il me rappelait Solal aux yeux immenses. Hedi Slimane aurait pu le photographier. Ce qui était agréable, c’est que nous n’étions rien l’un pour l’autre. Il dormait dans son nid.



(Brest-Paris.)

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Grand et petit

« Il n’y a pas d’idées, pas de thème, de sujet, d’objet, d’espace privé, ça n’existe pas. Il n’y a que des personnes et des choses, des faits, des grands et des petits, il y a vous, il y a moi, de la vie qui passe au travers, des actes, qui irriguent tout, discrètement, des regards, des gestes, des intentions à travers le tamis des petits riens si petits qu’on ne peut rien en dire. »

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