Friday, April 03, 2015

L ’Evénement pur


Hier, je revenais de Lyon, tard ; ce matin, j’avais rendez-vous chez le médecin, très tôt, et, après, j’avais pris un billet pour l’expo Velázquez, il m’a fallu attendre, errer encore autour du théâtre du Rond-Point fermé, de la boutique Dior fermée, je me suis assis sur un banc, je n’avais rien mangé trop et je suis entré dans l’expo Velázquez… C’était bondé comme dans le métro à l’heure de pointe et peuplé — ça qui était le plus effrayant — uniquement de vieillards ; c’était ça, le monde, c’était ça, le réel, c’était ça, Paris ; ça a été dur au début. Pour voir les tableaux, il me fallait passer entre la toile et la foule, à moins d’un  mètre, sans recul, et en essuyant les aigreurs. Mais, vous savez, tous ces gens presque morts, il s’est avéré — et rapidement — que les tableaux, eux, étaient presque VIVANTS. Et « vivants », vous savez ce que ça veut dire ? Non, vous ne savez pas si vous n’allez pas les voir, les tableaux de Velázquez, vous ne savez pas, personne ne sait, pas même ceux qui travaillaient avec lui, dans son atelier, avec la même technique et sous sa supervision : leurs tableaux à eux sont des horreurs — si les tableaux de Velázquez n’étaient pas là, on les trouverait sans doute sublimes. A quoi tient le génie ? à pas grand-chose. Il y a des tableaux qui rendent les autres moches et c’est inexplicable. Pourquoi ? parce que ces tableaux-là, nous ne leur sommes pas étrangers. Je voyais à quel point l’homme et la femme étaient beaux, l’homme et la femme dans leur invention... Tous des GRANDS de ce monde… Et les vieillards guettant la vie qui s’en réchappe…

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Q uand même les deux amants


« Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l'un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l'autre. Celui-là, ou celle-là, c'est l'opérateur ou le bourreau ; l'autre, c'est le sujet, la victime. »

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« Il n'est guère intéressant, par exemple, de raconter dans une longue nouvelle comment j'ai manqué ma vie en moisissant moralement dans un coin, faute d'un milieu approprié, déshabitué que j'étais de la réalité dans mon souterrain, et plein d'une animosité vigilante. Dans un roman, il faut un héros, mais ici on a rassemblé exprès tous les traits d'un antihéros ; et surtout, tout cela produira une impression déplorable, car nous sommes tous déshabitués de la vie, nous boitons tous, plus ou moins. Nous en sommes déshabitués à un tel point que nous éprouvons parfois une sorte de dégoût pour la « vie vivante », réelle, et c'est pourquoi il nous est insupportable qu'on nous la rappelle. Nous en sommes venus à considérer « la vie vivante » comme un labeur, presque comme une fonction, et nous estimons tous in petto qu'il vaut mieux vivre d'après un livre. Et pourquoi nous agitons-nous, pourquoi faisons-nous des folies, que demandons-nous ? Nous n'en savons rien nous-mêmes. Si nos folles demandes étaient exaucées, nous en pâtirions. » 

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L e Mexique


« Le voyage intérieur, mais dans des lieux monumentaux, dans des lieux où finalement on est renvoyé à soi-même. J’aime beaucoup cette idée finalement d’être renvoyé à son intimité dans un lieu qui vous est étranger et où on peut avoir, cela dit, un sentiment de familiarité, même avec des lieux, même dans des lieux où on n’a jamais été. » 

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Aujourd’hui Jeanne Balibar me dit : « J’ai besoin d’aide et une réponse par mail serait la bien venue ». Mon Dieu, ces virus…

S tage


Une définition de la liberté, elle est de Yannick Haenel : « Etre libre, c’est savoir entrer dans une pièce vide quand pourtant elle est pleine ». Et il ajoute : « C’est le sens du saut dans la vie ».

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O mniscience

   
« Toi qui ne saurais ni mentir ni errer, toi qui sais le terme fatal de toutes choses et tous les chemins qu'elles prennent, toi qui peux compter les feuilles que la terre fait pousser au printemps, et les grains de sable que, dans la mer ou dans les fleuves, roulent les vagues et les souffles des vents, toi qui vois clairement l'avenir et son origine... »

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A nniversaire


Bonjour Olivier, j'aimerais t'associer à cette date anniversaire (toute l'équipe y a pensé, on s'est tous envoyé un mot) : 1er Avril — je ne sais pas si tu en as vraiment conscience — est une des plus belles choses qui ait existé et reste vibrant, vivant plus que regretté. J'aimerais voir plus d'opéras, j'en ai vu deux à Lyon (la salle est plus facile d'accès). L'un des deux, c'est Orphée et Eurydice, mise en scène par David Marton, j'ai compris avec cet opéra et la manière dont il était monté (dédoublement du rôle d'Orphée, travail avec les chœurs, discrétion de l'illusion et sensibilité au réel...) comment on peut avoir du plaisir (et sans doute comment j'en aurais si cela m'arrivait) à monter un opéra... J'attends avec impatience de te revoir (le 27). 
Bises, 
Yves-Noël

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L 'Amour


Bonjour à tous !
Comme vous avez peut-être eu vent, ce stage a bien failli être annulé, il n’y avait personne. L’Afdas nous a porté le coup fatal en l’affichant sur son site le jeudi précédent le lundi de la deadline d’inscription. Personne n’a donc été choisi. In extremis, après avoir, avec les Chantiers Nomades, décidé d’ouvrir quand même avec le minimum d’inscrits et en ayant accepté les absences nombreuses des uns et des autres — ce que je n’accepte jamais —, de tout le monde peut-être, j’ai renoncé à savoir s’il y avait même une personne qui restait la totalité du temps à part Erik et moi —, j’ai lancé un appel à des garçons pour compléter en « auditeurs libres » le groupe exsangue et nous arriverons péniblement (et un seul jour sur le papier) à seize personnes (nous commencerons à huit ou neuf). Bref, ça a ramé fort. C’est pour moi la dernière fois que je travaille avec l’Afdas, ce ne sont pas des professionnels. Je crois qu’il y a un détournement massif de l’argent lié à la « formation continue », ou, tout au moins, une gabegie. Il s’agit de dizaines de milliards. Mais on n’en parle pas, on ne parle que de l’intermittence ; on ne parle pas de ça parce qu’une grande partie de cet argent, me dit-on, va financer les syndicats... Bref, ce que nous avons à faire, c’est exactement de transformer cette situation « de merde », comme dit Zlatan, en situation « de luxe ». Inverser. Alchimie. C’est ce que je fais quand je produis un spectacle : nous n’avons pas d’argent, pas de temps, etc., tout un lot de contraintes diverses et variées, que du plomb, mais nous devons exactement substituer à l’avarice du monde un luxe impénétrable, désiré, volontaire, mettre toute la faveur de la défaveur en notre faveur, la décharger à nos pieds et « aimer ce que nous sommes » (Christophe). C’est ce que je vous propose. Chaque stage est une réinvention. Pourquoi pas cette situation ? Cette cacophonie que nous aurons sûrement (le projet initial que nous portions depuis un an, les Chantiers Nomades et moi, n’ayant pas porté ces fruits), cette disparité dans les présences et les niveaux (que j’imagine), tout cela qui nous retiendrait, nous semblerait cache-misère, le gruyère des absences, toute cette pénibilité, cet impossible même doit, au contraire servir. Idéalement servir une situation rêvée, paradisiaque. Pourquoi cet impossible serait-il de l’or ? Eh bien, parce que nous travaillons avec le hasard. Sans le hasard, ce n’est rien, l’art, croyez-moi sur parole. Donc cette situation ô combien de hasard, si nous gardons ce cheval entre nos jambes, peut nous enchanter. « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve », dit le grand poète allemand Hölderlin. Car nos atouts sont énormes aussi. Nous voulons, à partir du désastre, réinventer une disponibilité nouvelle, une clarté. Je vous y aiderai, ce sera facile. Il suffit de déprogrammer ce pour quoi nous sommes socialement programmés : le découragement. Nous serons aidé par trois personnes. Erik Billabert, sondier — avec qui j’ai joué Monsieur Villovitch, Blektre, Yves-Noël Genod, Haschich à Marseille… Wagner Schwartz (la première semaine), danseur et comédien avec qui j’ai joué Chic by Accident, Un petit peu de Zelda (version Vanves), Thomas Gonzalez (la deuxième semaine), chanteur et comédien avec qui j’ai joué La Mort d’Ivan Ilitch. Trois personnes de très grand talent — de ce côté-là, rien à redire : distribution parfaite — et trois amis merveilleux. N’oubliez pas vos partitions, vos textes, ce dont vous aurez besoin. Vos films. Mais ne prenez que ce qui est le plus beau, Shakespeare, la Bible, Homère ou Tchekhov (etc.), pas les contemporains de derrière les fagots qui ne nous aideront pas, les pauvres (en règle générale). En peinture, allez voir Velázquez, par exemple (j’en sors), les autres, c’est juste pas la peine. Prenez les plus belles scènes (les plus connues), les plus beaux airs, n’ayez pas peur : ce sont les plus faciles. Apportez des vêtements, pareil, ce que vous avez de plus beau, robes de peinture ou tenues de Gala, Velázquez, Manet, Zurbarán, smoking pour les garçons ou costard chemise blanche, chaussures, cravate ou papillon, etc. perruque, armes, armures, robes de moine, animaux, tout ce qui est beau, rare et menacé. Si vous n’avez rien, venez avec rien, slips blancs sans logo si possible (à l’ancienne, c’est rare). Tout est possible, cela dit, Andy Warhol a bien fait de l’art avec les produits bidon de cette société « de merde » (et, après lui, Ryan Trecartin…) De toute façon, ne vous chargez pas — ou pas trop. Que de l’utilisable, si vous avez un doute ne prenez pas. Perruques (mais belles), maquillages, etc. Ce qui vous va, haute couture ou haute simplicité. Dans le spectacle qui a inspiré ce stage, il y a un an, 1er Avril, aux Bouffes du Nord, j’avais l’habitude de répéter aux interprètes : « L’idéal, ce serait des costumes avec personne dedans ». Oui, le costume est important, l’apparence ; pour le reste, « l’homme est le songe d’une ombre * » (Pindare) ; ce qui n’empêche pas les intensités. Au contraire. Les morts. Les orages. Vous vous laisserez vivre, vous ne chercherez à faire que ce que vous savez déjà (c’est bien assez !) Instruments de musique souhaités. Vous n’apprendrez rien. Vous ne tricherez pas. Vous jouerez (= vivre). Vous ne pourrez pas faire semblant d’être mort. Ce sera immédiat. Le stage sera fait en un jour (et ensuite le Seigneur se repose). Chaque jour des nouvelles arrivées sera donc de nouveau le premier jour. On ne décollera pas du premier jour. Nous n’aurons jamais le temps de décoller du premier jour. « L’état de l’apparition » (Duras). Vous vous mettrez dans cet état : tout, tout de suite et n’en sortirez pas. Rien d’autre que l’état de l’apparition. Aucune recherche, aucun arrangement avec la vérité, que pénètrent dans vos «  cœurs l’amour de la concorde, l’horreur de la guerre civile » (Pindare encore) — passez de bonnes fêtes de Pâques !

Yves-Noël

* « Êtres éphémères ! L'homme est le rêve d'une ombre. Mais quand les dieux dirigent sur lui un rayon, un éclat brillant l'environne, et son existence est douce. »

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Bonjour Madame, Monsieur, 
Merci de prêter attention à ma demande. Je me présente : je suis un metteur en scène de spectacles qu'on peut catégoriser autant dansés que théâtraux : de théâtre chorégraphié, peut-on dire, en tout cas entrelaçant les interprètes de toutes les disciplines, danse, théâtre, chant, musique, acrobatie. A la demande de Gwenaël Morin, j’ai l’honneur de m'occuper du théâtre du Point du Jour (dans le cinquième arrondissement) pendant un peu plus de quatre mois : de fin août à décembre 2015. Je vais y présenter plusieurs spectacles, des reprises et des créations. J'aurais aimé rencontrer des interprètes résidant sur Lyon qui pourraient être disponibles pour le genre de travail que je propose, très ouvert, très libre et dont vous avez quelques traces ci-dessous. Je suis à Lyon pour des essais du 19 au 24 avril prochains. Pourriez-vous diffuser cette information à vos étudiants en fin d’année d’étude (donc libérés à l’automne) ou à vos anciens étudiants ? 
Si vous souhaitez de plus amples informations, vous pouvez me contacter à cette adresse : ledispariteur@gmail.com ou joindre le théâtre du Point du Jour : 04 72 38 72 50 / communication.theatrepermanent@gmail.com
Veuillez recevoir, Madame, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les meilleurs, 
Yves-Noël Genod

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