Q uelques jours après le soleil dure encore
Dans la rue, les silhouettes postées dans la lumière me rappellent ton si beau spectacle. D’ailleurs, je suis assez fière d'habiter le seul quartier que Charo connaisse à Paris car il a « des amis à La Chapelle ». J’ai été émerveillée par la journée toute entière de dimanche, ça m’a requinquée. En fait, ces dernières années, j’avais l’impression d’être un peu seule à faire ce que je faisais, ça a commencé à me peser, à poser problème, cette solitude, cette illusion en fait, d’artiste « maudite » rejetée par la société — jusqu'au point d'arrêter ce qui ressemblait trop à une carrière en déclin (mon spectacle d’adieu est vieux déjà de plusieurs années). Mais j’ai vu ici, avec ton spectacle si gracieux, qu’il était aussi complètement proche de moi que je puisse le désirer. Ou aussi ressemblant à ceux de La Ribot à laquelle il m’a fait penser — et ce n’est pas un mince compliment : c’est mon idole.
Ça a été l’heureuse sensation de légèreté de voir dimanche que cette sensation de solitude était imaginaire…
Tout à l’heure, j’ai voulu prendre un cours de danse (classique !), mais ce cours n’a pas lieu le mercredi, je l’oublie souvent ; alors, je suis entrée dans une librairie et j’ai trouvé un livre pour passer le temps. Ce livre s’appelle Les Œuvres de miséricorde et il commence en préambule par citer ces sept impératifs moraux édictés à une époque par l’Eglise chrétienne : « Donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, loger les pèlerins, visiter les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts ». J’ai encore pensé à toi et à ton spectacle. Dans l'Evangile de Matthieu, il est écrit : « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites ». Pardon de te parler en des termes remémorés cet après-midi, à toi que j’imagine bien laïque, je le suis aussi, mais, parfois, la mémoire revient et nous ne sommes certainement faites que de citations...
De toute façon, quelle merveille d’avoir l’impression d’avoir rencontré personnellement cette troupe, ces gens que tu as mis en scène et qui me restent inoubliables !
On voudrait un rendez-vous comme ça tous les ans (j’ai proposé), même tous les mois ! Ne serait-ce que pour comprendre où on en est de la miséricorde (tiens, le nouveau film d’Alain Guiraudie dont on parle beaucoup porte ce titre)...
Bon courage et à bientôt, je l’espère !
Je t’envoie des photos plutôt sur ton tél,
Marie-Noëlle
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