Tuesday, March 17, 2015

U n extrait de ce qui a été prononcé à Pau


« …la solitude, la communion, l’amitié, la haine, l’amour, la pitié, l’éclat de rire, le sanglot, le hurlement, le râle, l’extase… »

« La vue du ciel profond est, de toutes les impressions, la plus rapprochée d’un sentiment. C’est plutôt un sentiment qu’une chose visuelle, ou plutôt c’est la fusion définitive, l’union entière du sentiment et de la vue » dit Samuel Taylor Coleridge. »

« Si quelqu’un traversait le paradis en songe et qu’on lui donne une fleur comme preuve de son passage, et qu’au matin il trouva cette fleur dans sa main, que dire alors ? »

« Il n'y a pas de poésie antécédente à l'acte du verbe poétique. Il n'y a pas de réalité antécédente à l'image littéraire. L'image littéraire ne vient pas habiller une image nue, ne vient pas donner la parole à une image muette. L'imagination, en nous, parle, nos rêves parlent, nos pensées parlent. Toute activité humaine désire parler. Quand cette parole prend conscience de soi, alors l'activité humaine désire écrire, c'est-à-dire agencer les rêves et les pensées. L'imagination s'enchante de l'image littéraire. La littérature n'est donc le succédané d'aucune autre activité. Elle achève un désir humain. Elle représente une émergence de l'imagination. »

« L'image littéraire promulgue des sonorités qu'il faut appeler, sur un mode à peine métaphorique, des sonorités écrites. Une sorte d'oreille abstraite, apte à saisir des voix tacites, s'éveille en écrivant ; elle impose des canons qui précisent les genres littéraires. Par un langage amoureusement écrit, une sorte d'audition projetante, sans nulle passivité, se prépare. La Natura audiens prend le pas sur la Natura audita. La plume chante ! »

« Comme elle est injuste, la critique qui ne voit dans le langage qu'une sclérose de l'expérience intime ! Au contraire, le langage est toujours un peu en avant de notre pensée, un peu plus bouillonant que notre amour. Il est la belle fonction de l'imprudence humaine, la vantardise dynamogénique de la volonté, ce qui exagère la puissance. A plusieurs reprises, au cours de cet essai, nous avons souligné le caractère dynamique de l'exagération imaginaire. Sans cette exagération, la vie ne peut pas se développer. En toutes circonstances, la vie prend trop pour avoir assez. Il faut que l'imagination prenne trop pour que la pensée ait assez. Il faut que la volonté imagine trop pour réaliser assez. »

« L'imagination […] trouve plus de réalité à ce qui se cache qu'à ce qui se montre. »

« L'imagination créatrice a de tout autres fonctions que celles de l'imagination reproductrice. À elle appartient cette fonction de l'irréel qui est psychiquement aussi utile que la fonction du réel si souvent évoquée par les psychologues pour caractériser l'adaptation d'un esprit à une réalité estampillée par les valeurs sociales. »

« Ainsi une statue, c’est aussi bien l’être humain immobilisé par la mort que la pierre qui veut naître dans une forme humaine. La rêverie qui contemple une statue est alors animée dans un rythme d’immobilisation et de mise en mouvement. Elle est naturellement livrée à une ambivalence de la mort et de la vie. »

« Les mots — je l'imagine souvent — sont de petites maisons, avec cave et grenier. Le sens commun séjourne au rez-de-chaussée, toujours prêt au « commerce extérieur », de plain-pied avec autrui, ce passant qui n'est jamais un rêveur. Monter l'escalier dans la maison du mot c'est, de degré en degré, abstraire. Descendre à la cave, c'est rêver, c'est se perdre dans les lointains couloirs d'une étymologie incertaine, c'est chercher dans les mots des trésors introuvables. Monter et descendre, dans les mots mêmes, c'est la vie du poète. Monter trop haut, descendre trop bas est permis au poète qui joint le terrestre à l'aérien. Seul le philosophe sera-t-il condamné par ses pairs à vivre toujours au rez-de-chaussée ? »

« La première tâche du poète est de désancrer en nous une matière qui veut rêver. »

« Dans la contemplation, l'être rêvant apprend à s'animer de l'intérieur, il apprend à vivre le temps régulier, le temps sans élan et sans heurt. C'est le temps de la nuit. »

« L'imagination a besoin d'un allongement, d'un ralenti. Et en particulier, plus que tout autre, l'imagination de la matière nocturne a besoin de lenteur. »

« Le ciel étoilé est le plus lent des mobiles naturels. »

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Q ue reste-t-il de vos amours ?


Il y a un très beau stage qui se prépare, il reste des places. Il reste des places parce qu’il est destiné plus particulièrement aux chanteurs lyriques et aux musiciens. J’avais lancé ça dans l’enthousiasme de 1er Avril, aux Bouffes du Nord, l’année dernière (où j'avais travaillé avec mes amis Jeanne Monteilhet, Bertrand Dazin, Mario Forte, Louis Laurain). Mais depuis un an, je n’ai pas tant que ça rencontré d'autres chanteurs ou d'autres musiciens. Si vous en connaissez, transmettez… Le stage est ouvert aussi aux autres interprètes, toujours en privilégiant, pour ce stage, les « techniques » : circassiens, danseurs, comédiens expérimentés… (ou alors quelques fleurs, des coquelicots, c’est toujours bien, en cette saison). Il a lieu dans un très bel endroit, la maison Maria Casarès, en Charente, avec une salle (paraît-il) de très bonne acoustique. Deux assistants sont prévus, Erik Billabert avec qui j’ai beaucoup travaillé et qui proposera un environnement sonore permanent, dans la veine de ce que Benoît Pelé a proposé aux Bouffes du Nord, et un chef de chant encore à trouver. Ce que l'on y fera est une expérimentation. Il est très difficile de parler du travail que je propose à ceux qui ne l’ont pas vécu, ressenti (spectateurs comme interprètes), il ne s’impose pas, mon travail, c’est même sa qualité première. Il est comme l’eau ou le gaz, il prend la forme du contenant. « Le travail consiste à activer une faculté de perception, présente chez tous mais plus ou moins empêchée, notamment par l'hyper-mentalisation. Ce mode de connaissance ne s'oppose en rien à la connaissance mentale : il est d'ordre supra-rationnel, ce qui n'a rien à voir avec l'irrationnel. » J'ai trouvé cette phrase quelque part, on dirait que ça en parle. J’ajouterai un thème (non exclusif) :  « Que reste-t-il de vos amours ? »

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D ans le lit que tu as touché


Je dors et je me réveille dans le lit que tu as touché. Ton corps s’est contorsionné comme un animal bizarre dans le lit que tu as touché avec les draps que j’avais changés, je dors et je me réveille un jour après dans le lit où tu es demeurée un moment, un instant, quand le ciel s’est déchiré, éclairé, que les signes se sont rassemblés, en faisceau, qu’ils ont agi, qu’ils t’ont agi… que tous les signes ont « dit » : « Tu passes par là, maintenant » (tu n’as pas eu le choix). Tu t’es retrouvée ballottée d’une rencontre à une autre, d'un théâtre à une fête, d’une fête à ce lit dont je me suis dépêché de changer les draps, je ne t’attendais pas, on n’agit pas, depuis des années...

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O Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !


Yves-Noël,
quand j'étais en réanimation sous un amas de tuyaux, vendredi, je me récitais « O Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !... », bercé par les multiples alarmes de toutes espèces qui signalaient ma vie aussi bien que celles de mes voisins des chambres d'à côté. Je respirais sous oxygène, essayant de réguler mon rythme. Je n'étais ni conscient, ni inconscient. Ailleurs. Lucidité machinale.
C'est le service le plus neuf de la Salpêtrière et on dirait un vaisseau spatial. Quand on y entre, on ne sait où il vous conduira. J'en suis sorti.
Amitiés.
Philippe

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L e Voyage à Pau



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R icky et la sueur


Ricky me parle d’un suicide collectif (« collective suicide ») dont il a entendu parler. Il vivait, en Californie, dans une famille d’accueil. Un jour ils s’étaient tous fait arrêter et menottes aux pieds, hein ! C’était une famille de dealers. Mais il me jure que ce n’est pas lui qui les a dénoncés. Ils cultivaient des plantes à une assez grande échelle et le fils, son frère d’accueil était chargé d’écouler la marchandise. Le fils avaient tout révélé. Mais non, ce n’était pas Ricky qui avait prévenu la police. Evidemment que non ! Mais, lui, de tout façon, il a horreur de la drogue. Les drogues dures ne lui font aucun effet. Rien. Il n’a aucune odeur corporelle, ça aussi, il l’invente. « Mais ta merde, elle sent pas ? » Il me regarde d’un air condescendant. La merde, si, ne dis donc pas de bêtise. « Et ta pisse, et ton sperme ? — Oui, bien sûr, mais, tout ça, ce sont des fluides, mais je veux dire pas d’odeur corporelle. — Pas la sueur, tu veux dire ? » Oui, voilà, pas la sueur. Rien. La sueur, elle sent absolument rien. Je ne peux pas vérifier, mais il m’assure qu’un de ses amants s’en plaignait. Ses vêtements ne sont jamais souillés, de fait, et lui non plus. Sa sueur, c’est comme de l’eau. Pas de douche, pas de lessive. La personne chez qui nous nous sommes rejoints se plaint du parfum très fort dont il s’est aspergé. Ricky ne va ni au théâtre ni au cinéma, il va toujours « entre les deux ». Il dit : « Quand je serai président du monde, je supprimerai les matins… »

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« Si vous pensez que tout est sous contrôle, vous ne conduisez pas assez vite. »

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« Le monde appartient aux personnes créatives — elles voient des possibilités partout et recueillent constamment des informations qui deviennent un prétexte à l’expression créative. Comme disait Henry James, « rien n’est perdu chez un écrivain ». 
L’écrivain Joan Didion avait toujours un petit cahier sur elle, et elle écrivait ses observations sur les gens et les événements qui pourraient à terme lui permettre de mieux comprendre les complexités et les contradictions de son propre esprit:
« Quand nous enregistrons ce que nous voyons autour de nous, que ce soit scrupuleusement ou non, le dénominateur commun de tout ce que nous voyons est toujours, effrontément, l’implacable ‘je’ », écrivait Didion dans son essai On Keeping A Notebook. »

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Aujourd’hui, si je tiens mon journal, je dirai… « Nous avons traversé la France, en voiture, ça nous a pris la journée et nous sommes arrivés à la tombée de la nuit dans une petite station de ski où il pleuvait et où la neige fondait. Nous avons fait une bataille de boules-de-neige avec les enfants, devant le syndicat d’initiative, puis une autre devant la résidence, puis les enfants ont fait de la luge pendant que nous déchargions la voiture. La voiture était chargée de tout ce qu’on peut imaginer, exactement comme dans la lettre de Charles Baudelaire… On avait même des couettes et des oreillers car Jeanne avait vu sur le site qu’il fallait apporter tout ça — ce qui n’est pas le cas. »

L a Distraction


De l’amour, je craignais l’arrivée massive. Alors j’écrivais ça : « De l’amour, je craignais l’arrivée massive ». Je savais ce que je faisais là, je veux dire sur cette page. Je ne faisais que me plaindre, me plaindre à voix basse, à voix inaudible. La douleur, la douleur dans la journée, dans la nuit, la douleur de vivre… la douleur, forcément me disait, me faisait la place pour qqch. Non, c’était parti… déjà...
j’étais distrait…

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« « Etre un saint à l’intérieur de soi-même », dit Baudelaire. »

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L a Birmanie


— Vraiment j’ai vécu quelque chose d'étrange, j'étais en Birmanie pendant un mois et je pensais tout le temps à toi, dès que je voyais quelque chose de beau j'imaginais que tu prenais possession de mon cerveau et que tu voyais la vision, à chaque fois je me disais « J’aimerais qu'Yves-Noël voit ça »... c'était très perturbant
— Tu devrais me mettre dans tes bagages. Moi, je vais au Mexique deux mois (mai-juin), t'as qu'à venir...
— J'aimerais bien, mais je ne peux pas. Par contre, j'aimerais passer quelques jours avec toi cet été pour que tu me fasses découvrir ma féminité
— Oh... je vais te bouffer le cul, oui...
— Oooohhhhh ouiii... je bande
— T'es même pas allé en Birmanie, je pense !
— Si, c'est vrai et je t'assure que dès que quelque chose me bouleversait, je me sentais possédé par toi, comme si ton aura me remplissait pour profiter de mon expérience, visuelle ou physique
:-)
Franchement je t'aime, tu m'habites quelques fois

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« Qui es-tu, toi, voyeur d'ombre ? »

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