Friday, July 04, 2014

Ce soir, pendant les hurlements du match France-Allemagne et la parade en berne du festival off (marche silencieuse), générale ouverte du spectacle Rester vivant (un spectacle dans l’air du temps puisqu’en plus de son titre bien explicite, il se joue dans un noir de tombeau) à 19h, 13, rue de la Croix.

Labels:


(M arie Plantin sur Première)


On l’avoue d’emblée, nous n’avons pas vu ce solo d’Yves-Noël Genod qui porte le titre attrayant de Rester vivant et s’annonce comme une variation de proximité autour des poèmes de Charles Baudelaire, mais nous connaissons l’art précieux de cet homme de théâtre hors du commun. Metteur en scène, comédien, danseur à ses heures, Yves-Noël Genod a le don de sculpter l’espace et le temps du théâtre dans la chair du vivant, dans l’éther de l’âme, dans le feu de nos passions. Ses spectacles ne ressemblent à aucun autre, ils sont des rêves suspendus, des vibrations sensuelles, des effractions de beauté. Des révélations. Autre talent de ce prince sans couronne, vagabond des plateaux, amoureux de champagne et de Rimbaud, le don de dire le verbe des poètes avec une grâce nonchalante exquise. Baudelaire peut dormir tranquille, ses vers sont entre de bonnes mains.

(Marie Plantin)

H omme Animal'Sol


J'ai enfin écouter ton ACR, d'Avignon, fenêtre ouverte sur le fleuve. Il est très bien  ! planant ! il m'a calmé, en tout cas... et instruit ! J'aime bien penser aux animaux, moi aussi, aux sangliers et aux chevaux...
Je pense aussi souvent à toi en ville (à Paris) parce que je suis devenu, comme tu l'étais, hypersensible aux bruits urbains, aux aigus, je suis obligé maintenant de sortir avec des filtres (des prothèses qu'on m'a faites sur mesure)...

Je t'embrasse, très chère, 

Yves-Noël

(C'est pas vraiment moi sur l'image, je le reconnais, mais, en revanche, c'est un peu toi.)




Haha, très marrant ! :-) Tu as toujours su trouver des images qui me ressemblent (comme le Bacon). 
Et j’aime bien recevoir tes petits mots. Je ne suis pas sûre que cet ACR soit une réussite, mais enfin il y a quand même dedans des petites choses à grignoter... Je t’embrasse. Merci pour ton attention. Ça me surprend qu’on t’ait fabriquer des filtres pour tes oreilles d’âne. Paris, tu sais bien, ça use. 
Bye et bel été.

Anne

Labels:

Cher Yuval, J’ai rêvé que tu venais de Los Angeles, tu voyais mon spectacle et que, finalement, tu repartais ensuite immédiatement à Los Angeles, déçu du festival. Je trouvais que c’était quand même énorme le coût de ton enthousiasme, je me disais que, si tu m’avais dit que tu ne resterais pas, je t’aurais quand même découragé à venir… En commençant d’écrire, je me souvenais encore d’une chose de mon rêve que je voulais te dire et que j’ai oubliée à présent — rêve qui ne m’est d’ailleurs revenu en partie que parce qu’au réveil, il y a donc quelques minutes, j’ai lu le récit d’un rêve de Charles Baudelaire. Ça va être très difficile de « faire un pas hors du rang des assassins » (faire un bond, sauter), cette année, au festival d’Avignon : les assassins sont réveillés, actifs et morts, il ne s’agit plus de ruse pour profiter de leur sommeil… « Il y a une phrase d’un de mes écrivains préférés, c’est Kafka (...) Il parle de l’acte d’écrire, il dit qu’écrire, c’est sauter en dehors de la rangée des assassins. Pour moi, jouer c’est ça. (...)
Les assassins, contrairement à ce qu’on pourrait croire, sont ceux qui restent ds le rang, qui suivent le cours habituel du monde, qui répètent et recommencent la mauvaise vie telle qu’elle est.
Ils assassinent quoi ? Le possible, tout ce qui pourrait commencer, rompre, changer.
Kafka dit qu’écrire, l’acte d’écrire, c’est mettre une distance avec ce monde habituel, la distance d’un saut.
Il dit, sauter en dehors, sauter ailleurs. Ça suppose un point d’appui ailleurs. Jouer... c’est inventer qqch, un point d’appui, qui soit ailleurs, qui permette de saisir d’où on vient, d’où vient ce monde, le vieux monde des assassins.
Si on ne fait que redire, recommencer, répéter... on n’en sort pas, quel intérêt.
Sauter, je trouve ce mot tellement juste, sauter, on le voit, c’est un acte, un acte de la pensée, une rupture, ça n’est pas une simple accumulation, un processus linéaire, on continue, on continue et voilà ça se fait tout seul. Non. Il faut se décoller. » Et Leslie Kaplan à qui j’emprunte ces lignes ajoute : « Penser la politique, pour un écrivain, c’est penser comment une conception politique intervient DANS SON TRAVAIL D’ECRIVAIN. » Penser la politique, pour un acteur, c’est penser comment une conception politique intervient DANS SON TRAVAIL D’ACTEUR. L’acteur est en dehors des lois du travail, c’est sa chance. Il est le paria de la société, rien n’a changé depuis Molière ; c’est toujours Louis XIV, le chef. La preuve, comme tu sais, la voici : j’ai réalisé 50 spectacles à ce jour, jamais — sauf très rares exceptions — je n’ai pu payer un artiste, un interprète pendant le temps des répétitions et jamais — absolument jamais — pendant ce même temps, il n’y a eu un technicien qui n’ait pas été payé. L’écrivain, en général, ne touche pas un centime de son livre, mais son livre fait vivre son éditeur, les filles dans les bureaux de son éditeur, l’imprimeur et son personnel, la FNAC et ses libraires, etc. L’acteur, c’est pareil. Que le personnel et les techniciens du festival d’Avignon — puisque je l’ai sous les yeux —  veuillent empêcher — et d’ailleurs pour de très bonnes raisons apparentes — l’acteur de jouer fait le jeu du patronat et du gouvernement. L’acteur est le paria de la société et ce n’est pas le fait de fréquenter en ce moment Charles Baudelaire qui peut me faire changer d’avis. Il y a le réel et il y a le ressassement, la répétition. « Faire de la politique », c’est sauter hors du rang des assassins, c’est devenir paria. Il n’y a pas de protection à espérer tout comme dans l’enfer de Dante il est écrit à l’entrée.
Je t’embrasse, très cher,


Yves-Noël

Labels: ,

O rage et prison


« Je place l’acte de théâtre au sommet de ce que l’on peut faire comme geste politique. »

Labels:

E n solidarité


Est-ce que ce spectacle sera traversé par la beauté de la grève, l'exaltation de la rupture, le frisson du danger à soi dans le danger ?
Frédéric

J'en ai bien peur... En solidarité avec les grévistes, il se joue dans le noir absolu, pas de spectacle, les ténèbres, le caveau ; en solidarité avec les grévistes, il est gratuit ; en solidarité avec les grévistes, il est chiant (pas drôle) et, en solidarité avec les grévistes, il s'appelle Rester vivant, ce sera donc un spectacle de survie, comme est l'époque, la pré-guerre... De plus, le mot « grève » y sera explicitement prononcé comme dans ce vers : « En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève ». De plus, il me coûte plusieurs années d'économie (20 000 €) ; ma contribution au piquet de grève représente alors, d’après moi et vu mon niveau de vie (pas tout à fait l'Opéra de Paris ou encore la télévision), un sacrifice peut-être passablement conséquent. Mais il est vrai qu’il s’agit plus d’un potlatch qu’un sacrifice (j’ai même le projet — anachronique ! — d’offrir du bon champagne). J'ajoute encore, comme une remarque subsidiaire, que, depuis 11 ans, je n'ai jamais pu — sauf très rares exceptions — payer aucun artiste au moment des répétitions de mes nombreux spectacles (et nombreux artistes), que, pendant le même temps, en revanche, j'ai toujours remarqué que pas un des techniciens (ou du personnel en général) n'était jamais pas payé. J'ai remarqué que personne ne parle jamais de cette disparité : les techniciens du spectacle sont protégés par les lois du travail, mais les artistes sont toujours les parias de la société comme du temps de Molière, rien n'a changé, Louis XIV est toujours le chef, et l’église et la morale, et se battre contre Louis XIV ou le MEDEF continue l’ordre des choses. Etre artiste, être acteur, c’est tout à fait autre chose : c’est « sauter hors du rang des assassins ». C’est-à-dire que ce rêve de rupture auquel tu fais allusion, c’est ici et maintenant, c’est jouer. Ou écrire pour un écrivain (Franz Kafka). Ou peindre pour un peintre (Henri Matisse, dans une lettre à son fils à la veille de la seconde guerre mondiale : « Si tout le monde faisait son métier comme Picasso et moi faisons le nôtre, tout cela ne serait pas arrivé »).  Les acteurs le savent : jouer, c’est respirer. Si on ne joue pas, le sol se dérobe. C’est survivre. Ce n’est pas « travailler » à la société et à ses lois. Ce matin, je viens de changer sur une chose : je soutenais jusqu’à présent les annulations des spectacles du festival in programmé par Olivier Py, parce que je les pressentais comme exécrables... Mais j’ai vu hier une demi-heure de la générale du Prince de Hombourg dans la cour d’honneur et, je ne sais pas, était-ce la menace de ne pas jouer ? la mort du festival qui rodait ? mais le spectacle — j’étais au dernier rang — m’a vraiment ému. La pièce est si incroyablement belle, aussi, dont j’entendais des bribes… Le spectacle (dont je n’ai aperçu qu’une demi-heure) avait qqch, comme dit Charles Baudelaire, de « ténébreux et discret ». Faire un pas hors du rang des assassins, c’est une question de vitesse et de disparition, de jeu — le beau de l'air...

Voilà, je te dis ça, mais c'est parce que c'est toi, mon amour, 

Yvno

Labels: ,