Monday, October 01, 2018

L ’Industrialisation de la vision


Cher Théo, comme c’était dur d’accoucher et pour si peu de résultat le commencement d’un toucher à ton texte, mais il y a, dans ce peu, une réussite, je la vois en retrouvant plus fort maintenant les grands ainés, Racine, Guyotat (dont je lis le livre nouveau, Idiotie) : comme un approfondissement de la littérature, de ma perception de la littérature dont ton texte a été et continue d'être l’une des portes, celle que je pouvais prendre. 
Je repense à toi aussi en retombant sur ce vers de Mallarmé : « Comme mourir pourpre la roue ». 
Je repense à toi en continuant de travailler à la dramaturgie de ton texte (à ce qu’il me révèle), en lisant, par exemple, La Vitesse de libération, de Paul Virilio, en particulier le chapitre : « La convoitise des yeux ». « La vision n’est plus la possibilité de voir, mais l’impossibilité de ne pas voir » (le défilement optique ne cessant plus). Et cette phrase, déjà, du prophète Franz Kafka : « Le cinéma, c’est mettre un uniforme à l’œil ». « A l’époque où chacun s’interroge à juste titre, dit encore Paul Virilio, sur la liberté d’expression et le rôle politique des médias dans notre société, il paraît souhaitable de s’interroger aussi sur la liberté de perception de l’individu et les menaces que fait peser sur cette liberté l’industrialisation de la vision. »
T’embrasse, 
Yvno

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B aisse d'intensivité de la diffusion des apparences


Suicide : non, je te l’interdis ! 
Tu connais le mot de Cioran, on me l’a cité il y a quelques jours : «  Pourquoi nous retirer et abandonner la partie, quand il nous reste tant d'êtres à décevoir ? » Il est vrai que tu n’es pas parti pour décevoir les autres, toi…
Lâche aussi, je te l’interdis ! Ça n’existe pas en temps de paix. Il n’y a qu’en temps de guerre, dit-on, qu’on peut s’en apercevoir et on ne le sait pas d’avance (si l'on est un salaud ou un héros). Ne pas te juger.
Oui, Nerval, c’est sublime. Qu’est-ce que j’ai lu l’autre jour ? Ah, je ne retrouve plus. Ça devait être une citation dans le dictionnaire, mais je ne sais plus de quel mot… Pourtant je vois la phrase… aux allures de papillon, de tissu froissé...
Sinon autre argument. Il y a quelques jours, un ami qui trouvait sans doute que j’avais écrit un texte un peu désespéré pour présenter mon spectacle de Marseille (que tu n’as peut-être pas reçu *, la moitié de mes envois passe à la trappe) m’a envoyé une phrase de Thoreau (tu sais, celui qui vit dans les bois) : « Ne pleure pas mon enfant car où donc celui qui te désignera la partie restée inachevée de ton œuvre ? »
Viens faire du piano à Lausanne ! J’y donne un spectacle de quatre heures sur Baudelaire et Racine, c’est fin octobre-début novembre, on pourrait bien rajouter une demi-heure (au point où on en est) pour que tu joues ! faire de ta musique inouïe au milieu d’un art poétique et lumineux extrême (Baudelaire se donne dans le noir total et Phèdre sous un ciel baroque…) 
Je suis content d’avoir de tes nouvelles, même si elles marquent une inquiétude. Je vais bien. Je travaille. Je m’étonne du monde (qui me saoule à Paris où je n’ai pas assez de protection). C’est mal barré (encore une raison de ne pas se tuer aujourd’hui : ce sera pire demain).
Je t’embrasse, 
Yvno

* Marseille, ville de province extrême, recèle dans les tranchées de ses rues, en arrière-saison, le festival le plus branché de France. J’y passe cette année en coup de vent, j’y accours, pour m’y livrer à un exercice difficile : faire connaître un jeune auteur, Théo Casciani, vingt-deux ans, dont le premier roman, Pourpre, va être publié. C’est difficile pourquoi ? car tout ce qui est (vraiment) nouveau est inconnu, ne ressemble à rien — c’est même à ça qu’on le reconnaît vraiment, le nouveau — et il me faut garder ce « venin parvenu » (dit Racine) dans l’état d’empoisonnement pur. Et proposer cette expérience au public : ne rien savoir, ne rien reconnaître, ne rien entendre, rien. L’écrit contre l’écran. 
Car, à la fin, la littérature gagne car elle traverse la question

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T émoin oculaire de la réalité sensible



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R éunir les amants


Yves-Noël Genod (La Recherche, l’an passé) cherche à rencontrer des couples hétérosexuels ou, à défaut, des individus des deux sexes qui seraient susceptibles de participer bénévolement au spectacle intitulé Automne Hiver qui sera présenté à l’Arsenic du 1er au 4 novembre. Il s’agit, dans la première partie de la soirée qui se déroule dans le noir total (où l’on entend des poèmes de Charles Baudelaire), de dessiner des images subliminales, d’autant plus intenses qu’elles sont quasi invisibles, fantômes, des présences nocturnes déshabillées révélées par une pincée de pigment phosphorescent. Le choix de couples — ou d’un seul couple — permettra de ne pas suggérer l’errance ou la solitude, mais la rencontre érotique. Ces présences fantômales pourraient aussi, sans doute, se décliner dans l’autre partie de la soirée (à créer) d'après Phèdre, de Jean Racine, cette partie dans un éclairage relatif. La disponibilité idéale demandée est pour toutes les représentations (1er, 2, 3, 4 novembre), les avant-premières (29, 30, 31 octobre) et quelques répétitions. Mais ça peut être aussi pour une partie seulement des représentations (possibilité de relai). Yves-Noël Genod est disponible la semaine du 8 octobre pour rencontrer les postulants à cette expérience (forte).

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L umière religieuse


Bonjour Fabienne, bonjour Patrick, je n'ai pas le mail de Hervé Pons, pouvez-vous lui transmettre cette phrase que j’ai trouvée dans « Le Monde » du 1er octobre : « M. Zemmour n'est plus un trublion, mais le symptôme, l'expression, en pleine lumière, d'une droite dite « décomplexée », fière de son passé le plus honteux. » Je me suis expliqué avec Hervé qui m'a dit qu'il s’était trompé de mot et je lui ai dit que je ne lui en voulais pas. Mais je réaffirme ne tolérer en aucun cas d’être associé à l'extrême-droite que j'abhorre. Je serai obligé, chaque fois que cela sera réitéré, de démentir. Je crois, j'essaye en tout cas, qu'aucun de mes spectacles, même les plus noirs (Baudelaire, Hamlet, maintenant Phèdre) ne ressorte du nihilisme, vrai danger épouvantable et menaçant. Bien sûr, l’art aussi est blessé (ce dont parle Paul Virilio), mais j’essaye — comme d’autres — de soigner cette blessure (comme le monde). Je sais que vous me comprenez très bien ; nous savons que nous allons vers des temps horribles, mais à cette résistance au mal, nous devons la lumière… 
Bien à vous chère Fabienne, cher Patrick et cher Hervé,

Yves-Noël  

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C hute de rein


« Une robe réussie, avait-il dit au journal « Elle », doit donner l’impression qu’elle va tomber. »

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R ouge


« « Il y a quelque chose de terrible dans la réalité, et je ne sais pas ce que c’est. Et personne ne me le dit », dit Giuliana, le personnage principal de Le Désert rouge, de Michelangelo Antonioni. »

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D ans un monde ultra saturé


J’ai commencé ma carrière à Nantes, au Lieu Unique, il y a presque seize ans, figurez-vous, en juin 2003. Loïc Touzé avait carte blanche au festival Let’s Dance et m’a demandé de faire un spectacle. Succès. J’ai joué encore une année, puis une deuxième au Lieu Unique. Jean Blaise avait beaucoup aimé ce premier spectacle, En attendant Genod. Le temps passe. Paris m’appelle. Je ne reviens pas au Lieu Unique (adoré) jusqu’à ce qu’Olivia Grandville et Yves Godin m’en passe aujourd’hui la commande. Aux propositions d’Yves Godin, je réponds toujours oui. C’est un ami dont j’admire le travail, mais je n’ai jamais le budget de création suffisant pour l’engager à éclairer mes spectacles. Alors, comme on s’aime bien, on se rattrape comme ça : je dis oui à toutes ses propositions plastiques personnelles, je réponds présent. Comme d’habitude, je ne sais pas d’avance ce que je vais faire dans cette sculpture nouvelle, ce « Danse Parc », mais je ferai. Faire n’est rien. Comme d’habitude, ça aura à voir avec l’être. La Terre, le Temps, l’Espace aussi fragiles que le corps. Ne pas comprendre, comme un animal, comme une race. Revendiquer un art qui ne dise rien (dans un monde ultra saturé de propagande),
Yves-Noël Genod

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S troboscope


Bonjour à tous les trois,
Gildas nous rejoint, à partir du 24 octobre (c’est-à-dire à la seconde période de philippe), mais il peut aussi venir avant si nécessaire, qu’en penses-tu Benoît ?
J’ai vu un concert assez trash à Marseille (ils repassent au Dépôt ! à Paris, samedi), mais qui m’a fasciné. Parce que j’ai vu Phèdre (elle est bien sale et elle s’appelle Christeene).
Du coup, Philippe, j’ai noté : est-ce que tu pourrais ajouter un (ou des) stroboscopes dans ton ciel accéléré (comme accéléré sur une année plutôt que sur une journée), ça rajouterait des contrastes (comme des ombres d’Hiroshima). Un ciel eschatologique (quoi). Traces et ombres d’Hiroshima, brûlures cosmiques, radiations, trous d’ozone, accidents (catastrophes : revers du progrès), éclatement de fleurs et de feux et de fleuves (et de feux au bord des fleuves avec des fleurs). Ciels tourmentés (« tourments inévitables »), orages (« fureurs »), soleils mourant, Mallarmé, Tonnerre et rubis aux moyeux / De voir en l’air que ce feu troue / Avec des royaumes épars / Comme mourir pourpre la roue / Du seul vespéral de mes chars… Bijoux déversés, chariots brisés, latence, menace calme, paix rare
Son : micro main parfois ? (ou pendu du ciel à certains endroits).
Ah, aussi, reprécisons : Phèdre, c’est le soleil, Hippolyte, c’est la lune.
Je vais à Renne vendredi pour voir la salle, 
Yvno

Tenez, je vous donne aussi LE TOMBEAU DE CHARLES BAUDELAIRE c’est trop beau ! 

Le temple enseveli divulgue par la bouche 
Sépulcrale d’égout bavant boue et rubis 
Abominablement quelque idole Anubis 
Tout le museau flambé comme un aboi farouche

Ou que le gaz récent torde la mèche louche 
Essuyeuse on le sait des opprobres subis 
Il allume hagard un immortel pubis 
Dont le vol selon le réverbère découche 

Quel feuillage séché dans les cités sans soir 
Votif pourra bénir comme elle se rasseoir 
Contre le marbre vainement de Baudelaire 

Au voile qui la ceint absente avec frissons 
Celle son Ombre même un poison tutélaire 
Toujours à respirer si nous en périssons

On dirait Phèdre ! (tout craché) (cette pute qui s'assoie sur le marbre de Baudelaire)

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